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« Dis-moi ce que tu manges, je te dirai qui tu es. » Cette célèbre citation trouve un autre sens dans L’éthique du hamburger, ce nouveau livre destiné aux étudiants en sciences animales où l’on propose d’« alimenter » les réflexions autour d’enjeux agroalimentaires à la fois complexes et polarisants.
Notre relation avec les animaux, les risques alimentaires ou encore l’accaparement des terres sont au menu de l’ouvrage piloté par Lyne Létourneau, professeure titulaire au Département des sciences animales, et Louis-Étienne Pigeon, chercheur à l’Université Laval. Au total, 18 auteurs se sont aventurés sur des sujets qui soulèvent les passions sur la place publique.
Le hamburger n’est pas un aliment neutre, d’où l’idée du sous-titre Penser l’agriculture et l’alimentation au XXIe siècle. « C’est le symbole par excellence du système alimentaire mondialisé », fait valoir Mme Létourneau, en entrevue à La Terre. Comme elle l’écrit en préambule de l’ouvrage, « la leçon à tirer est qu’aucun choix alimentaire n’est insignifiant sur le plan éthique. […] Chaque aliment [du hamburger] est connecté plus ou moins directement à une problématique plus vaste du domaine bioalimentaire ».
Se faire sa propre idée
L’ouvrage consacre notamment un chapitre complet à l’éthique de nos relations avec les animaux et à tout ce qui entoure l’anthropocentrisme, la protection animale et les théories antispécistes.
« À quelle conception du bien-être on s’identifie? Quelles obligations on reconnaît [envers les animaux]? Même si on améliore les conditions d’élevage, l’animal est toujours utilisé comme un moyen », expose la professeure. C’est pourquoi il n’y a pas de consensus possible autour de ces questions, sauf pour ceux qui ont des positions plus modérées, enchaîne-t-elle.
Un autre chapitre se penche sur l’innocuité des aliments et la question de l’acceptabilité des risques alimentaires pour jeter un éclairage sur la façon dont certaines crises peuvent être gérées par les autorités gouvernementales. Certaines mesures de protection peuvent être vertement critiquées, comme dans le cas de la crise de la vache folle qui a secoué l’Europe. Des experts au Danemark considéraient que le risque pour la santé des consommateurs était trop minime pour justifier les dépenses encourues afin d’enrayer l’encéphalopathie spongiforme bovine (ESB), rapporte-t-on dans le livre.
Une réflexion sur les logiques d’accaparement et de concentration des terres agricoles est aussi proposée dans le livre. « J’ai beaucoup insisté pour avoir un chapitre sur cette question-là », soutient la professeure. Les logiques strictement financières rendent « la recherche de la sécurité alimentaire toujours plus tributaire de considérations purement spéculatives », avance-t-on notamment dans l’ouvrage.
Avec ce livre, « on veut aider les gens à faire du ménage dans leur tête pour savoir où ils se positionnent, à la lumière des différents arguments et courants de pensée disponibles ». Cependant, les auteurs n’ont pas la prétention d’être des maîtres à penser, prévient Mme Létourneau.
Plusieurs autres sujets agroalimentaires pourraient être abordés sous l’angle de l’éthique appliquée, comme le gaspillage alimentaire ou encore les insectes destinés à la consommation humaine ou animale, estime la professeure. Peu de contenus sur l’éthique appliquée en agriculture et en alimentation avec l’approche anglo-saxonne étaient disponibles, ce qui a motivé la création de ce nouveau livre. « On vient vraiment combler un vide de ce côté-là », se réjouit Mme Létourneau.
L’éthique, un concept à la mode? Le concept de l’éthique prend beaucoup de place aujourd’hui, remarque Lyne Létourneau. « Peut-être que c’est un juste dû, considérant que c’est une sous-discipline de la philosophie qui existe depuis longtemps. C’est très certainement mérité en raison de la qualité de l’ensemble des études qui ont été produites », estime la professeure. « Notre action est toujours basée sur un jugement de valeur. C’est le terrain de jeu de l’éthique. Il n’y a pas un dossier dans l’actualité où on ne peut pas trouver un jugement de valeur sous-jacent, affirme Mme Létouneau. Il y a une époque où la philosophie ne croyait pas qu’elle avait des prétentions pour éclairer des débats de société. Mais maintenant, on pense que l’éthique a un rôle à jouer. » Cependant, il faut être conscient de ses limites, d’où l’importance du dernier chapitre du livre sur le sujet. |