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On en retrouve plus de 30 000 au Québec. Aux noms savoureux, ils quadrillent nos campagnes comme une toile d’araignée. Il s’agit bien sûr des rangs. Qu’ils se nomment Brise-Culotte, du Chômage, Crève-Cheval, Claque-Pochette ou de la Deuxième-Chaloupe, ils traduisent bien souvent une page colorée de l’histoire régionale ou un trait géographique particulier.
« C’est l’imagination populaire qui se met en marche », estime Henri Dorion. Sommité québécoise en la matière, l’homme a fondé et longtemps présidé la Commission de toponymie du Québec. S’il n’y a que 500 ou 600 routes portant le nom de rang, dit-il, le nombre peut facilement atteindre les 30 000 quand on y inclut les chemins. De tradition orale, l’origine de plusieurs de ces noms est malheureusement tombée dans l’oubli. Elle donne aussi parfois lieu à de multiples interprétations, toutes plus savoureuses les unes que les autres.
« On retrouve plusieurs noms truculents, mais on ne sait pas trop ce qu’ils signifient, reconnaît Henri Dorion. À l’époque, on utilisait le cheval et les routes étaient en terre. Le Claque-Pochette rappelle peut-être les chevaux [étalons] qui perdaient pied dans les montées! On vous laisse imaginer le reste. »
Dany Labranche habite justement près de ce rang situé dans la municipalité de Saint-Adrien-d’Irlande, en Chaudière-Appalaches. Il en a une tout autre interprétation. À son avis, le nom évoque une couturière qui y habitait. Sa machine à coudre émettait des « clac clac » quand elle fabriquait des poches.
« C’est assez croche et ça descend pas mal, confirme-t-il. Dans le temps, il y avait une grosse maison avec des mâts et des drapeaux. On l’appelait le minichâteau de Walt Disney. »
À l’époque, l’état des routes laissait à désirer et le travail dans les sentiers était ardu. Les Crève-Cheval, Brise-Culotte, Mange-Lard ou Vide-Poche témoignent bien des conditions difficiles du temps de la colonisation.
Le premier rang en Nouvelle-France date de 1634 et aurait été aménagé le long du Saint-Laurent par le seigneur Robert Giffard. Les rangs qui ont été tracés par la suite suivaient le parcours sinueux des rivières, premières voies de communication. Henri Dorion explique que les habitations y étaient disposées de manière « linéaire » et que comme les familles étaient nombreuses, on ouvrait par la suite un second rang. Ce deuxième rang, note-t-il, était souvent parallèle au premier et suivait les mêmes courbes.
« On tirait une ligne à peu près à l’équivalent d’un mille », spécifie-t-il.
Sous le régime anglais et après l’arrivée des loyalistes fuyant la révolution américaine, indique Henri Dorion, le gouvernement va adopter le système des cantons. Les rangs unissent alors une série de lots, souvent très longs, d’un mille ou d’un demi-mille.
« À l’autre rang, ajoute-t-il, on se rendait jusqu’à la moitié, ce qui donnait le trait-carré à l’époque. D’un rang à l’autre, c’est ce qu’on appelait la montée. »
Quelques noms qui font sourire Saviez-vous que l’on retrouve plus de 150 rangs ou chemins de la Grande-Ligne au Québec? Historiquement, indique la Commission de toponymie du Québec (CDT), cette désignation marque la séparation entre deux seigneuries, cantons ou paroisses. Voici d’autres noms de rangs recensés par La Terre qui font sourire, avec leur signification. Rang de la Deuxième-Chaloupe : Ce rang se trouve à Notre-Dame-des-Prairies, dans Lanaudière. S’il y a une deuxième chaloupe, il y en a évidemment une première. « Ces rangs, formés il y a plus de deux cents ans, épousent la forme d’une chaloupe lorsqu’ils se rejoignent », peut-on lire dans le livre Notre-Dame-des-Prairies : d’hier à aujourd’hui. Ces rangs suivent la forme sinueuse des rivières L’Assomption et Chaloupe. Rang du Piqueron : Ce rang de Saints-Anges, en Beauce, est situé à proximité d’une colline surnommée le Pic Rond. C’est l’un des coups de cœur de la CDT pour « la capacité du terme piqueron, qui aurait été banal sans cette graphie, à inspirer des images fortes ». Rang de Chicago : Ce rang de Notre-Dame-des-Monts, dans Charlevoix, a été nommé en l’honneur de plusieurs familles qui auraient immigré dans la Ville des vents. Rang Pioui : On en trouve un à Saint-Zéphirin de Courval et un autre à Saint-Elphège dans Nicolet-Yamaska. Ouvert en 1838 à Saint-Zéphirin, le rang Petit Saint-Michel deviendra successivement le Kti-Wi, le Ptiwi et enfin le Pioui. Il signifie « un sentier dans la forêt ». Côte de la Crapaudière : L’origine du nom de cette côte située à Saint-Malachie, dans la MRC de Bellechasse, n’a pas été déterminée par la CDT. Par contre, celle-ci note que le mont La Crapaudière devrait son nom à une invasion mémorable de crapauds survenue en 1873. En effet, au confluent des rivières Etchemin et Henderson, crapauds et grenouilles abondaient dans une zone particulièrement marécageuse |