Politique 22 septembre 2014

Stratégies fiscales pour le transfert de ferme

6af4fc6c08e16a1431f1416d29d50169

Tel que publié dans La Terre de chez nous

Bien que certaines règles fiscales permettent au producteur d’éviter ou du moins de minimiser l’impôt à payer lors du transfert des actifs d’une entreprise agricole (exemption pour gains en capital de 750 000 $, transfert libre d’impôt d’un parent à un enfant), certaines autres questions doivent être répondues avant qu’un transfert puisse être effectué:

  • Quelle est la valeur marchande de mon entreprise agricole?
  • ° Quel pourcentage de l’entreprise dois-je transférer pour le moment?
  • ° Est-ce que je veux vendre ou donner mes actifs lors du transfert à mon ou mes enfants?
  • ° Si je donne certains actifs à un de mes enfants, suis-je équitable pour les autres?
  • ° Est-ce que mon enfant pourra financer un achat avec les revenus de l’entreprise?
  • ° Quels sont mes besoins financiers pour ma retraite?

Dans beaucoup de cas, le transfert de l’entreprise sera progressif. Un premier 20 % est souvent acquis par l’enfant pour lui permettre d’obtenir la prime à l’établissement offerte par La Financière agricole du Québec, puis, quelques années plus tard (souvent plusieurs), le reste de la ferme est transféré par le ou les parents.

Transfert direct des actifs

Le transfert direct des actifs demeure la forme de transfert la plus simple. Toutefois, certains inconvénients sont associés à ce type de transfert tels que l’imposition du revenu créé lorsque que le parent transfère son inventaire. De plus, lorsqu’il s’agit d’un transfert d’une partie de la ferme, chaque bien deviendra la propriété indivise du parent et de l’enfant, ce qui peut compliquer l’enregistrement des actifs et le financement. Dans le cas d’un transfert progressif, il faudra, à chaque augmentation de la portion de l’enfant, enregistrer le transfert de terrains et de bâtiments, etc.

Société de personnes

Pour faciliter le transfert de la propriété de la ferme et le partage des revenus entre les membres de la famille, il peut être avantageux d’utiliser une société de personnes. D’ailleurs, les fermes dans lesquelles participent les deux conjoints sont souvent exploitées par l’entremise d’une telle entité. Les parts dans une société de personnes agricole familiale sont admissibles au roulement entre générations et à la déduction pour gains en capital. De plus, lorsque des biens agricoles de la société sont vendus, il est possible de partager le gain en capital entre les associés pour que ceux-ci réclament leur déduction pour gains en capital et qu’il n’y ait pas d’impôt à payer.

Il est possible à un producteur de transférer, libre d’impôt, à une société de personnes, l’ensemble des actifs de son entreprise agricole, y compris l’inventaire, en échange de montants à recevoir et de parts de cette société de personnes. Lorsque viendra le temps d’intégrer un enfant, il pourra lui vendre ou lui donner un pourcentage des parts qu’il détient. Par la suite, il pourra lui transférer progressivement le reste des parts par vente ou par don. S’il y a don, il y aura transfert sans impôt et s’il y a vente, le gain en capital pourrait être annulé par la déduction pour gains en capital.

Société par actions

Le transfert, libre d’impôt, des actifs à une société par actions plutôt qu’à une société de personnes est également possible. L’intégration de l’enfant se fait alors par le transfert d’actions. Une société par actions a en général un taux d’imposition plus bas que celui d’un individu et peut permettre un certain report d’impôt. Par contre, lorsqu’il y a vente d’actifs agricoles par la société par actions, celle-ci ne peut attribuer le gain en capital aux actionnaires et n’a pas droit à la déduction pour gains en capital. De plus, contrairement à une société de personnes, une société par actions doit payer une taxe sur le capital sur ses dettes et son avoir net.

Un des avantages de la société par actions est qu’elle permet d’effectuer un gel de la valeur de la ferme et l’intégration de l’enfant sans faire une donation immédiate de cette valeur. La mécanique est la suivante : le parent transfère les actifs de la ferme à une société par actions en échange d’actions de gel qui ont une valeur de rachat égale à celle des actifs. Par la suite, la société émet des actions donnant droit à la plus-value future de la ferme. Ces actions peuvent être émises pour quelques dollars au parent et à l’enfant dans des proportions désirées (exemple: 60 % au parent et 40 % à l’enfant).

Ce type de gel permet au parent de conserver la valeur accumulée de la ferme dans des actions spéciales. Ces actions pourront être rachetées par la société par actions sur un certain nombre d’années. Les actions pourront être transférées à l’enfant au fur et à mesure de son intégration. Dans le cas de décès, les actions pourront assurer aux autres enfants de recevoir éventuellement une partie de la valeur accumulée par le parent.

De plus, lors du transfert des actifs de la ferme à une société par actions, on peut choisir de vendre certains actifs à leur valeur marchande pour obtenir un montant à recevoir. Ce choix provoque un gain en capital pour le vendeur qui peut alors réclamer sa déduction pour gain en capital et ne pas payer d’impôt. De cette façon, le vendeur peut financer son retrait de l’entreprise en se faisant rembourser sur quelques années son montant à recevoir. Les actions de la société par actions pourront alors être cédées à l’enfant, qui n’aura pas à les payer directement.

Convention

Peu importe la structure qui sera choisie, il sera important de rédiger une convention entre les associés ou actionnaires. Cette convention doit prévoir des modalités en cas de décès, de l’invalidité ou du retrait d’un des signataires. On peut également insérer des clauses de paiement au parent qui vend sa ferme et des clauses de pénalité au cas où l’enfant vendrait la ferme peu de temps après l’avoir acquise du parent. Règle générale, il vaut mieux négocier et signer les choses quand tout va bien que lorsque l’on est plongé dans une crise.

Conclusion

Les considérations fiscales entourant le transfert de ferme peuvent être complexes, mais elles sont d’une importance capitale pour toutes les parties impliquées. Heureusement, la législation fiscale offre des outils permettant aux producteurs de minimiser les impacts fiscaux défavorables qui peuvent être associés à une telle transaction. Une bonne planification du transfert d’une ferme peut nécessiter de commencer à agir plusieurs années avant la retraite définitive de son propriétaire. Dès que l’idée commence à germer dans son esprit, il a tout intérêt à consulter un spécialiste compétent en la matière. Une décision qui s’avérera fort rentable lorsque le moment sera venu de réaliser ce transfert.