Actualités 19 avril 2016

Le MAPAQ a-t-il honte des agriculteurs?

Le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec (MAPAQ) est « déconnecté ». À un point tel que Charles-Félix Ross, directeur général de l’UPA, se demande si le ministère « a honte des agriculteurs ».

De fait, le MAPAQ fait bien peu de place aux agriculteurs dans le Plan stratégique 2015-2018 qu’il vient de déposer à l’Assemblée nationale. Il y priorise les consommateurs et citoyens au détriment des producteurs agricoles, sa principale clientèle. Le mot « producteur » n’apparaît que 5 fois dans tout le document. En comparaison, le mot « consommateur » figure à 25 reprises, « entreprise » 55 fois et « bioalimentaire » 67 fois.

On dirait que le MAPAQ a honte de prononcer le mot “producteur”

« Les priorités de travail du ministère sont déconnectées de sa mission première qui est de développer le secteur agricole et agroalimentaire », ajoute-t-il. Ce plan, souligne-t-il, a été adopté sans consultation avec le milieu qu’il doit en principe promouvoir.  

Le MAPAQ définit d’ailleurs la vision de son rôle comme « une organisation reconnue pour son expertise, en appui aux entrepreneurs et à l’écoute des attentes de consommateurs et des citoyens ».

Charles-Félix Ross n’arrive pas à s’expliquer la nouvelle définition de la mission du ministère. Ce dernier a fixé ses priorités en fonction des attentes des consommateurs, notamment en matière de pesticides, de bien-être animal et de protection de l’environnement.

Répondre aux attentes sociétales, observe Charles-Félix Ross, c’est précisément ce que les producteurs agricoles et les transformateurs « font depuis toujours ».  

« Le MAPAQ n’est pas le ministère des attentes sociétales, accuse le directeur général. C’est une erreur stratégique et c’est extrêmement décevant. »

Un ministère à vocation économique comme l’Agriculture, insiste-t-il, doit d’abord se demander comment aider sa clientèle première. Il doit l’accompagner dans ses efforts pour s’adapter et répondre à ces attentes.  

À titre d’exemple, il cite l’étiquetage obligatoire des OGM que Québec veut mettre de l’avant. Des études, rappelle-t-il, ont démontré qu’il en coûterait 160 M$ pour l’instaurer et 30 M$/an pour le maintenir. Qu’arrive-t-il, s’interroge-t-il, des produits provenant de provinces et pays où cet étiquetage n’est pas obligatoire?

« On fait quoi pour accompagner les producteurs et les transformateurs? demande Charles-Félix Ross. Est-ce qu’on leur fait payer la facture? »

Autre exemple de cette dérive, les pesticides. Oui, dit-il, il faut bien sûr favoriser la lutte intégrée. Mais comment accompagne-t-on les producteurs dans cet effort? Il rappelle aussi les récentes compressions de Québec en recherche et dans les budgets de fonctionnement des clubs agroenvironnementaux.

Charles-Félix Ross parle aussi d’un « mauvais timing » au moment où Agriculture et Agroalimentaire Canada amorce ses consultations sur son prochain programme Cultivons l’avenir. Le Plan stratégique, déplore-t-il, ne fait aucunement mention des programmes de sécurité du revenu et de la gestion de l’offre. Il s’agit pourtant des priorités identifiées par la relève agricole dans un récent sondage.

« On évacue aussi la notion de développement régional, déclare le directeur général. Une autre déception, c’est que la promotion des Aliments du Québec se trouve exclue, tandis qu’il y a un engouement pour l’achat local. »

Entrepreneurs

Au Conseil de la transformation agroalimentaire et des produits de consommation (CTAC), le Plan stratégique du MAPAQ est qualifié « d’intéressant ». Toutefois, on se demande si le ministère aura les moyens de ses ambitions.

« Il y a des cibles ambitieuses, mais est-ce qu’il y a de l’argent associé à ces cibles? » demande Dimitri Frayes, vice-président à l’Innovation et aux affaires économiques au CTAC. Il donne pour exemple la cible de 11 % des entreprises de transformation alimentaire que le MAPAQ se propose d’appuyer dans leurs projets de développement stratégique. 

 

Pour accéder au document intégral du Plan stratégique, cliquez ici.