Régions 17 septembre 2018

Les artisans derrière le rêve

Tout succès naît d’une vision. Avant de devenir le plus important événement du monde agricole au Québec ayant lieu à l’extérieur, Expo-Champs est parti de presque rien, tenu à bout de bras par une poignée d’irréductibles qui croyaient en leur rêve. Quatre organisateurs de longue date se racontent.

L’idée de proposer une exposition à ciel ouvert a germé dans l’esprit des organisateurs du Salon de l’agriculture à l’hiver 1997, mentionne Léon Guertin, l’un des membres fondateurs d’Expo-Champs. « Je faisais partie d’un petit groupe d’amateurs de machinerie qui allait souvent dans des expositions extérieures en Ontario et aux États-Unis. Le volet des démonstrations nous semblait un grand succès auprès des visiteurs. On s’est dit : “Pourquoi ne pas reproduire ce concept au Québec?” »

Charles Bachand voyait lui aussi le potentiel d’un tel événement. « Avec des parcelles extérieures pour les semenciers, on donnait la chance à de nouveaux joueurs de se faire valoir, peu importe leur taille. Ajoutons à ça que les foires agricoles à travers la province ne s’adressaient plus qu’aux producteurs, mais à un plus large public. Il y avait une opportunité à saisir. »

La proposition d’organiser une exposition a toutefois reçu un accueil mitigé. Si les fabricants et les détaillants de machinerie ont vite compris l’intérêt de faire des démonstrations devant un parterre de potentiels acheteurs, les semenciers étaient plus réticents. « Pour eux, ça représentait des coûts importants, d’autant plus que leur plan de marketing se fait longtemps à l’avance et que les décisions sont prises à Toronto ou à l’étranger, explique Léon Guertin. Pioneer a été le premier à s’engager et les autres ont suivi. Ça nous paraissait essentiel de les avoir de notre bord pour que l’événement soit une réussite. »

L’aventure du Rapide-Plat

Les organisateurs ont choisi la Ferme du Rapide Plat à Saint-Hyacinthe pour accueillir la première édition des Journées de champs en 1999. Si le site se démarquait par la qualité de son sol, l’endroit n’était tout simplement pas conçu pour recevoir un événement d’envergure. « C’était trop petit, confie Réal Laflamme. On a dû louer le lopin d’un voisin pour suffire. La station de recherche porcine du site nous a servi d’entrée pour l’électricité, mais ce n’était pas assez pour nos besoins. On a ajouté quatre génératrices au diesel. » 

Le comité organisateur sentait qu’il marchait sur des œufs. « On avait une épée de Damoclès au-dessus de la tête. Les exposants nous regardaient aller. Si les clients étaient au rendez-vous, ils allaient revenir », se remémore Léon Guertin. 

Les 25 et 26 août 1999, près de 3 000 visiteurs et 72 exposants ont participé aux premières Journées de champs. « C’était une belle surprise, commente Charles Bachand. Par contre, on s’est vite rendu compte que le site n’était pas assez visible depuis l’autoroute 20. On a fait des démarches auprès de Sylvain Laliberté pour déménager chez lui à Saint-Liboire. » 

Travail acharné

En 2003, le déménagement sur un terrain de 25 hectares – soit le double de l’ancien site – en bordure de l’autoroute 20 a permis à l’événement de véritablement décoller. Le nombre de visiteurs et d’exposants a explosé aux Journées de champs, qui ont pris le nom d’Expo-Champs l’année suivante. 

Malgré ce nouveau départ, les organisateurs n’étaient pas au bout de leur peine. En 2005, les restes de l’ouragan Katrina ont fait tomber 100 mm de pluie, ce qui a obligé la fermeture du site pendant une journée complète. Puis, en 2011, ç’a été au tour de l’ouragan Irène de menacer l’événement. « On avait reçu 120 mm de pluie 24 heures avant l’ouverture du site, indique André Cécyre. Retarder la tenue de l’exposition était impossible, car beaucoup de machinerie se trouvait déjà sur place et le moindre délai allait entraîner des coûts importants. » Le conseil d’administration s’est réuni d’urgence. « On a décidé d’aller de l’avant et on a adopté une stratégie pour préparer le site », poursuit-il. 

Pendant qu’un système de pompes était installé pour aspirer pas moins de 45 000 gallons d’eau, les organisateurs ont fait venir par camions des chargements de pierre pour faire des chemins. Une autre équipe s’affairait à hacher des tonnes de foin et de copeaux de bois pour recouvrir les allées. « On a fini le travail à minuit et le lendemain, on est revenu inspecter le site à 5 heures du matin, relate Léon Guertin. Le public arrivait quelques heures plus tard. » 

Cette épreuve allait souder l’équipe d’une exposition qui est devenue avec le temps le passage obligé des fabricants de machinerie, des semenciers, mais aussi des politiciens. « On a reçu Claude Béchard, Jean-Pierre Blackburn, Pierre Paradis, Denis Lebel, énumère Réal Laflamme, sans oublier des dizaines de députés, d’élus locaux et de candidats. Si quelqu’un veut prendre le pouls du monde agricole, c’est ici que ça se passe. » 

Forte de sa réputation et de ses milliers de visiteurs annuels, Expo-Champs peut désormais se tourner vers l’avenir. « Avec des projets comme l’électrification du terrain et la constitution d’une deuxième aire de démonstration ainsi que d’une zone pour les familles, nous avons grandement amélioré nos installations. L’idée est d’innover constamment pour cultiver l’intérêt des producteurs. »


David Riendeau, collaboration spéciale