Alimentation 19 septembre 2014

La Laiterie Chalifoux vogue vers son 100e anniversaire

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Tel que publié dans La Terre de chez nous

À 90 ans bien sonnés, la Laiterie Chalifoux inc. est l’une des rares petites laiteries régionales à avoir encore pignon sur rue au Québec.

Et sans les Fromages Riviera, implantés il y a un demi-siècle, cette entreprise familiale établie sur les terres de la ferme laitière ancestrale, à Sorel, aurait sans doute été emportée comme tant d’autres. Mais il y a fort à parier qu’elle pourra célébrer son prochain centenaire avec la relève qui a repris le flambeau ces dernières années. La Terre a pu constater, le 13 janvier dernier, que la diversification des produits laitiers n’est qu’une des multiples facettes de la vision et du sens des affaires que cette famille soreloise a su déployer au fil des ans pour survivre et prendre de l’expansion.

Car les défis n’ont pas manqué, à commencer par celui du transfert entre générations. Au Québec, 70 % des PME ne survivent pas à leur fondateur et 90 % n’atteignent pas la troisième génération. Aussi l’actuel président, Jean-Pierre Chalifoux, récipiendaire du Prix Donat-Roy 2010, est-il très fier d’avoir réussi l’exploit de transférer ce joyau à la quatrième génération. « Si vous saviez le nombre d’offres d’achat que nous avons refusées au fil des ans », illustre celui qui, pour son entourage, a fait preuve « d’entêtement » dans cette opération. « L’ajout du volet fromager explique sans doute la survie de notre entreprise », renchérit Alain, son fils aîné, qui a délaissé sa propre entreprise spécialisée dans les équipements d’usine pour devenir vice-président et copropriétaire de la laiterie familiale. La quatrième génération, c’est aussi Mélanie, directrice des Ressources humaines et actionnaire, la fille d’André, administrateur de l’entreprise. « C’est d’abord la fierté et la détermination de ces entrepreneurs à garder ce fleuron au sein de la famille qui ont joué un rôle de premier plan dans la continuité de cette aventure », témoigne pour sa part le directeur général, François Marcil.

Concurrence féroce

La Laiterie Chalifoux a un chiffre d’affaires d’environ 35 M$ par an, issus à 80 % du secteur des fromages. « Les fromages frais sont au coeur de notre mission principale », note Alain. L’entreprise fournit du lait pasteurisé à l’ancienne, mais n’a pas pris le virage des laits de spécialité (oméga-3, etc.). « Nous n’avons pas les volumes pour consentir les investissements majeurs requis », explique Alain. Et « la concurrence est encore plus féroce dans le lait de consommation que dans les fromages », glisse le DG Marcil.

Se colleter sans cesse aux géants du secteur laitier québécois et canadien n’est pas de tout repos. « Nous payons , notre lait le même prix que les Saputo, Agropur et Parmalat de ce monde sans toutefois avoir un budget de promotion équivalent! signalent Alain et Jean-Pierre. Nous devons donc optimiser nos équipements, innover sans cesse et nous démarquer en occupant des marchés de niche. Il est en effet impossible de les concurrencer autrement. » C’est vrai non seulement pour les fromages, mais aussi pour le yogourt, fabriqué en formats de 5 kg et 10 kg et destiné aux institutions, laissant les autres marchés aux Yoplait et Danone.

« L’accès aux tablettes des supermarchés demeure un défi majeur, ont reconnu Alain et le DG Marcil. Il faut verser quelque 20 000 $ pour qu’un produit soit listé en épicerie, une somme beaucoup plus onéreuse pour une petite laiterie que pour un géant laitier. » Ils ont pu encore vérifier combien l’accès aux tablettes est difficile, lors de la fermeture de la Laiterie Lamothe, acquise par Agropur. Ils n’ont pu conquérir une partie des marchés occupés par cette laiterie de la région de Drummondville. Alain déplore aussi que des chaînes d’alimentation utilisent certains fromages comme produit d’appel pour attirer la clientèle. Car il est en effet impossible, pour une laiterie de cette taille, d’accoter le prix de ces fromages.

Attirer et retenir sa main-d’oeuvre, dans une région où évoluent de grosses entreprises qui versent des salaires élevés, demandent un doigté particulier, un défi qui revient à Mélanie. L’entreprise a un chiffre d’affaires de 35 M$ et embauche quelque 150 personnes, dont certaines y sont de génération en génération.

La Laiterie Chalifoux se préoccupe des besoins plus pointus de ses clients avec son équipe de 16 laitiers indépendants qui livrent ses produits à domicile et dans les commerces. Et elle est sans doute la seule laiterie de cette taille à posséder ses propres camions pour ramasser le lait. Les Chalifoux ont aussi su répondre aux demandes des producteurs de lait. « Il n’y a plus aucune substance laitière dans nos produits depuis un an et demi », avance fièrement Alain. Cela signifie l’achat de plus de lait d’une centaine de producteurs de la région, dont la ferme soreloise, la ferme des Trèfles et la ferme J. N. Beauchemin et Fils. L’entreprise a besoin de près de 30 millions de litres de lait par an.