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En se lançant dans un élevage aussi méconnu et peu documenté que le vison, Marie-Ève Fortin a fait preuve d’une bonne dose d’audace.
Sa débrouillardise et son esprit d’initiative viennent d’être salués par le titre d’Agricultrice entrepreneure.
Dans le but de faire découvrir ce qu’il y a de beau et de bon dans sa Mauricie natale, Marie-Ève, qui détient un diplôme d’études collégiales en tourisme, se retrouve au Réseau de développement agroalimentaire de la Mauricie. Ce contact avec le monde agricole lui donne le goût d’en faire son métier. En 2000, lors d’une discussion autour d’un feu de camp, Marie-Ève apprend l’existence de fermes d’élevage de visons au Québec. Intriguée, elle commence à récolter de l’information sur cette production méconnue. Pendant sept ans, elle se documente abondamment. Finalement, la rencontre avec Gérard Landreville, un éleveur de 89 ans avec près de 70 ans d’expérience dans le vison, la convainc de faire le grand saut dans cette production. Marie-Ève débute modestement avec quatre femelles installées dans son garage. Elle ne tarde pas à voir plus grand et part à la recherche de capitaux pour bâtir sa visonnière. « Le cheminement pour obtenir du financement ne fut pas de tout repos », se rappelle Marie-Ève, qui cogne, sans succès, à plusieurs portes. Son assurance et son aplomb finissent par convaincre une institution financière. Le reste s’enchaîne. À la fin de l’année 2008, 200 femelles et 50 mâles reproducteurs font leurs nids sur la ferme.
Agile et futé
Le petit carnassier, proche cousin du furet, vorace, rapide et joueur, demande une régie au poil. Chaque animal est alimenté manuellement afin de détecter tout problème de santé. Jusqu’à tout récemment, Marie-Ève devait manipuler quotidiennement jusqu’à une cinquantaine de bouteilles de 20 litres d’eau. Les visonneaux, qui ne sont pas plus longs qu’une souris à la naissance, atteindront leur taille adulte six mois plus tard. La qualité de leur fourrure atteint son apogée au début du mois de décembre. « C’est le temps de faire fourrure.
C’est mon conjoint, Guillaume, un trappeur compétent et expérimenté, qui s’occupe de cette tâche avec grande minutie », spécifie Marie-Ève. Une fois dégraissées, étirées et séchées, les peaux sont vendues à la North American Fur Auctions à Toronto. Les acheteurs de partout à travers le monde s’y donnent rendez-vous en février et en mai. La ferme de Marie-Ève, Entreprise Ambeau, y met en marché près de 1000 peaux chaque année et souhaite augmenter la cadence à 2000. Guillaume, son amoureux de l’école primaire qu’elle a perdu de vue pendant dix ans avant de le retrouver, partage sa vision. « Entreprise Ambeau est le rêve d’une femme et d’une famille de vivre en région, près de nos deux familles. C’est aussi pour faire vivre à nos enfants et à nos parents le plaisir mutuel de se côtoyer, de se connaître et de vivre des aventures afin de remplir notre histoire familiale de beaux souvenirs », confesse la maman d’Audrée, sept ans, et des jumeaux, Amélie et Benoît, bientôt cinq ans.
Seule productrice de visons au Québec à être 100 % responsable des prises de décision dans l’entreprise, Marie-Ève s’implique également pour valoriser son métier, méconnu et rabroué par les préjugés et la désinformation. Son travail a été récompensé lors de la finale régionale du Concours québécois en entrepreneuriat en 2009 et plus récemment par le titre d’Agricultrice entrepreneure, décerné par la Fédération des agricultrices du Québec à son dernier Gala Saturne. Marie-Ève a d’ailleurs soumis sa candidature pour ses enfants. « À leur jeune âge, ils ne comprennent pas toujours le pourquoi de l’absence à la maison de leur maman. Toutes ces heures investies à la visonnière, c’est pour que nous puissions un jour en vivre aisément. C’est également pour transmettre les valeurs du travail et de l’accomplissement », conclut Marie-Ève.