Politique 23 mars 2017

Taxes foncières : Luc Godbout propose de nouveaux scénarios de réforme

Le fiscaliste Luc Godbout, nommé par le ministère de l’Agriculture comme expert indépendant pour mesurer l’impact financier de la réforme abandonnée du Programme de crédits de taxes foncières agricoles (PCTFA), n’a donné raison ni à l’ex-ministre Paradis ni à l’Union des producteurs agricoles (UPA).

Dans son rapport intitulé La réforme abandonnée, un dossier non réglé, publié le 23 mars, le professeur de l’Université de Sherbrooke propose de nouveaux scénarios qui feraient moins de perdants, mais qui feraient augmenter le coût du programme pour le gouvernement.

Question de point de vue

La façon de regarder les chiffres influence l’impact de la réforme abandonnée. Si l’on prend, pour chaque bénéficiaire, l’effet en pourcentage sur ses propres taxes nettes et que l’on fait la moyenne arithmétique de celui-ci pour tous les producteurs, le rapport évalue que la hausse moyenne est de 45 %. Rappelons que l’UPA estimait cette augmentation de 30 % à 40 %, tandis que l’ex-ministre Pierre Paradis parlait d’une perte moyenne de 113 $ pour 1 % des producteurs.

Le rapport Godbout, déposé en février et rendu public en mars, évalue plutôt cette perte moyenne à 403 $ pour 2017. En outre, il démontre que le nombre d’agriculteurs touchés par une augmentation de plus de 30 % n’est pas de 1 %, mais de 36,5 % (9 000 producteurs).

Luc Godbout calcule finalement une hausse de taxes nettes à payer de 14 % par rapport à 2016, en tenant compte d’une moyenne pondérée en fonction de la superficie détenue par chacun des bénéficiaires de la réforme abandonnée du PCTFA.

« Je persiste et je signe », insiste Charles-Félix Ross, directeur général de l’UPA, qui fait valoir qu’il faut considérer l’impact moyen sur les entreprises agricoles, qu’elles soient grandes ou petites. Le directeur indique aussi qu’il faut parler de l’impact de la réforme sur le revenu net des producteurs et non sur le revenu brut, comme le fait le rapport Godbout dans l’une de ses sections.

Terres inoccupées

Une donnée importante qui ressort du rapport est liée au fait que certains propriétaires de terres inoccupées auraient bénéficié de 5,8 M$ avec la réforme, alors qu’ils ne recevaient rien avant. Ainsi, l’augmentation de l’ensemble des taxes nettes à payer calculée par l’UPA (+38 %) serait réduite des deux tiers si l’on tenait compte de ces terres inoccupées, non admissibles au PCTFA avant la réforme, dans le calcul des taxes payées par les propriétaires. L’essentiel de l’écart entre le rapport Godbout (+14 %) et l’UPA (+38 %) proviendrait donc de cet élément. Le rapport ne fournit pas de définition de « terres inoccupées », mais il pourrait s’agir de grands propriétaires terriens qui ne sont pas reconnus comme agriculteurs. Près de 2 700 nouvelles entreprises devenaient admissibles avec la réforme abandonnée, ce qui représentait un autre 5 M$ pour le PCTFA.

Si l’on tient compte des perdants et des gagnants de la réforme, on arrive à une économie pour le gouvernement de 4,9 M$, qui servaient à financer les nouveaux bénéficiaires.

Que faire pour l’avenir?

Luc Godbout évalue que la réforme abandonnée créait « un grand nombre de perdants », soit 82,7 % des entreprises déjà admissibles au PCTFA. Même en augmentant le taux uniforme de remboursement de 78 % à 84 %, on obtient encore une proportion de perdants de 48,2 %, mais au prix d’une « aide globale plus importante » pour le gouvernement.

« Dans tous ces scénarios, les producteurs seraient pénalisés. Il y a une limite à vouloir simplifier sans créer des iniquités », estime Charles-Félix Ross.

En conclusion, Luc Godbout recommande une réforme du PCTFA parce que le milieu municipal « refuse clairement » l’approche de l’UPA de revoir en profondeur les règles de l’évaluation foncière agricole. Il croit par ailleurs que le programme en vigueur demeure « lourd à administrer ». Au final, le professeur conseille de « réduire le nombre de perdants » et de mieux relever le « défi de communication majeur » que constitue toute réforme du PCTFA.

« La solution facile, c’est de plafonner la valeur des terres à des fins de taxation », lance de son côté le directeur général de l’UPA, qui demande toujours au gouvernement de revoir la fiscalité agricole en profondeur puisque le prix des terres va forcément encore augmenter dans l’avenir.