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Les croisements de races laitières font beaucoup jaser, mais cette pratique demeure marginale au Québec et au Canada.
Au cours des 15 dernières années, moins de 1 % des femelles Holsteins ont été inséminées avec de la semence de taureau d’une autre race laitière et moins de 3 % d’entre elles ont été accouplées à des taureaux de boucherie, concluait le Réseau laitier canadien (RLC) en juillet 2013. C’est toutefois la race Holstein qui a utilisé le plus fréquemment la semence groupée (mélange de trois semences de taureaux), bien que cette pratique demeure très marginale avec moins de 2 % des inséminations.
Les croisements sont plus élevés dans les races colorées, ajoutait le RLC. Près de 10 % des femelles de race Suisse Brune et 15 % des femelles de race Shorthorn laitière ont été croisées avec un taureau d’une autre race laitière au cours des cinq dernières années.
« Au Québec et en Amérique du Nord, le recours au croisement vise d’abord à contrer un problème de fertilité chez les Holsteins, à ‟faire coller la mère” afin qu’elle mette bas et connaisse une lactation de plus, a expliqué Marie-Claire Girod, agente de développement chez Jersey Québec. On parle donc d’utilisation sporadique et non systématique au sein d’un troupeau. Souvent, le producteur n’élève même pas le petit veau. » La reproduction représente l’une des principales causes du taux élevé de 36 % de réforme involontaire des vaches laitières au Québec. Selon Mme Girod, le croisement de races laitières n’est pas perçu positivement par les associations de race pure et ne fait pas progresser le niveau génétique de chaque race.
Rester marginal?
Loin d’être nouveau, le croisement entre races laitières risque de demeurer marginal. Certes, toutes les études réalisées depuis les années 1960 tendent à démontrer le gain de performance en santé et en reproduction affiché par les animaux issus de ces croisements, ce qu’on appelle la vigueur hybride, explique Mario Séguin, directeur adjoint à la génétique au Centre d’insémination artificielle du Québec (CIAQ). Une étude sur cinq ans réalisée à l’Université de Guelph a démontré que les animaux croisés issus (F1) de l’accouplement de mères Holsteins avec des pères d’autres races laitières produisaient, en première lactation, moins de lait, mais davantage de gras et de protéine par rapport à leurs consœurs Holsteins pur sang, signale le RLC. Ces F1 se reproduisaient en outre plus efficacement que les Holsteins, comptant moins de problèmes au vêlage et de morts à la naissance. Sur le plan de la conformation, leur stature et leur taille étaient plus petites, un facteur de longévité, mais leur pis était plus profond et étroit, et l’attache de l’arrière-pis plus basse que chez les Holsteins.
Alors, pourquoi les croisements n’ont-ils pas pris plus d’ampleur au fil des ans? « La vigueur hybride apporte ses meilleurs gains dans les croisements de première génération, rappelle le RLC. Le problème, c’est qu’elle n’est pas transmissible d’une génération à l’autre sans croisements continus. » De plus, il est très difficile, dans les croisements de races, de déterminer quels sont les bons gènes qui favorisent, par exemple, une hausse de production laitière en raison du rôle joué par la vigueur hybride, note M. Séguin.
Chercheur à l’Université du Minnesota, le Dr Brad Heins semble soutenir que l’utilisation de trois races en rotation optimise la valeur hybride en santé tout en conservant les avantages de la rentabilité. « Mais cela n’est pas encore démontré de façon scientifique élaborée », a indiqué M. Séguin. M. Heins sera à Victoriaville le 6 février prochain.
Prudence
Directeur général de Holstein Québec, Daniel Marcheterre invite les éleveurs à la prudence. « Les éleveurs ont plus à gagner en utilisant les taureaux les plus appropriés de leur race pour améliorer leur cheptel, à l’aide des outils sur le marché [feuilles d’épreuves, etc.], sans mettre à risque les énormes investissements consentis en génétique et sans sacrifier la production. » M. Marcheterre rappelle aussi que la fertilité résulte non seulement de la génétique, mais également du contrôle d’une multitude de facteurs (régie, alimentation, détection des chaleurs, etc.).
Le Centre d’insémination artificielle du Québec (CIAQ) n’est pas contre les croisements et il va accompagner les éleveurs Holstein qui y ont recours, a déclaré M. Séguin. « Le CIAQ ne pourra leur fournir de la semence de taureaux des races européennes Montbéliarde et Normande, très difficiles à importer en raison des normes sanitaires de l’Agence canadienne d’inspection des aliments [ACIA], a-t-il dit. Nous allons leur proposer les meilleurs taureaux des races domestiques Ayrshire et Jersey, qui vont leur procurer la vigueur hybride recherchée sans qu’ils aient besoin d’importer. »
Par ailleurs, les croisements ne représentent pas la seule façon d’améliorer génétiquement la santé, la fertilité et la longévité d’un troupeau laitier, a noté M. Séguin. « Les éleveurs peuvent sélectionner les meilleurs taureaux de leur race en fonction de ces critères et obtenir en grande partie les gains recherchés par des croisements. Et l’effet sera en outre cumulatif et persistant au fil des générations. »
Autre aspect à considérer : les sujets issus de croisements ont moins de valeur économique. « Les veaux de couleurs disparates se vendent moins cher à l’encan et les vaches croisées ne sont pas recherchées par les éleveurs », a mentionné M. Séguin.