Ma famille agricole 13 décembre 2024

Quand la famille élargie orchestre sa vie autour de la ferme

SAINT-PAUL – Pour la famille Beaupré, la ferme est un mode de vie. Au moment de la traite, frères, oncles et parfois cousins viennent aider les copropriétaires, Réjean et André-Philippe Beaupré, à récolter le fruit de leurs efforts, 365 jours par année.

Il est 16 h, Réjean Beaupré et son fils aîné, André-Philippe, se dirigent vers l’étable pour commencer la traite. Alors qu’ils préparent les trayeuses, une voiture se stationne dans la cour. C’est Benjamin, le petit frère d’André-­Philippe. Il arrive du travail et se dépêche de se changer pour venir prêter main-forte. Mario, Marcel et Pierre, trois des cinq frères de Réjean, ne tarderont pas à arriver. Parfois, ils aident, parfois ils jasent, souvent les deux. 

« La famille, les frères de Réjean, sont toujours présents. Ils ont toujours été là », mentionne Nathalie Tremblay Pauzé, la conjointe de Réjean. Mario aime soigner les vaches et Marcel habite la maison ancestrale de la ferme, ce qui lui permet d’aider Réjean et André-Philippe avec la traite du matin et du soir. Pierre, l’aîné, est à la retraite. Dès qu’on l’appelle, il met la main à la pâte. Claude, Luc et Mireille, les autres membres de la fratrie, donnent un coup de main à l’occasion. 

Dès l’arrivée à la ferme, une routine bien rodée s’enclenche. Chacun est à son poste et sait ce qu’il a à faire. Le matin, pas un mot ne se prononce, mais le soir, les langues se délient et, quand tout est terminé, vers 17 h 15, le « conseil familial » se réunit. 

Conseil familial

Le petit groupe migre alors vers l’entrée de l’étable, qui se transforme en véritable parvis d’église. On prend des nouvelles de l’un, on rapporte ce qui se dit au village sur tel projet, puis on donne son avis sur des décisions relatives à la ferme. D’ailleurs, au moment de l’entrevue à la fin octobre, la famille était convaincue que la présence de La Terre à la ferme ferait potiner tout le monde le lendemain. 

Le samedi, plus de gens viennent aider Réjean et André-Philippe – qui a acquis des parts dans l’entreprise le 20 septembre dernier.

Le noyau familial est très fort ici. Mes frères, la fin de semaine en après-midi, on prend toujours un petit break dans le garage. On se retrouve toujours six ou sept, on prend une petite bière et c’est ça à l’année.

Réjean Beaupré

Ces valeurs d’entraide et de solidarité familiale, Réjean en a été témoin dès son enfance. Ses oncles paternels ou par alliance étaient très impliqués à la ferme alors que seul son père Philippe en était propriétaire, ce dernier ayant pris la relève de son propre père, Camille, à son décès en 1945. 

Aujourd’hui, ces valeurs se sont transmises aux enfants de Réjean et de Nathalie. Leur plus jeune fils, Benjamin, 24 ans, a choisi une carrière de professeur d’éducation physique afin de terminer sa journée assez tôt pour venir aider son frère à la ferme. « Il dit qu’il veut toujours être là pour André, explique leur mère. Il ne veut pas être propriétaire, mais il veut faire comme la génération d’avant et être toujours là. Il ne veut pas quitter son mode de vie finalement et les enfants sont proches. Rémy ne veut pas travailler à la ferme, mais est attaché au tissu familial. Il est encore bien présent. Et ma fille, je ne veux pas blesser les autres, dit-elle en désignant les hommes de l’autre côté de la table, mais c’est elle la meilleure pour la traite des vaches. » Fanny, la benjamine de la ­fratrie, est infirmière. 

Réjean discute avec son cousin Jean-Paul Sylvestre, après que ce dernier soit venu déposer un pneu à la ferme.

Une génération en retard

Réjean Beaupré est le premier propriétaire de la ferme à avoir l’objectif d’en accroître les performances. Son grand-père, Camille, qui a acheté la ferme en 1920, et son père, Philippe, ont fait de l’agriculture de subsistance.

On est comme une génération en retard. De notre âge, il y en avait plus que leurs parents avaient fait le pas.

Nathalie Tremblay Pauzé

Lorsqu’il a repris la ferme en 1988, Réjean détenait 2 kg de quota par jour. Aujourd’hui, son fils et lui en détiennent 74. En contrepartie, ils n’ont jamais manqué de main-d’œuvre. « C’est ça qui a fait la différence pour survivre », souligne-t-il.  

Le bon coup de l’entreprise

L’atteinte de l’autonomie alimentaire pour les vaches est le bon coup de l’entreprise. En 1997, les Beaupré ont acheté leur premier silo, mais depuis une dizaine d’années, ils se sont affairés à drainer l’entièreté de leurs terres, ce qui a permis de diversifier la production au champ et de modifier la recette alimentaire des animaux. « Depuis 1997, c’est un enchaînement d’éléments qui vont arriver [au fait] qu’on est rendus bons dans les champs, on est rendus bons dans la recette, ce qui découle sur la production », explique Benjamin Beaupré. Cela a également eu une incidence sur le troupeau en accroissant le soin aux vaches et leurs performances laitières. 

Depuis une dizaine d’année, les Beaupré se sont concentrés à atteindre l’autonomie alimentaire pour leurs vaches.

3 conseils pour… se relever d’un incendie

Le 18 janvier 2005, un important incendie a ravagé des bâtiments de la ferme et causé la mort de 72 animaux. Vingt ans plus tard, encore remuée par cet évènement, Nathalie Tremblay Pauzé partage trois conseils pour se relever d’un incendie.

Être bien entouré 

Si un incendie se déclare à la ferme, il ne faut pas hésiter à contacter des gens qui ont vécu une telle épreuve. Des migraines et de l’insomnie font partie des effets d’un stress post-traumatique, explique Nathalie. Si la perte des animaux et des bâtiments est difficile, la perte d’un quotidien organisé l’est également. Conséquemment, quand les gens offrent d’aider, il est important d’accepter et de ne pas rester isolé.

Prendre le temps de faire son deuil

Alors que la famille visitait des étables à travers le Québec pour reconstruire la sienne, Rémi, le fils cadet alors âgé de sept ans, leur avait dit que retrouver leur vache chouchou, nommée « la vache la plus gentille au monde », serait impossible. Il a été important pour eux de reconnaître, d’accepter et de pleurer cette vache. « Il faut le vivre, ce deuil-là, ne pas faire semblant que ce n’est pas là », dit la productrice.

Accueillir les projets futurs

Dès que l’on recommence à planifier un projet, comme celui de la reconstruction de la ferme, les effets du stress post-traumatique s’estompent. « La minute où tu es dans l’action et tu recommences à bâtir, tu es ailleurs », mentionne Nathalie.

Nathalie Tremblay Pauzé (au centre) raconte le processus de deuil que sa famille a traversé dans cette épreuve.
Fiche technique
Nom de la ferme :

Les Fermes Beaupré 1920

Spécialités :

Lait et porc

Année de fondation :

1920

Noms des propriétaires :

Réjean et André-Philippe Beaupré

Nombre de générations :

4

Superficie en culture :

92 ha, dont 27 en location (luzerne, graminées, maïs d’ensilage, maïs grain et soya)

Cheptel :

105 têtes, dont 52 en lactation

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