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Le marché du lait est protégé au Canada, mais pas celui de la génétique.
Les producteurs de lait et de bovins ont tout de même réussi, dans un marché où la concurrence s’avère féroce, à se doter de l’une des trois entreprises spécialisées en génétique les plus réputées dans le monde.
L’Alliance Semex, copropriété du Centre d’insémination artificielle du Québec (CIAQ), d’EastGen et de WestGen, a pris les bouchées doubles au cours des dernières années et s’est donné pignon sur rue en Hongrie, en Chine, au Brésil et bientôt en Inde afin de conserver sa position dominante sur la planète.
« L’heure n’est plus à la concurrence intérieure entre organisations détenues par des éleveurs, mais au regroupement des forces afin qu’on demeure dominants sur le marché mondial, a déclaré à laTerre le directeur général du CIAQ, Mario Hébert, le 10 mars dernier. En se regroupant au sein de L’Alliance Semex, les éleveurs ont posé le geste requis afin d’assurer la pérennité de leur entreprise et de garder les mains sur le volant. » Par ailleurs, Boviteq, spécialisée dans la transplantation embryonnaire, fait aussi partie de L’Alliance Semex, avec ses satellites en Ontario, dans l’Ouest canadien et à Madison, au Wisconsin. « C’est notre porte-étendard pour accéder aux grands troupeaux des États-Unis », a noté M. Hébert.
La croissance des ventes sur les marchés étrangers, où la génétique se trouve en forte progression, s’avère incontournable, a expliqué le directeur général. « Ce sont en effet les revenus tirés de ces ventes qui vont permettre d’offrir une génétique de pointe aux éleveurs québécois et canadiens. Un passage obligé, car le nombre de vaches laitières au Canada est limité, et même en régression, si on le compare à celui des États-Unis ou de l’Europe. » M. Hébert mentionne « Immunité + », un concept unique qui procure une meilleure immunité relativement aux maladies.
L’Alliance Semex a vendu 85 % de ses millions de doses de semence à l’international en 2013. « Ces ventes reposent surtout sur les taureaux éprouvés, alors qu’au Canada, les doses se répartissent moitié-moitié entre la génomique et les taureaux éprouvés », relate M. Hébert. Ce dernier ne cache pas que les administrateurs de L’Alliance Semex, dont quatre du Québec, doivent effectuer des arbitrages déchirants quant à la répartition de la semence de jeunes taureaux génomiques entre le Canada et l’étranger.
Concurrence
« Ça prend des moyens financiers de plus en plus importants pour faire face à la concurrence dans un marché où l’évolution de la génétique s’accélère, notamment en raison de la génomique », a précisé le directeur général. Cette approche permet de déterminer, à partir de l’analyse d’un simple poil, la fiabilité du potentiel génétique d’un jeune taureau, à hauteur de 65 %. « Il y a un engouement pour ces jeunes taureaux d’élite qui constituent d’excellents vendeurs à l’échelle internationale, au détriment des taureaux éprouvés. Le hic, c’est que les jeunes taureaux affichent une production moindre que les adultes et que leur durée de vie peut être assez courte. Nous avons donc peu de temps pour les rentabiliser », a avancé M. Hébert. Selon ses dires, un jeune taureau payé 1 500 $ auparavant peut facilement atteindre 25 000 $. Dans un tel contexte, il est fort probable que le CIAQ épuiserait en quelques années les fonds gagnés en 65 ans d’existence s’il opérait en solo.
La lutte est féroce. L’Alliance Semex offre non seulement la génétique canadienne à l’étranger, dans plus de 80 pays, mais permet aux éleveurs canadiens d’avoir accès à la meilleure génétique mondiale, note M. Hébert. « Il y a par ailleurs une dizaine de concurrents qui sillonnent notre propre terrain afin d’offrir leur meilleure génétique et qui proposent aux éleveurs d’ici de faire affaire avec eux », observe-t-il. Le plus dangereux serait Select Sires, un regroupement de coopératives américaines spécialisées dans la semence. Il faut aussi composer avec le fait que les meilleures familles de jeunes taureaux sont contrôlées par sept ou huit entreprises mondiales, enchaîne le directeur général.
Le lait
M. Hébert déplore que « l’image de producteurs de vaches d’exposition » soit encore accolée au CIAQ et à L’Alliance Semex malgré leur performance dans les petits et les grands troupeaux laitiers partout dans le monde. « Les taureaux pour les fermes laitières commerciales constituent l’essentiel de notre marché au Québec et au Canada. C’est la paye de lait qui fait vivre ces producteurs », a-t-il indiqué.
Les éleveurs québécois et canadiens pourraient certes décider de se départir de leurs actifs en génétique, évalués à plus de 100 M$, et de s’approvisionner sur le marché mondial. « Mais ils sont en contrôle d’une composante essentielle de l’industrie laitière et bovine, qui leur offre de bons produits et dont la rentabilité leur a procuré des dizaines de millions de dollars en revenus », fait remarquer M. Hébert. À ses yeux, « le succès du CIAQ est une démonstration criante que la gestion de l’offre ne constitue pas un frein à l’innovation et qu’il ne faut pas la sacrifier sur l’autel de la concurrence ». À mots couverts, il évoque que les producteurs auraient sans doute tort de délaisser ce fleuron au bénéfice de concurrents, un peu comme ç’a été le cas pour l’abattoir Colbex…