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Le manque de travailleurs locaux en agriculture s’est intensifié au cours de la dernière année. Si cette tendance s’avère inquiétante, il n’y a toutefois pas encore lieu de parler de pénurie.
C’est ce qui ressort de l’étude sectorielle de la main-d’œuvre agricole présentée lors de l’assemblée générale annuelle d’AGRIcarrières, le 28 mai. Plus de 120 travailleurs et employeurs ont été questionnés par la firme Agéco, mandatée pour réaliser l’étude.
Il est devenu de plus en plus difficile de recruter des travailleurs locaux. « Les outils traditionnels montrent leurs limites », lit-on dans le rapport. Au 2e trimestre de 2018, le taux de postes vacants était élevé, s’établissant à 4,1 %, selon Statistique Canada. En 2017, on évaluait qu’environ 2 700 emplois vacants n’avaient pas trouvé preneurs. Et d’après les projections, ce nombre est appelé à croître radicalement.
Le salaire figure parmi les facteurs pouvant expliquer le fait que les travailleurs locaux manquent à l’appel. Près du tiers (30 %) des employés participant à l’étude considèrent que leur rémunération n’est « pas à la hauteur » des tâches et des responsabilités reliées à leur fonction.
En agriculture, le salaire horaire médian est de 17,91 $/h comparativement à plus de 25 $/h dans les services et entreprises manufacturières, selon des données officielles compilées par Agéco.
Employeurs moins exigeants
Les centres d’emploi agricole sont devenus moins exigeants concernant la sélection des candidats, relève l’étude. Des conseillers se résignent à tous les appeler, même s’ils n’ont pas d’expérience. « Je laisse la chance au coureur », a déjà témoigné en ce sens Stéphanie Vaugeois, conseillère en ressources humaines au centre de la Mauricie.
Même s’ils ne détiennent pas les qualifications requises, les travailleurs « ont le gros bout du bâton » pour négocier auprès de l’employeur, relève Sandrine Ducruc, l’analyste d’Agéco. Pendant ce temps, les besoins en personnel spécialisé se sont accrus. Plusieurs emplois d’ouvriers et de -gestionnaires nécessitent plus de -compétences, ce qui contribue à la hausse du taux de postes vacants.
Presque pénurie
Sandrine Ducruc qualifie la situation actuelle de « rareté à presque pénurie ». Cependant, elle affirme que des mesures ont été prises : « Il y a des solutions importantes mises en place et on a un programme unique pour les travailleurs étrangers temporaires (TET). » D’ailleurs, ceux-ci sont 50 % plus nombreux au Québec qu’en 2014. Mais « les délais [de traitement des demandes] s’allongent et la solution n’est pas miraculeuse pour tous les postes à pourvoir », note-t-on dans l’étude.
Et s’il est ardu de trouver des employés permanents en agriculture, d’autres secteurs sont encore plus sévèrement touchés par le manque de main-d’œuvre, tels que l’hôtellerie et la restauration, fait remarquer Mme Ducruc.
Des moyens concrets pour être attractif
Face à la rareté de main-d’œuvre, l’heure de vérité a sonné pour les producteurs locaux. Ils doivent plus que jamais être « attrayants » pour recruter des travailleurs locaux et les garder en poste.
C’est l’un des grands défis soulevés dans la nouvelle étude sectorielle du personnel agricole. Il y a quelques années, cette attractivité souhaitée n’était que des vœux pieux, constate la directrice générale d’AGRIcarrières, Geneviève Lemonde. « Ça ne se concrétisait pas sur le terrain. Mais là, on le voit. […] Les producteurs se mettent en mouvement. »
Parmi les moyens utilisés, certains entrepreneurs misent sur des avantages sociaux, tels que des frais de déplacement ou un loyer gratuit. C’est le cas de Paul Doyon, qui a réussi à convaincre son deuxième fils de travailler à la ferme familiale. Il a comparé avec ce qu’on lui offrait ailleurs, et le fait d’avoir un logement fourni et des dépenses payées, telles que les frais de cellulaire, a pesé dans la balance.
Toutefois, certains incitatifs ne font pas l’unanimité. « Quand on a commencé à payer l’essence, on a perdu le contrôle [des dépenses des effectifs] au bout de deux semaines », a témoigné le producteur laitier Mario Théberge, lors de l’assemblée générale annuelle d’AGRIcarrières. Ce dernier faisait référence à certains cas d’abus de ce privilège chez des employés. « Je ne le conseille à personne », a-t-il lancé en guise d’avertissement. Par ailleurs, l’organisation a récemment répertorié toute une gamme d’avantages offerts aux travailleurs. On remarque que les primes au rendement, les bonus de fin d’année ou encore les dons en nature, notamment en produits de la ferme, sont des moyens utilisés par plus du tiers des entreprises dans certains secteurs.
L’exemple de la Ferme horticole Gagnon
La Ferme horticole Gagnon a mis en place une prime au rendement pour ses cueilleurs de fraises. Ce système comprend plusieurs critères, dont la vitesse de cueillette, la qualité des fruits récoltés, mais aussi l’esprit d’équipe. Chaque semaine, les employés ont hâte de voir le fruit de leurs résultats, avaient expliqué la gérante Francine Héroux et l’agroéconomiste Jasmine Sauvé, lors du colloque d’AGRIcarrières en février. Ce moyen favorise le dépassement de soi, mais contribue également à la motivation et à l’engagement des travailleurs. Pour ces deux femmes, il s’agit d’un investissement payant qui se reflète jusque dans les ventes hebdomadaires de l’entreprise.