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« J’ai honte de mon père, de ce qu’il a fait, d’être sa fille et de reprendre sa ferme. » Tels sont les mots de Sandra lorsqu’elle décrit ses sentiments envers son père. Normalement, un enfant devrait être fier de ses parents et de reprendre l’entreprise familiale. Pourtant, c’est une Sandra rongée par la frustration, la peine et l’incompréhension qui nous livre son témoignage.
Comment « survivre » lorsqu’un proche commet l’irréparable à nos yeux? Comment suivre sa passion, ses traces alors que le sentiment qui nous habite est le « dégoût »? Puisque c’est un sujet lourd et très tabou, il est difficile pour Sandra de trouver des personnes ayant vécu quelque chose de similaire. « C’est pour ça que je veux partager mon histoire », écrit-elle. Elle espère que ça pourra l’aider et peut-être en aider d’autres à traverser ce genre d’épreuve.
« C’était mon idole d’enfance et maintenant, je ne suis plus capable de le regarder en face. Je voudrais que cette histoire n’ait jamais eu lieu. Cet événement a fait une coupure avec ma vie parfaite d’avant », relate-t-elle avec tristesse. Ce qui est le plus difficile pour elle, c’est de garder le silence, de faire semblant que tout va bien, alors qu’à l’intérieur, elle cherche à retrouver sa joie de vivre d’autrefois. Sandra n’arrive pas à nommer l’acte qu’il a commis, puisque celui-ci est totalement incompréhensible. « Travailler avec lui est difficile. Le voir chaque jour est devenu lourd, trop lourd pour moi. » La déception face au geste de son père est omniprésente dans le quotidien de la jeune fille, tellement qu’elle s’interroge au sujet de sa passion pour l’agriculture. « Je me demande souvent si je reste ou si je pars. La ferme, les terres, c’est mon repère, c’est qui je suis et ce que je connais », ajoute-t-elle.
L’agriculture est un milieu tissé serré où tout le monde se connaît. Il est donc complexe de ne pas être associé à ses parents. « Ne m’associez surtout pas à son image, j’en ai tellement honte. On parle souvent des victimes lors des drames familiaux, mais il ne faut pas oublier les membres de la famille des “méchants”. Ils n’ont pas demandé ça et ils subissent en silence. C’est une lourdeur affligeante », nous confie-t-elle.
Sandra est allée chercher de l’aide pour y voir plus clair. Il s’agit d’un très long cheminement personnel qui prendra beaucoup de temps et d’amour. Le soutien de l’entourage est primordial. Heureusement, elle a un bon cercle d’amis. Ceux-ci la soutiennent et l’accompagnent dans son cheminement. Ils sont sa nouvelle famille et le filet de sécurité qu’elle s’est reconstitués pour pouvoir s’en sortir. Elle n’abandonne en rien sa véritable famille; elle prend juste le recul nécessaire.
Dans un cas semblable, il est difficile d’espérer accorder son pardon. « Je me demande comment je pourrais pardonner l’impardonnable », confie-t-elle. Elle pourra le faire, un jour, lorsqu’elle en sentira le besoin, pour elle. En attendant, elle se recrée, doucement, un petit bonheur, une joie de vivre.
Nous croyons qu’il n’est pas nécessaire de nommer le geste commis par le père de Sandra. Ce qui importe, c’est de garder l’accent sur la réalité de cette dernière face à tout cela. Vivre avec le poids et la gravité des actes des autres peut être une condamnation. Sandra apprend lentement à ne pas porter sur ses épaules le poids des erreurs des autres ni le malaise à leur place.