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Les Sœurs de Notre-Dame du Bon-Conseil ont investi en agriculture au Saguenay jusqu’en 2018 en créant notamment un troupeau de brebis laitières doté d’une génétique hors du commun. La Terre a retrouvé deux employés des Fermes Solidar, dont l’ex-gérante de troupeau Sabrina Maltais, pour retracer le parcours de cette entreprise unique du secteur de Chicoutimi qui vient d’être vendue et démantelée.
« Les Sœurs avaient vraiment l’agriculture à cœur. Par défi et par fierté, elles ont lancé [en 2001] un projet de génétique de brebis laitières. C’était unique. Elles m’ont embauchée et elles ont mis beaucoup d’argent pour pousser ce projet d’envergure », relate Sabrina Maltais, qui a été gérante du troupeau des Fermes Solidar pendant 10 ans. La diplômée en gestion agricole ajoute avec passion : « On voulait devenir la pierre angulaire de la brebis laitière au Québec. »
L’importation de semence provenant de béliers européens en 2013 s’est avérée un moment marquant et a même fait l’objet d’un reportage à l’émission La Semaine verte. L’animateur Errol Duchaine avait alors qualifié Sabrina Maltais « d’héroïne du jour […] qui élève des brebis laitières comme personne ».
Accroître les rendements
Cette mission névralgique d’aller chercher une nouvelle génétique de brebis laitières à l’étranger visait à corriger un problème de rendement. Les brebis que les Sœurs avaient achetées au début des années 2000 produisaient en moyenne 70 litres de lait par année, tandis que les sujets plus performants d’Europe pouvaient atteindre plus de 300 à 500 litres. « On avait aussi un problème de consanguinité chez les brebis laitières au Québec et avec la maladie de la tremblante du mouton, on ne pouvait pas importer d’animaux vivants. La seule option était l’importation de semence, et encore là, c’était très complexe et très cher », rapporte Sabrina.
La persévérance des Fermes Solidar a porté fruit avec l’arrivée de 500 doses de semence transportées par avion de France. Une première au Québec, qui marquait par la même occasion l’arrivée de la race Lacaune, très peu présente ici jusqu’alors. Ces brebis donnent de bonnes performances laitières tout en étant solides et plus rustiques, explique Mme Maltais.
Rentabilité difficile
La productivité a augmenté; certains sujets ont ensuite donné jusqu’à 500 litres de lait par année, mais la mise en marché du lait de brebis représentait un défi important. Sabrina Maltais s’est vu au même moment refuser une forme de copropriété de l’entreprise, ce qui l’a motivée à quitter la ferme en 2015. « J’ai donné énormément de temps bénévolement, mais je ne le regrette pas. J’adorais cet élevage et j’ai découvert de très belles personnes », assure Sabrina, qui a travaillé à la ferme avec des gens en réinsertion sociale et d’autres présentant une déficience intellectuelle. L’entreprise avait une vocation sociale importante, d’où le nom Fermes Solidar.
Robert Gaudreault, directeur de la ferme durant les deux dernières années, mentionne avoir cherché des avenues rentables. « Il aurait fallu transformer notre propre lait, mais ça aurait pris de gros investissements et les Sœurs n’étaient plus dans ce mode », explique-t-il.
Le site des Fermes Solidar, qui appartenaient aux Sœurs depuis 1933, a été vendu à un agriculteur du coin. Le troupeau a pris la direction de l’Ontario. « C’était le temps pour nous de passer à autre chose », s’est limitée à dire sœur Hélène Gagnon, supérieure générale de la congrégation des Sœurs de Notre-Dame du Bon-Conseil.
Un legs jugé important pour le milieu
Les Fermes Solidar et Sabrina Maltais ont marqué la génétique québécoise des brebis laitières, affirme l’éleveuse Zoé Coulombe. « C’est très important, ce qu’ils ont fait. Ils ont été des pionniers pour l’importation de génétique. Moi-même, j’ai des sujets de la lignée Solidar. Et ils ont été parmi les premiers à prendre vraiment les moyens pour clairer complètement le Maedi Visna [maladie ovine] de leur troupeau. Sans oublier que ce sont eux qui ont fait accepter la Lacaune [plus performante] comme race pure au registre officiel », reconnaît la propriétaire de la Bergerie Les Roses au Centre-du-Québec.
Fini les brebis aux Fermes Solidar L’agriculteur Pierre Girard a acheté les Fermes Solidar pour un peu plus d’un million de dollars. « C’est la ferme qui s’est probablement payée le plus cher au Saguenay, mais c’est dans mon rang et elle est très bien située, tout près des marchés », précise celui qui vient de mettre la main sur près de 100 hectares de terre cultivée sous régie biologique. Il étudie plusieurs possibilités, dont celle d’y installer une production sous gestion de l’offre. Chose certaine, Pierre Girard, qui est déjà propriétaire d’une ferme de vaches laitières, ne relancera pas la production ovine des Fermes Solidar. « Je n’ai aucunement l’âme de berger. Et les brebis, ce n’est pas une production payante », affirme-t-il. |