Vie rurale 8 septembre 2014

Prendre le taureau par les cornes en vue de la retraite

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Tel que publié dans La Terre de chez nous

Au Québec, une majorité d’agriculteurs épargnent très peu en prévision de la retraite. Cela s’explique. La quasi-totalité de leur capital est cimentée dans les bâtiments de ferme et dans la terre.

« Nos clients nous disent qu’ils n’ont pas besoin de faire des épargnes et de cotiser à leur REER [Régime enregistré d’épargne-retraite)] puisque la journée où ils vont vendre, ils sont convaincus que quelques millions de dollars vont rentrer d’un coup », observe Patricia Besner, notaire et fiscaliste chez Desjardins Gestion privée.

Or, la réalité n’est pas aussi simple qu’elle n’y paraît à première vue. La retraite dorée avec Winnebago et résidence secondaire en Floride n’est pas donnée à tout le monde.

Avant de prendre la clé des champs et de descendre définitivement de son tracteur, il faut faire ses devoirs et prendre le temps de déterminer la valeur véritable de ses actifs.

À vrai dire, les producteurs agricoles ont tout avantage à prendre le taureau par les cornes!

« C’est la base, précise Patricia Besner. Il faut bien connaître ses besoins financiers en vue de la retraite et se poser des questions. Par exemple, combien pense-t-on vendre la ferme? Et à qui? Au voisin? Aux enfants? »

Elle ajoute : « Est-ce que je vends au voisin au plein prix et j’empoche 3 M$? Ou encore : est-ce que je vends à mes enfants et je me prive d’une belle somme d’argent? N’oublions pas que la valeur de l’entreprise, c’est notre fonds de pension. Il ne faut pas mettre sa retraite en péril en cédant son exploitation à un prix inadéquat. »

L’exercice peut sembler laborieux et parfois même déchirant, mais il s’impose de s’y livrer avec rigueur, convient la fiscaliste.

« On ne le répétera jamais assez, insiste-t-elle, ça prend un plan financier si on veut y voir clair. Pourra-t-on vivre une retraite convenable avec seulement 20 000 $ par année ou aura-t-on besoin de 50 000 $ pour voyager et réaliser ses projets? On a souvent tendance à sous-estimer ses besoins financiers le jour où on cessera d’exploiter la ferme. »

Parce qu’il faut le rappeler : les agriculteurs québécois, dans leur ensemble, disposent de très peu de liquidités dans leur compte de banque. Peu dépensiers, ils ont réinvesti les bénéfices dans leur entreprise en se disant qu’un jour, ils allaient récolter ce qu’ils ont semé. En d’autres termes, ils ont mis tous leurs œufs dans le même panier, non pas par manque de vision, mais plutôt parce qu’ils ont toujours cru, souvent avec raison, en la valeur de leur exploitation agricole.

Une étude de la firme ÉcoRessources publiée récemment révèle entre autres que le quart des producteurs comptent sur la vente de leur ferme pour combler la quasi-totalité de leurs besoins financiers et pour assurer leurs vieux jours.

L’envers de la médaille, toutefois, c’est qu’ils ne se sont jamais versé de gros salaires et, par conséquent, ils n’ont pas été en mesure de cotiser de fortes sommes à leur REER. Et ce n’est pas avec les maigres chèques de la Régie des rentes du Québec (RRQ), étant donné qu’ils y ont peu contribué, qu’ils vont arrondir les fins de mois…