Alimentation 29 octobre 2018

Emballer ses fruits et légumes autrement

L’entreprise américaine Apeel Sciences a lancé récemment sur le marché américain des avocats qui demeurent frais deux fois plus longtemps qu’à la normale. Son secret? Un enduit inodore, incolore et comestible qui recouvre le fruit.

Pareille innovation n’a rien de tout à fait surprenant pour Patrick Fustier, chercheur au Centre de recherche et de développement de Saint-Hyacinthe (CRDSH). Le biologiste de formation travaille lui aussi au développement de biofilms comestibles. « L’enduit qu’on utilise pour enrober le fruit change son métabolisme en limitant les échanges de gaz », dit-il. La stratégie empêche notamment l’eau de quitter le produit et l’oxygène d’y entrer. Résultat : le fruit reste frais plus longtemps!

Bruno Ponsard, directeur de l’Institut des technologies des emballages et du génie alimentaire. Crédit photo : ITEGA
Bruno Ponsard, directeur de l’Institut des technologies des emballages et du génie alimentaire. Crédit photo : ITEGA

L’équipe de Patrick Fustier teste présentement différentes préparations à base de cellulose auxquelles sont ajoutés d’autres composants pour en améliorer les propriétés générales. « On intègre par exemple du chitosane », explique le spécialiste. Ce dérivé de la carapace des crevettes a un pouvoir antimicrobien qui pourrait bien servir, selon lui. Pour l’instant, le chercheur teste ses différentes concoctions et des procédés d’application sur des poivrons. « Ça demeure très expérimental, admet-il, mais l’approche des biofilms est très populaire et devrait un jour servir pour tous les fruits et légumes. »

D’autres innovations

Les innovations en matière d’emballage ne s’arrêtent pas là. Louise Deschênes, chercheure spécialisée en nanomatériaux au CRDSH, teste aussi différentes solutions d’emballage, notamment celles qui impliquent du plastique. « Le plastique demeure l’une des solutions d’emballage les plus pratiques parce qu’il est multifonction, explique-t-elle. Il préserve la qualité nutritionnelle, empêche la contamination microbienne, a souvent un rôle dans la manutention et sert aussi au marketing, par exemple. »

Son équipe teste notamment l’efficacité de différents matériaux et plastiques pour trouver ceux qui ont des propriétés optimales selon le type de produit à emballer. « On s’attarde surtout à la perméabilité aux gaz des matériaux, indique-t-elle. Ceux qui s’adaptent le mieux à la respiration normale de chaque produit permettent de prolonger la durée de vie tout en maintenant sa qualité. »

Selon elle, d’autres innovations pourraient bientôt s’intégrer aux solutions d’emballage existantes. « Beaucoup de recherche se fait notamment pour remplacer les additifs chimiques qui ont un pouvoir antimicrobien », souligne-t-elle.

C’est ainsi que des huiles essentielles, notamment celles issues des agrumes, pourraient bientôt être intégrées à l’emballage de certains produits afin d’offrir une solution de préservation naturelle. « En plus d’avoir un effet antimicrobien, ces essences ont un pouvoir antioxydant qui accroît la fraîcheur du produit », ajoute Mme Deschênes.

Réduire l’empreinte écologique

Somme toute, la recherche en matière d’emballage des fruits et légumes a pour objectif de réduire le gaspillage alimentaire en prolongeant la durée de vie des aliments, mais pas seulement.

Selon Bruno Ponsard, directeur à l’Institut de technologie des emballages et du génie alimentaire (ITEGA), l’industrie cherche aussi à réduire l’empreinte écologique des emballages alimentaires. « Il y a un réel intérêt pour le développement et l’adoption des matériaux qui auront le moins d’impact possible sur l’environnement », note-t-il.

Selon lui, une partie de la solution passe par une amélioration du design des emballages. « Dans les produits emballés qui sont fragiles, comme des tomates par exemple, on a remplacé le couvercle rigide par une pellicule, dit-il. De cette façon, on a réduit la quantité de matière à recycler une fois que le produit est consommé. »

Il serait surprenant qu’on arrive à une seule et même solution d’emballage pour l’ensemble des fruits et légumes, chacun ayant ses particularités. À cette différence, il faut aussi ajouter le mode de distribution, souligne M. Ponsard. Dans un marché où prennent maintenant place des paniers bio d’un côté, et des services de kits de repas de l’autre, les besoins en matière d’emballage varient en effet beaucoup.

« C’est un secteur qui est vraiment en mouvance, conclut-il. À terme, de nouveaux matériaux seront adoptés et les emballages seront optimisés selon les besoins de distribution de chaque produit. »  

Martin Primeau, collaboration spéciale.