Économie 10 février 2017

Le prix des bleuets en chute libre

Les producteurs de bleuets sauvages connaissent un creux de vague majeur, qui pourrait perdurer et fragiliser certaines entreprises.

Selon les chiffres de Forest Lavoie Conseil, le prix de 1 $/lb qu’ils obtenaient en 2011 a fondu, pour se chiffrer à 0,62 $/lb en 2015. En outre, d’après les données préliminaires de la firme, ce chiffre pourrait chuter à 0,30 $/lb en 2016; une baisse de 70 % en six ans.

« À 0,30 $/lb, on ne fait vraiment pas beaucoup d’argent. Les marges sont très minces et les entreprises qui ont acheté des terrains à haut prix ces dernières années risquent de vivre des moments difficiles », assure Jean-Eudes Senneville, un important producteur de bleuets sauvages, basé à Saint-Félicien.

Des surplus mondiaux

Les producteurs ont déjà connu des cycles de prix baissiers, mais la conjoncture mondiale, qui reflète un niveau de production et de surplus sans précédent, pourrait prolonger cette situation de bas prix. « Les bleuets valaient cher; c’est ce qui a intéressé des producteurs. La production a ensuite explosé au niveau mondial avec plus de 1,1 milliard de livres [de bleuets en corymbe et sauvages] produites en 2016. Ici, au Lac, c’est la première fois qu’on a autant de bleuets dans les entrepôts. Tous les transformateurs restent avec des volumes en stock. Eux aussi constatent que ça va être très difficile dans les prochaines années », mentionne M. Senneville, lui-même actionnaire d’entreprises de transformation.

Des records

Les récoltes nord-américaines de bleuets sauvages ont doublé depuis 2011, pour se situer à 400 millions de livres (Mlb) en 2016. Même le Québec est passé de 55 à 120 Mlb durant la même période. Dans sa monographie sur l’industrie des bleuets sauvages publiée en 2016, le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) indiquait que la Belle Province exporte environ 85 % de ses bleuets sous forme congelée, ajoutant que les exportations de bleuets ont représenté une balance commerciale de 72,8 M$ en 2014, comparativement à 44 M$ en 2010.

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Au Canada, les bleuets frais et congelés demeurent de loin la source d’exportation fruitière la plus importante, raflant plus de 61 % des 614 M$ de fruits vendus à l’étranger en 2014.

Aux exportations canadiennes s’ajoute la production de bleuets en corymbe des autres pays, dont celle du Chili, qui arrive au premier rang mondial avec plus de 200 Mlb exportées lors de la saison 2015-2016 (chiffres du Chilean Blueberry Committee).

Cependant, la demande n’a pas suivi au même rythme. « Les stocks de bleuets congelés sont en forte hausse aux États-Unis, et c’est ce qui fait chuter les prix actuellement », explique Gilbert Lavoie, agroéconomiste et copropriétaire de la firme Forest Lavoie Conseil.

Dans sa monographie, le MAPAQ concluait que la baisse des prix risque de se perpétuer, voire d’augmenter, avec la hausse de l’offre qui se poursuit.

Jean-Eudes Senneville partage ce constat et croit que les producteurs de bleuets québécois devront diminuer leurs coûts de production s’ils veulent que leur entreprise demeure rentable dans cette nouvelle réalité de faibles prix.