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Mario Turcotte voue une passion aux vieux tracteurs. De son propre aveu, il en fait une maladie. Depuis 15 ans, grâce à lui, une vingtaine de ces engins d’exception ont retrouvé leur prestige d’antan. Portrait d’un amoureux de la vieille mécanique.
Mario Turcotte arpente son hangar comme un éleveur de pur-sang dans son écurie. S’arrêtant devant l’une ou l’autre de ses bêtes mécaniques, l’œil allumé, il souligne au visiteur la puissance d’un moteur, les innovations d’un modèle ou le charme d’une carrosserie. Il se souvient de l’état déplorable dans lequel se trouvait chacun de ses engins dénichés dans une grange ou un champ. « Des épaves, bien souvent », dit-il.
Il raconte leur histoire, une par une. Mais son regard révèle tout ce que ne disent pas ces souvenirs et ces spécifications techniques : ces machines l’émerveillent plus que tout. Elles sont des symboles du génie de l’homme.
La machinerie lourde est intimement liée à la vie de ce Gaspésien, né dans la vallée de la Matapédia. Dès son enfance, il se déplaçait l’hiver à bord de chenillettes Bombardier B12 puisque les chemins n’étaient pas déneigés à l’époque. Plus tard, dans les fermes de ses oncles, il s’est amusé à fabriquer des machines de toutes sortes en démantelant de vieux outils aratoires. Pas étonnant qu’il ait choisi d’aller étudier la mécanique à Rimouski dans les années 1960.
Mais ce n’est qu’au tournant des années 2000 que M. Turcotte s’est entiché des tracteurs anciens. Au cours d’un voyage de chasse en Saskatchewan, il est tombé sur un vieux Allis-Chalmer 1928, modèle 20-35E. Il a eu un tel coup de foudre pour ce monstre à roues de métal, avec démarrage à manivelle, qu’il l’a rapporté à son atelier de Vaudreuil-Dorion. Pendant des mois, avec patience, il s’est consacré à sa restauration complète.
Ç’a été le début d’une histoire d’amour avec la marque Milwaukee.
Des classiques
Depuis ce jour, Mario Turcotte a ajouté à sa collection neuf autres modèles orangés, chacun choisi pour sa rareté, notamment un D17 Wheatland 1959 alimenté au propane, trouvé en Caroline du Nord. « Il n’en existe que quatre ou cinq exemplaires dans le monde », glisse-t-il avec un soupçon de fierté.
Juste à côté se trouve un grand classique : un immense tracteur D21 de 1968, fabriqué à seulement 2 200 unités. « Son moteur diesel a une puissance de 127 ch. C’était une grosse machine pour l’époque. Elle se vendait 8 000 $ en 1968 », indique le collectionneur.
Plus loin sont alignés un WF 1939 qui démarre en deux ou trois tours de manivelle, puis un WD 1945 avec un sarcleur intégré et enfin un modèle Wartime 1942 avec ses roues de métal, ses ailes élargies et sa faucheuse rétractable sur le côté. « Ce sont toutes de belles machines », soupire-t-il avec admiration, incapable de choisir son engin préféré.
Il affectionne tout autant ses trois modèles John Deere 320, 420 et 820, ou encore l’Oliver vert sur lequel il passe ses journées ces temps-ci. « Toutes de belles machines », répète-t-il.
« Prends par exemple le Rumely Oil Pull », dit-il en pointant le curieux engin alimenté au kérosène, garé près de l’entrée. Le Vénérable, comme les connaisseurs le surnomment, démarre en quelques tours de roue. « Son carburateur à succion, mis au point en 1910, c’est du pur génie! Aucun autre tracteur ne possède un tel carburateur. »
Chasse au trésor
Mario Turcotte déplore le désintérêt des cultivateurs québécois à l’égard du patrimoine agricole. « Nous avions auparavant de beaux tracteurs dans la province, mais nous préférons jeter et racheter. Les Américains sont venus chercher tout ce qu’on gardait dans le fond de nos granges. »
C’est pourquoi le collectionneur doit aujourd’hui se rendre notamment en Iowa pour dénicher ses trouvailles. Mais la chasse au trésor est aussi excitante que le travail de restauration, admet ce lecteur assidu des petites annonces des publications spécialisées. « C’est une histoire de contacts », mentionne-t-il.
Il ne commence d’ailleurs jamais un projet sans l’assurance de posséder toutes les pièces d’origine dont il aura besoin. Inutile de préciser que sa bibliothèque contient un nombre exhaustif de manuels techniques des différents manufacturiers. « Je n’aime pas le travail qui n’avance pas. »
Une fois lancée, une restauration peut prendre de trois à six mois. Maintenant à la retraite, Mario Turcotte peut s’y consacrer à temps plein. « Je ne vais pas toujours à la messe le dimanche », se confesse-t-il, nullement repentant. « Ma passion, je la vis au garage. »