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Mirianne Rainville adore la forêt. Comme pour la potion magique, elle est pour ainsi dire tombée dedans. Fille d’un entrepreneur forestier, elle suivait volontiers son père Réjean les fins de semaine et les jours de congé scolaire. Aujourd’hui propriétaire de 400 acres boisés, elle a acquis son premier lot à 21 ans.
« Quand je suis sortie de l’école, je pensais m’acheter un lot à bois, pas une maison », raconte-t-elle. Heureux de constater l’intérêt de sa fille, Réjean lui a cédé ses propriétés tout en continuant à y effectuer les travaux de coupe.
« … d’aménagement, précise Mirianne. Mon père dit qu’il faut aménager la forêt, pas la couper. C’est bien de la couper, mais tout en l’aménageant. »
La leçon a été bien apprise. Mirianne dit suivre minutieusement le plan d’aménagement préparé par l’Association des propriétaires de boisés de la Beauce. La forêt mature située à Sainte-Aurélie a été nettoyée, des plantations ayant remplacé avantageusement le tremble. Un chemin de bonne qualité s’étend aujourd’hui d’un bout à l’autre de la propriété.
Mirianne s’estime chanceuse de pouvoir compter sur les services experts de son père qui effectue les travaux. La jeune femme admet profiter de l’endroit principalement pour les loisirs en famille. Propriétaire de chevaux, elle aime bien s’y balader en été.
« Quand j’ai acheté la forêt, avoue-t-elle, ce n’était pas pour l’exploiter, mais bien plus pour faire un placement. Mon père m’a toujours dit que c’était un placement sûr. J’aime bien m’y retrouver. Je ne pense plus à rien. Quand j’ai une décision importante à prendre, c’est un endroit vraiment relaxe pour ça. »
Les femmes ne sont pas légion en foresterie. Au Québec, les 16 000 femmes propriétaires d’un boisé de plus de quatre hectares ne représentent que 12 % des 130 000 propriétaires. En Chaudière et à Québec (8 %) ainsi que dans les Appalaches (9 %), la proportion de femmes propriétaires se situe sous la moyenne québécoise.
Au sein des syndicats régionaux et des offices de producteurs forestiers au Québec, on ne trouve que 2 femmes sur 115 administrateurs. Mirianne est l’une d’elles depuis quatre ans déjà.
« L’Association a demandé à mon père si un poste d’administrateur l’intéressait, relate Mirianne. Il a dit que c’était à mon tour. J’aime bien mon expérience. Au début, cela me faisait un peu peur de donner mon opinion et d’être mal perçue. C’est surtout des hommes d’un certain âge.
« J’ai découvert qu’ils sont très ouverts et que mon opinion passe bien, ajoute-t-elle. C’est enrichissant et ça m’apporte beaucoup de connaissances. C’est aussi très agréable d’échanger avec d’autres producteurs. Il y a plein de visions différentes. »
Mirianne est bien consciente que peu de femmes travaillent en forêt. Si elle est toujours partante pour acheter de nouveaux boisés, elle n’a aucunement l’intention d’y travailler directement. Elle croit d’ailleurs qu’elle devrait posséder un énorme domaine pour espérer pouvoir en tirer suffisamment de revenus pour en vivre.
« Je ne dis pas non, mais pas dans un avenir rapproché, juge-t-elle. Les taxes sont tellement élevées et nombreuses. S’il fallait que j’engage, il n’en resterait pas beaucoup. Avec mon père, l’entreprise fait ses frais. »
Mirianne Rainville ne cache pas sa grande fierté de posséder des lots forestiers. Elle constate également la même satisfaction chez son père, qui voit son œuvre se prolonger. Mère d’un enfant de deux ans et demi, Étienne, elle confie en attendre un deuxième.
« J’aimerais aussi laisser ça à mes enfants, espère-t-elle. J’aime la forêt. Mon père avait le tour de me transmettre sa passion. Aujourd’hui, il y emmène régulièrement son petit-fils. Étienne dit qu’il va couper des arbres plus tard. »
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Ce texte a été publié dans la revue Forêt de chez nous en février 2016. Il a valu à son auteur, Pierre-Yvon Bégin, d’être le récipiendaire du prix Rosaline-Ledoux en 2016. Ce prix a été créé en 2009 en hommage à la carrière de la journaliste-chroniqueuse Mme Rosaline Ledoux qui a œuvré pendant près de 50 ans à l’avancement des femmes en milieu rural dans les pages de La Terre de chez nous.