Les étoiles au ciel s’étaient assombries. Elles n’avaient plus le même éclat que jadis. Oh! Les grands savants en profitaient pour démontrer qu’ils connaissaient vraiment tout. Les uns expliquaient : « C’est dû à… », « C’est à cause de tel phénomène… », « Sans doute que cela provient de… » Toutes ces déclarations semblaient inutiles; les étoiles, à leur tour, découvraient le droit de grève. Même la Lune trouvait le moyen de se faire admirer moins souvent. Le noir entourait la Terre, comme si quelque part on avait tourné un interrupteur.

Toute cette catastrophe dérangeait beaucoup un certain petit garçon qui s’était enfui de chez lui. À l’approche du 25 décembre, Martin avait pris quelques morceaux de pain, quelques fruits, les avait enveloppés, s’était habillé chaudement et s’était esquivé de chez lui en douceur. Son intention était en résumé celle-ci : aller à travers champs et bois, suivre l’étoile qui déjà avait guidé les Rois mages. Il ignorait quelle étoile le guiderait, mais qu’importe, se disait-il, si une fois elle a guidé les Rois mages, elle me guidera bien une deuxième fois.

Voilà maintenant qu’un énorme problème se posait : il ne voyait plus les étoiles. Il avait beau grimper dans les arbres afin de se rapprocher d’elles, cela était inutile. Peut-être, pensa-t-il, suis-je devenu myope.

Il partit donc quérir une paire de lunettes, mais à sa grande satisfaction, il fit une rencontre inopinée qui l’en dispensa. En effet, un lapin surgit d’un boisé. Cette petite bête étant réputée pour ses bons yeux, il lui demanda si elle apercevait dans le ciel noir une étoile extrêmement brillante, plus éclatante que toutes les autres. Le lapin eut l’air très surpris.

– Comment, dit-il, tu ne sais donc pas?

– !?

– Tu es sûrement la seule personne ne sachant pas que depuis quelque temps les étoiles ne brillent plus.

– Pourquoi?

– On n’en sait trop rien, vraiment, même les savants se perdent en conjectures.

Le lapin continua sa route en laissant derrière lui un enfant consterné.

« Comment cela est-il possible? Les étoiles sont éternelles! » Le cœur empreint de découragement et les yeux embués de larmes, il se prépara à revenir sur ses pas lorsque, soudain, une idée presque insensée vint lui effleurer la raison et par la suite s’y implanter avec force. « Les étoiles sont simplement fatiguées, elles sont lasses de briller. Tout ce qu’il leur faudrait, c’est un mot d’encouragement, il faudrait qu’elles se sentent aimées. Mais de quelle façon leur dire que je les aime bien? »

Il s’assit près d’un arbre et réfléchit longtemps. Quand il eut ruminé des tas d’idées dans sa tête, il se leva et déclara à la Terre entière : « J’irai moi-même leur exprimer ma gratitude. »

De nouveau, il grimpa au sommet d’un arbre, mais cette fois, il héla un oiseau.

– Je n’ai jamais volé aussi haut, mais j’aimerais bien saluer ces étoiles qui accompagnent mes nuits. Cramponne-toi, nous montons au paradis!

Depuis lors, les étoiles ont repris leur apparat et si la nuit, vous avez la chance d’apercevoir ce qui semble être une étoile filante : détrompez-vous, car, encore aujourd’hui, l’oiseau et l’enfant parcourent le ciel d’un bout à l’autre en disant quelques mots gentils à chaque étoile.

Jamais la tâche du petit garçon ne s’achèvera, parce qu’il existe encore des millions et des millions d’étoiles qui espèrent un mot gentil, sinon un regard reconnaissant.   

Ce texte est paru dans La Terre de chez nous, le 21 décembre 1977, p. 18