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Des producteurs du Marché Jean-Talon déplorent la transformation de l’avenue Shamrock en place publique permanente. La perte d’espaces de stationnement nuirait aux activités commerciales. Fin octobre, ils ont déposé auprès de la Ville de Montréal une pétition signée par 15 000 personnes qui partagent leurs -préoccupations.
Lino Birri exploite un commerce au Marché Jean-Talon depuis 57 ans. La fermeture de la rue Shamrock à la circulation automobile lui cause bien des maux de tête.
« Ça complique l’accès pour nous, les producteurs, pour livrer les produits chaque jour et aussi pour les clients, explique le -maraîcher, qui compte plusieurs restaurateurs parmi sa clientèle. Comme ils achètent à gros volume, ils ont besoin de stationner leur camion près du kiosque pour le charger. »
Faute d’espace, ces clients doivent souvent se stationner sur la rue Jean-Talon. « Je dois alors demander à des employés de les aider à transporter leur commande. » M. Birri a dû embaucher du personnel supplémentaire pour remédier à la situation. « Il faut travailler plus fort pour maintenir le même chiffre d’affaires. » Selon lui, même s’il y a plus de 400 places de stationnement souterrain sur le site, elles ne sont pas une solution pour le type de clientèle qu’il dessert.
Pour sa part, Philippe Beauregard, du Potager Mont-Rouge, estime que ses ventes ont chuté de 30 % depuis le début des travaux sur la rue Shamrock. « Beaucoup de mes clients achètent mes tomates en grande quantité pour faire des conserves. Ils viennent parfois de loin pour s’approvisionner chez nous. On a besoin de stationnement à proximité pour le chargement », explique le producteur de Rougemont, qui vend environ dix tonnes de tomates par jour au Marché.
Cela dit, tous les agriculteurs ne sont pas touchés négativement par la transformation en cours. C’est le cas de la Ferme des Quatre-Temps, dont le propriétaire, spécialisé dans l’agriculture biologique intensive, écoule 65 % de sa production maraîchère au Marché Jean-Talon. « C’est notre principal point de vente », affirme Catherine Sylvestre, responsable des marchés de l’exploitation. Sa clientèle est constituée essentiellement de particuliers qui achètent à petit volume.
Des besoins divergents
Pour l’arrondissement de Rosemont–La Petite-Patrie et ses partenaires, soit la Corporation de gestion des marchés publics de Montréal (CGMPM) et la Société de développement commercial (SDC) de la Petite-Italie et du Marché Jean-Talon, le but de ces travaux était de créer un lien piétonnier entre le marché et le boulevard Saint-Laurent afin de dynamiser le secteur. Plusieurs producteurs soutiennent n’avoir pas eu leur mot à dire dans ce projet. François Croteau, maire de l’arrondissement, réfute l’argument. Il rappelle que 14 activités de consultation publique ont été menées lors de l’élaboration du projet en 2017. Celui-ci a même été modifié pour ajouter des places de stationnement afin de répondre aux besoins exprimés par les commerçants.
Ces dernières années, le Marché a connu plusieurs phases de développement qui ont accru et diversifié l’offre commerciale. À proximité des producteurs, on trouve de plus en plus de commerces de produits transformés. Bien que la SDC n’ait pas de données sur l’affluence réelle, elle soutient que la clientèle augmente et change également. « Il y a les clients de proximité qui viennent à pied ou à vélo pour faire leurs achats hebdomadaires, les consommateurs occasionnels et de plus en plus de touristes », explique Cristina D’Arienzo, directrice générale de la SDC de la Petite-Italie et du Marché Jean-Talon.
Vers un plan directeur
L’équilibre entre piétons, automobilistes et commerçants n’est pas toujours facile à trouver. « Il faut se doter d’un plan directeur pour s’assurer que les aménagements futurs répondent aux besoins des différents usagers, soutient François Croteau. Le travail s’amorce avec les divers partenaires pour établir les paramètres de la démarche. Nous nous donnons deux ans pour y arriver. »
Selon Mme D’Arienzo, il y a des espaces à proximité du marché qui pourraient être convertis en entrepôts, ce qui faciliterait la livraison pour les producteurs qui vendent à gros volume. « Il est important que le Marché reste un marché de destination », dit-elle.
La réflexion qui s’amorce pour le Marché Jean-Talon pourrait s’étendre à l’ensemble du réseau des marchés publics. « On arrive à un tournant, affirme Nicolas Villeneuve, président de la CGMPM. L’alimentation est un enjeu majeur. Il faut favoriser la mise en disponibilité des produits agricoles avec un circuit court. On a intérêt à réfléchir ensemble au déploiement de l’offre commerciale pour chacun des marchés de la métropole. »
Sylvie Lemieux, collaboration spéciale