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Neuf morts, ce n’était pas assez. C’est le triste constat qui s’impose en apprenant que Nicholas Lanciaux est probablement devenu la 10e victime des gaz de silo en 15 ans. Un autre homme, Serge Tremblay, a par la suite frôlé la mort et dû être plongé dans le coma. Ces statistiques ne font même pas état de toutes ces victimes silencieuses qui ressentent des symptômes d’empoisonnement sans se rendre nécessairement à l’hôpital.
Lorsqu’il était au salon funéraire pour rendre un dernier hommage à son fils Nicholas, mort l’été dernier dans un silo sur la terre familiale de Saint-Herménégilde en Estrie, Gilles Lanciaux a non seulement reçu des dizaines de messages de sympathies, mais aussi des témoignages de victimes silencieuses des gaz de silo.
« Tout le monde, à un moment donné ou un autre, a connu des épisodes comme ça [d’intoxication subie par eux-mêmes ou par leur entourage]. La marge entre “tu restes là et tu t’en sors” est mince », raconte-t-il à La Terre. Le 27 juillet, son fils Nicholas n’est pas ressorti vivant du silo. La Sûreté du Québec estime qu’il aurait été empoisonné par les émanations de gaz du silo. L’enquête de la Commission des normes, de l’équité, de la santé et de la sécurité du travail est toujours en cours. « On a tellement peu de jeunes bons agriculteurs, s’il faut qu’on les perde comme ça! […] Nicholas, c’était mon fils, mon partenaire de travail pis mon chum », a confié le père, la voix cassée.
Le producteur ovin Marie-Antoine Roy était présent lors des funérailles de Nicholas Lanciaux. Il estime que l’intoxication aux gaz de silo est encore un sujet tabou qui fait bien plus de victimes que l’on peut s’imaginer. « Aussitôt qu’on part la discussion quelque part, on dirait que ça débloque. Il y a un effet “me too” [moi aussi] », constate-t-il.
Un atelier en hommage à Nicholas
Le 17 septembre, le producteur a d’ailleurs accueilli une quarantaine de confrères à sa ferme de Newport en Estrie pour un atelier de prévention en collaboration avec la Fédération de l’UPA-Estrie et Équipements Lambert. À la sortie de cette activité, organisée en hommage à Nicholas, plusieurs agriculteurs se sont mis à parler de cas vécus d’intoxication à divers degrés. Le producteur Yves Boisvert, du canton de Westbury, a eu connaissance de trois cas dans son entourage. Un travailleur embauché à forfait ne s’est pas présenté chez lui comme prévu, par un bon matin. On l’a avisé qu’il avait été transporté à l’hôpital, ayant été intoxiqué aux gaz de silo ailleurs, la veille du rendez-vous.
Même le propriétaire d’Équipements Lambert, Jean-Marc Lambert, qui fait pourtant la promotion d’équipement de protection, a déjà inhalé des gaz de silo lors d’une opération de déblocage d’ensilage, il y a quelques années. « Je toussais fréquemment, ma gorge a été irritée. J’ai eu des extinctions de voix et ma voix a changé. Aujourd’hui, je vis avec ça », regrette-t-il.
L’importance de détecter
Si Marie-Antoine Roy milite, lui, pour convaincre ses confrères de l’importance de détecter les gaz en tout temps avant l’entrée en silo, c’est qu’il a appris d’une erreur. Il y a sept ans, l’un de ses employés lui a signalé avoir mal à la tête au moment où il tentait de placer une poche de plastique en haut du silo.
« On lui a dit immédiatement de se placer en dessous de la ventilation. Mon fils et moi sommes intervenus. Il est descendu à l’hôpital et n’a eu aucune séquelle. Le plus beau cadeau qu’une personne pourrait recevoir à Noël, c’est un détecteur de gaz… pour protéger nos vies », affirme-t-il.
Dans le deuil de son fils, Gilles Lanciaux trouve le courage de dénoncer l’inaction du gouvernement devant ces tragédies agricoles, qui ont fait 10 victimes en
15 ans. « C’est dur pour moi d’exprimer ça, mais il y a quelque chose qui doit se faire. On se fait vendre ces silos-là et il n’y a personne qui nous parle du danger. On y va selon nos méthodes. […] Ça nous a coûté cher pour apprendre », laisse tomber le père.
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