Relève 29 novembre 2024

Une économie d’intérêts de 23 000 $ sur deux ans

SAINT-DAMASE – Le 2 décembre, Cédric Bousquet a reçu son premier remboursement d’intérêts en vertu de la nouvelle mouture du programme Sécuri-Taux relève de La Financière agricole du Québec. La bonification de ce programme, annoncée en juin par le ministre de l’Agriculture, lui permettra d’économiser plus de 23 000 $ d’intérêt sur deux ans. La mesure semble appréciée des entrepreneurs agricoles de moins de 40 ans, qui estiment toutefois que la solution pourrait être bonifiée davantage.

Cédric Bousquet a acquis 20 % des parts de la ferme laitière caprine de Christian Dubé, le 16 octobre. Grâce à la version bonifiée du programme, entrée en vigueur le 21 juin 2024 (mais rétroactive au 1er avril), la Financière lui remboursera, pendant deux ans, la portion d’intérêts excédant 4 % sur un montant de financement maximal de 500 000 $.

L’économie de plus de 23 000 $, Cédric Bousquet la doit également à l’abolition des niveaux de formation. Dans l’ancienne version du programme, les niveaux de formation 1, 2 et 3 se faisaient respectivement rembourser la portion d’intérêts supérieure à 5, 6 et 7 %. Autrement dit, plus le niveau de formation agricole était élevé, plus bas était le taux à partir duquel le remboursement de la Financière embarquait, une mesure visant à inciter la relève à étudier. « Moi, avec mon DEP [diplôme d’études professionnelles en production animale], je me serais qualifié pour le niveau 3, donc à 7 % », explique le producteur de 24 ans.

Cédric Bousquet reprendra officiellement la ferme laitière caprine de Christian Dubé en 2028.

Au départ, Cédric Bousquet n’était même pas admissible à l’ancienne version de Sécuri-Taux relève. Ce dernier n’a jamais terminé le programme de Gestion et technologies d’entreprise agricole entamé en 2017 à l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec à Saint-Hyacinthe. Afin d’avoir accès à divers programmes d’aide au démarrage de la Financière, dont Sécuri-Taux relève et la prime d’établissement, ce dernier a fait une démarche de reconnaissance des acquis à l’École professionnelle de Saint-Hyacinthe en 2023.

Ce que je trouve bien [de Sécuri-Taux], c’est que ce ne soit plus divisé par niveau. Je trouve ça plate qu’on dise que quelqu’un qui a un baccalauréat en agriculture est plus intelligent ou plus admissible à recevoir des sommes d’argent que quelqu’un qui bûche autant ou plus. Des fois, c’est la réalité qui fait en sorte que tu ne puisses pas étudier. Il y en a qui aimeraient étudier, mais qui ont peut-être des troubles d’apprentissage ou [qui doivent absolument aider leurs parents] pour que la ferme roule.

Cédric Bousquet

L’abolition des niveaux de formation était une mesure réclamée depuis une dizaine d’années par la Fédération de la relève agricole du Québec (FRAQ). Son président, David Beauvais, estime que les bonifications sont un bon début. Il mentionne toutefois que la mesure est temporaire et espère qu’elle sera adoptée dans la nouvelle mouture du programme prévue en 2026. Cela offrirait, selon lui, de la prévisibilité et de la stabilité aux agriculteurs de moins de 40 ans. « Idéalement, on aimerait [que la bonification] dure 10 ans », dit-il. 

La FRAQ aurait également souhaité que la somme de 500 000 $ sur laquelle s’applique le remboursement soit bonifiée à 1 M$ étant donné que le niveau de ­financement des fermes de la relève est en moyenne de ce montant.

Grâce à la bonification, 775 entreprises ont nouvellement été admises dans le programme, menant à 3 000 le nombre d’entreprises désormais protégées contre la hausse des taux d’intérêt.

Sécurité placebo

Cédric Bousquet salue l’initiative, mais déplore que, malgré un remboursement de la Financière deux fois par année, les producteurs doivent assumer le paiement total du taux d’intérêt en tout temps. « Quand on manifestait, c’était pour un besoin criant et immédiat. Je n’appelle pas ça immédiat, six mois, dit-il. Oui, ça va aider à faire des paiements, mais ce n’est pas mensuel. » Cela ne répond pas au sentiment d’urgence des entreprises endettées, poursuit-il, car ces liquidités permettent aux producteurs de se sortir la tête hors de l’eau momentanément. « Si tu veux vraiment aider immédiatement, ce serait le fun que ce soit [remboursé directement] à la base. La baisse de taux d’intérêt, ça te sécurise, mais je trouve que c’est placebo si on peut dire. C’est comme de prendre une petite pilule qui te sécurise, mais c’est juste mental, c’est mettre un plaster sur une grosse plaie », soutient-il.

Cédric Bousquet prendra officiellement la relève de la ferme en 2028.