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La Fondation David Suzuki y est allée d’un coup d’éclat médiatique le 5 septembre en dévoilant dans les médias une compilation d’études scientifiques qui, selon ses auteurs, démontrent un lien entre l’autisme et l’utilisation de pesticides. Or, après vérification, ce lien est loin d’être établi.
Le journaliste scientifique du Soleil de Québec, Jean-François Cliche, est de ceux qui ont parcouru le document de 42 pages avant de déboulonner certaines prétentions de la Fondation. Rejoint par La Terre, il en a rajouté. Selon lui, les auteurs « se sont fait une revue de littérature taillée sur mesure pour laisser entendre que les pesticides causent l’autisme », laissant au passage de grands pans de la littérature scientifique sur l’autisme de côté.
M. Cliche souligne entre autres comment l’origine essentiellement génétique de l’autisme a été occultée dans le rapport, alors que deux études publiées en 2017 et en 2019 indiquent que les gènes sont responsables à environ 80 % du trouble neurodéveloppemental, laissant aux facteurs environnementaux comme les pesticides une part avoisinant les 20 %. « Ça ne veut pas dire que certains pesticides ne jouent pas un rôle, ajoute le journaliste, mais que la Fondation s’est arrangée pour ne trouver que ce qui faisait son affaire. »
Réaction des spécialistes
Les propos de Jean-François Cliche trouvent d’ailleurs écho chez les spécialistes consultés par La Terre. « Les pesticides sont associés à des impacts neurologiques, mais de là à faire un lien avec l’autisme, c’est autre chose », a notamment confié Sébastien Sauvé, professeur en chimie environnementale à l’Université de Montréal, en entrevue téléphonique. « Ce qui est beaucoup plus clair, ajoute-t-il, c’est un lien avec une baisse du quotient intellectuel et l’augmentation des déficits d’attention et des troubles moteurs chez les personnes exposées en bas âge », ajoute-t-il, soulignant que le lien entre les pesticides et la maladie de Parkinson est également accepté par la communauté scientifique.
Mayada Elsabbagh, spécialiste de l’autisme et chercheuse au Neuro, un institut de recherche affilié à l’Université McGill à Montréal, abonde dans le même sens. Elle indique que les scientifiques « n’ont toujours pas identifié de lien valide ou fiable entre des risques environnementaux spécifiques [incluant des pesticides] et l’autisme ». Selon elle, l’augmentation de la prévalence de ce trouble au cours des dernières années dans la population est aussi injustement présentée comme « alarmante » ou comme une « pandémie » dans le rapport de la Fondation. « Les critères qui servent au diagnostic sont maintenant plus larges qu’auparavant, explique-t-elle. Alors, on détecte plus de cas qu’avant. »
La Fondation tempère ses propos
Contactée par La Terre, Louise Hénault-Éthier, auteure principale de la compilation et chef des projets scientifiques à la Fondation David Suzuki, tempère ses propos. « Nulle part n’a-t-on dit que les pesticides déclenchaient l’autisme », dit-elle, indiquant avoir identifié des corrélations « très sérieuses » à ses yeux, tirées « d’études épidémiologiques de grande envergure ».
« Pour prouver la causalité, ça prend beaucoup plus que des corrélations », indique la docteure en sciences de l’environnement. « Ça nous prend maintenant un autre niveau de preuves avec des animaux de laboratoire », ajoute-t-elle, proposant que plus d’études en neurotoxicité soient effectuées avant que soit mis en marché tout pesticide.