Élevage 21 août 2015

Forte chute du prix du lait à la ferme

Le prix du lait à la ferme a pris une débarque au Québec en juillet 2015, provoquant une forte grogne chez les producteurs.

« Il se situe à un niveau inégalé depuis plusieurs années », confirme-t-on chez les Producteurs de lait du Québec (PLQ). Le prix a en effet diminué de 2,88 $/hectolitre (- 4,1 %) par rapport au mois de juin, passant sous le seuil névralgique de 70 $/hl, à 67,32 $/hl à la composition standard. Concrètement, cette régression se traduit par un manque à gagner d’environ 1 300 $ pour une ferme laitière québécoise dont la production moyenne est de 450 hl en juillet.

Mais ce n’est pas tout. D’une part, le scénario observé en juillet risque de se reproduire en août et septembre. D’autre part, cette plongée mensuelle semble en même temps s’inscrire dans une tendance plus longue. Les producteurs de lait ont touché 9 $/hl de moins en juillet 2015 par rapport à juillet 2014, ce qui se traduit par un déficit d’environ 4 500 $ pour une ferme affichant une production moyenne.  

La Commission canadienne du lait (CCL) a fixé le coût de production d’un hectolitre standard à 76,13 $ au pays, en novembre 2014. Et ce coût de production est plus élevé au Québec vu la plus petite taille des fermes laitières par rapport au reste du pays.

Frustrant
« Je sais que c’est très frustrant pour les producteurs et que nous passons au bat sur les réseaux sociaux, a signalé à la Terre le président des PLQ, Bruno Letendre. Nous pouvons toutefois expliquer ce qui se passe. On n’a rien à cacher. » M. Letendre rappelle qu’il avait prévenu les délégués, en avril dernier, que le prix moyen en 2015 pourrait être inférieur d’environ 5 $/hl à celui de l’an dernier. « J’espère toutefois qu’il sera inférieur à 4 $ », a-t-il dit.

« Nous sommes dans une période qui affiche une demande extraordinaire en matière grasse afin de combler les besoins canadiens et de reconstituer les stocks de beurre, a expliqué le président. Or, la production de beurre est moins payante pour les producteurs que d’autres classes laitières. De plus, le lait additionnel requis a généré des surplus de solides non gras (protéines, lactose, etc.) plus élevés à écouler sur les marchés mondiaux dans des classes spéciales où les prix sont à peu près la moitié de l’an dernier. » À titre d’exemple, la valeur de solides non gras écoulés dans la classe 4m, utilisés en alimentation animale, a régressé de 42,5 % en juillet dernier. Or la classe 4m recueille la majorité des solides non gras découlant de la fabrication de beurre. 

Pour M. Letendre, une partie de la solution réside entre les mains des industriels. « Nous continuons de négocier avec les industriels pour qu’ils investissent dans de nouvelles technologies capables de convertir une partie des surplus de solides non gras en concentrés de protéines laitières. La poudre de lait écrémé est un produit obsolète », a-t-il ajouté.

Cela dit, la situation devrait bientôt s’améliorer, a poursuivi M. Letendre, car les stocks de beurre sont pas mal reconstitués. De plus, la rentrée scolaire engendre habituellement une demande de produits laitiers frais et les transformateurs vont commencer à bâtir leurs stocks pour la période des Fêtes.

« Sans minimiser l’impact sur les fermes laitières, la gestion de l’offre permet fort heureusement que seule une partie infime des ventes de lait soient assujetties aux prix mondiaux », a pour sa part commenté François Dumontier, porte-parole des PLQ. Environ 13 % des volumes de lait produits au Québec se retrouvent dans ces classes spéciales tributaires des fluctuations des marchés mondiaux.

Hors de contrôle
Le revenu des producteurs découle des résultats de la vente de leur lait dans plusieurs classes. Si le prix des classes 1 (lait et crème) et 2 à 4 (yogourt, crème glacée, fromages, beurre), dites régulières, est déterminé au Canada, il n’en va pas ainsi pour le prix des classes spéciales, nettement inférieur aux classes dites régulières et hors de contrôle des instances nationales. « De tout temps, ces classes à bas prix contribuent à déprécier de façon significative le prix moyen des producteurs, rappelle l’économiste principal des PLQ, Richard Lamoureux. Selon la quantité de surplus de SNG (solides non gras), la dépréciation peut varier de 2 $ à 7 $/hl. »