Vie rurale 3 septembre 2018

Sentinelle : être attentif au changement

Quand un producteur lui dit que « ça va mal », Gilles Saint-Laurent est parfois perplexe. Est-ce un signe de détresse ou un simple état d’âme? 

Ce n’est pas facile à déceler. D’où l’importance d’être vigilant, admet celui qui a suivi la formation sentinelle pour détecter les idées suicidaires de collègues de travail. Le propriétaire de la Ferme Boval, à Sainte-Irène au Bas-Saint-Laurent, confie qu’il lui arrive de se sentir peu outillé pour évaluer le niveau d’urgence devant ce genre de confidence.

Le rôle d’une « sentinelle » n’est pas celui d’un travailleur social ou d’un psychologue, nuance Pierre-Nicolas Girard, responsable du dossier de la santé psychologique à l’Union des producteurs agricoles (UPA). « Il faut insister beaucoup sur le fait qu’on n’attend pas une intervention professionnelle [de leur part] », souligne-t-il.

Les sentinelles sont des professionnels du milieu agricole qui peuvent constater un changement d’attitude chez un producteur – autant sur le plan physique que psychologique – ou une dégradation de l’état de la ferme. « Par exemple, si le troupeau est négligé depuis un certain temps », note M. Girard.

Son message : il ne faut pas hésiter à interpeller la personne en détresse et lui poser quelques questions, même si cela peut entraîner un malaise. Après avoir discuté avec elle, la sentinelle doit signaler la situation auprès des ressources d’aide de son territoire.

Gilles Saint-Laurent est producteur bovin et sentinelle dans La Matapédia. Crédit photo : Gracieuseté
Gilles Saint-Laurent est producteur bovin et sentinelle dans La Matapédia. Crédit photo : Gracieuseté

Accumulation 

Les agriculteurs sont peu portés à consulter lorsqu’ils sont confrontés à de l’épuisement professionnel, constate M. Girard. Ce sont de grands travailleurs, mais aussi des entrepreneurs sur qui toutes les responsabilités reposent. 

Certains peuvent attendre des mois avant de se tourner vers un professionnel de la santé. « Il faut les inviter à consulter dès que ça va moins bien », soutient M. Girard. L’UPA travaille d’ailleurs à déployer une campagne de sensibilisation sur l’importance de consulter.

Oser demander de l’aide

Autre défi : pour pouvoir être aidée, la personne en détresse doit accepter les services qu’on lui offre. « La plupart du temps, c’est un membre de l’entourage qui nous appelle », souligne René Beauregard, directeur général d’Au Cœur des familles agricoles (ACFA). 

« Il faut continuer à s’améliorer dans les relations d’aide », estime Gérald Lavoie, instigateur et membre du Comité travailleur de rang de La Matapédia. Lorsque le projet a été lancé en 2013, « on savait qu’il y avait des besoins, mais on ne savait pas toujours comment aborder [les producteurs] », convient-il.

Celui qui est également sentinelle croit qu’il faut déjà être capable « de parler de ce qu’on ressent avant de vouloir régler le problème ». « Reconnaître que ça va mal et qu’on vit quelque chose de difficile », c’est déjà un premier pas, souligne Gérald Lavoie.

Vous avez besoin d’aide? Contactez l’ACFA au 450 768-6995.

Pour plus d’information : www.acfareseaux.qc.ca 

Sentinelles agricoles

En 2016, l’Association québécoise de prévention du suicide et l’Union des producteurs agricoles (UPA) ont lancé la formation Agir en sentinelle pour la prévention du suicide – Déclinaison agricole. Beaucoup de producteurs sont éloignés et vivent de l’isolement. Les amis et les voisins ne sont pas les meilleures personnes pour les aider, d’où l’importance de former des sentinelles et de rejoindre tous les professionnels du milieu, rappelle Gérald Lavoie, membre du Comité travailleur de rang de La Matapédia.

Pour plus d’information sur la formation sentinelle : www.aqps.info/se-former/sentinelle.html ou communiquez avec votre fédération régionale de l’UPA.