Bien-être animal 16 décembre 2024

Les chouchous, ces animaux d’exception

Lorsque l’éleveur de vache-veau Alexandre Landry a vu Choco pour la première fois alors qu’elle avait deux ans, il a tout de suite su que ce serait une vache d’exception. Au fil des années, Choco a gagné le titre de « vache-berger » à la Ferme Rustique, de Sainte-Croix, dans Chaudière-Appalaches, en raison de sa capacité à guider et à calmer les autres animaux du troupeau, puis à comprendre les directives de son éleveur sans qu’un mot soit prononcé. « Nous, on n’est pas des adeptes de vêlage au champ et, cet été, quand il y avait un veau de vêlé et que la vache était plus nerveuse, j’allais chercher Choco. Je la mettais à côté de l’autre vache. […] Elle avait vu que j’avais ouvert la clôture et elle a compris qu’on rentrait à la grange, alors elle a emmené la vache et le veau et Choco est ressortie pour retourner au champ. Je n’ai pas eu besoin de lui dire. C’est vraiment un animal d’exception. » La vache de 14 ans sera mise à la retraite l’an prochain et il n’est pas question que l’éleveur s’en départisse.

À la Ferme Rustique, Choco est une vache si appréciée que tous lui parlent et la saluent lorsqu’ils la croisent. Photo : Gracieuseté de Ferme Rustique

La vétérinaire Chloé Rodriguez, de la Clinique vétérinaire St-Alexis, dans Lanaudière, constate que les chouchous profitent souvent d’une douce retraite à la ferme. « Même s’ils sont vieux et que ce serait le temps de s’en départir, ces animaux-là vont rester longtemps et les gens y sont attachés. Souvent, ce sont de bonnes vaches qui ont [bien performé] dans l’étable et ils ont développé une histoire avec elles », indique-t-elle.

Le traitement d’une blessure a permis à Lina Forest de développer un lien privilégié avec Gustave. Depuis, le sanglier reproducteur adepte de caresses vient quand on l’appelle. « Il est tout content, et il sourit. On le voit quand ils sont heureux; ils ont les petits coins de la bouche qui relèvent et la queue qui branle. Quand ils se blessent et qu’on les garde à l’intérieur, ça crée une proximité avec eux », mentionne-t-elle. 

Les chouchous ont souvent le privilège de bénéficier d’un meilleur confort dans leur quotidien, estime la vétérinaire Lisiane Poulin. PHoto : Gracieuseté de Lisiane Poulin

Meilleur confort

Les chouchous ont souvent le privilège de bénéficier d’un meilleur confort dans leur quotidien, estime la vétérinaire Lisiane Poulin, qui a pratiqué son métier dans des fermes laitières pendant une vingtaine d’années avant de devenir consultante pour la compagnie pharmaceutique Merck. « Ils sont gardés dans un endroit différent dans l’étable, dans un box, un bedded pack, pour avoir un meilleur confort, pour les mettre à part [car il y a] moins de risques d’accident, dit-elle. Et les producteurs vont mettre la vache où ils considèrent que c’est le top confort dans leur étable. » 

Selon elle, les chouchous ne sont pas forcément ceux qui produisent le plus. Il arrive que ce soient les plus belles ou celles qui auront donné de bonnes descendantes en matière de production ou de conformation. 

Les décisions liées à la santé d’un animal préféré sont également dictées par les émotions, indique le président de l’Association des médecins vétérinaires praticiens du Québec, Jean-Yves Perreault. « C’est une médecine économique aussi et, parfois, on peut dire que le traitement, c’est la réforme ou l’abattoir. Parfois, l’émotion arrive et le producteur dit : “C’est la vache à ma fille. As-tu un autre plan avant la réforme?” On est alors obligés d’amener une autre solution parce qu’il y a un côté émotif à cause du lien d’attachement », raconte-t-il.

Chloé Rodriguez

Chloé Rodriguez

Une dose d’amour pour une vétérinaire

Si les éleveurs ont assurément un ou deux chouchous à la ferme, les vétérinaires ne sont pas insensibles aux charmes des animaux qu’ils traitent. Chloé Rodriguez, de la Clinique vétérinaire St-Alexis, dans Lanaudière, a un faible pour les quelques vaches Suisses brunes d’une de ses clientes. « Elles essayent de manger ma tuque et mon sac de gants dans ma poche. Peu importe ce que j’ai sur moi, elles viennent se faire flatter et viennent montrer leur amour comme des taures savent le faire, mais c’est toujours drôle. À chaque visite, on en rit », raconte-t-elle.