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Fille de producteurs de grandes cultures, Claudine Cournoyer ne se destinait pas du tout à l’agriculture. Aujourd’hui, elle dirige fièrement l’entreprise paternelle. Portrait d’une battante.*
Claudine n’avait jamais envisagé de reprendre l’entreprise familiale, la Ferme du rang St-Pierre, spécialisée dans les grandes cultures. Bien qu’elle appréciait donner un petit coup de pouce occasionnellement sur la ferme, conduisant la voiture à grains et faisant des tours de batteuse, la jeune femme menait une florissante carrière dans le domaine du design intérieur. En 2000, son père Jean est emporté par le cancer. « Ç’a tout requestionné », confie aujourd’hui Claudine. Elle et son conjoint envisagent alors pour la première fois de reprendre le patrimoine familial. « Mais je ne connaissais rien là-dedans », avoue-t-elle.
Claudine s’inscrit donc en 2001 en Gestion et exploitation d’entreprise agricole (GEEA). Pendant ses années d’études, les 335 hectares de terre sont loués et une bonne partie du parc de machinerie est vendue. Sa mère, Claire Champigny, tient le phare. Claudine apprend aussi les rudiments du métier lors d’un stage à la ferme JN Beauchemin, une entreprise voisine, où Ghislain devient vite son mentor. La jeune femme et sa mère font leurs premières semences au printemps 2003. « La première année, on a seulement cultivé 150 hectares et on n’a pas séché le maïs », se rappelle Claudine. Tranquillement, les deux femmes reprennent les terres à mesure que les baux arrivent à échéance. Elles rachètent graduellement un planteur à céréales, un second tracteur, un chisel et un vibroculteur. En parallèle, elles préparent le transfert de l’entreprise familiale à Claudine. Cette dernière peut alors compter sur l’aide de son conjoint, qui l’assiste sur la ferme sans toutefois être associé. Pour prévenir les pépins, le couple rédige en 2003, avec l’aide du Groupe Conseils Progestion, une entente notariée.
Un jour à la fois
En 2006, Claudine et son conjoint se séparent. L’entente légale conclue en des temps plus heureux lui a permis de vivre sa séparation sans mettre en danger la survie de l’entreprise familiale. Maintenant mère monoparentale de la petite Camille, 5 ans, elle a dû réorganiser tout son travail. « Je fonctionne beaucoup avec la ferme Beauchemin et le travail à forfait. L’avantage, c’est que je n’ai pas de gros parc de machinerie à supporter », explique la jeune femme qui cultive 280 hectares, principalement en soya et maïs, de même qu’une vingtaine d’hectares de blé en semis direct. Elle gère aussi un plan de séchage de 1500 tonnes. L’agricultrice a développé plusieurs petits trucs pour se faciliter la vie. « Maintenant, j’achète de la semence en vrac plutôt que des poches. Après 20 poches pour remplir le semoir, j’étais brûlée! » plaisante-t-elle. Elle fait aussi les changements d’huile des tracteurs et change les bearings. « Je me débrouille pas pire et si j’ai besoin, il y a des hommes en masse dans le rang », plaisante-t-elle.
Pour traverser les épreuves, Claudine a pu compter sur le support inconditionnel de sa mère, de la famille Beauchemin, d’un réseau de contacts tricoté serré, mais aussi sur la prévoyance de ses parents et la sienne. « Si on n’avait pas eu d’assurance et de bons papiers, je pense que l’entreprise ne serait plus là. On n’aurait pas eu le choix de vendre », assure la jeune femme de 34 ans. Pour elle, les documents légaux lui ont enlevé des préoccupations dans une période où elle en avait déjà beaucoup. « Prévoir l’imprévisible, ça ne coûte pas cher, surtout à la valeur qu’on possède, même si ce n’est pas directement dans nos poches », insiste la jeune femme qui, 11 ans plus tard, suit toujours les traces de son père. « Mon père est sûrement fier, mais il est peut-être moins fier que je ne passe pas la charrue parce que lui, il aimait ça la charrue », sourit Claudine.
*texte publié en avril dernier dans l’édition papier de la Terre de chez nous.