Santé animale 15 novembre 2024

Comportement naturel des bovins laitiers : la clé pour une manipulation sans stress

Le Dr Frédéric Tremblay, vétérinaire à la Clinique vétérinaire Ste-Marie, à Sainte-Marie-de-Beauce, souhaite sensibiliser les éleveurs et les professionnels du milieu agricole à l’importance de comprendre le comportement naturel des vaches pour interagir avec elles de manière efficace, sécuritaire et respectueuse.

« Comprendre les vaches permet de mieux interagir », dit le Dr Tremblay. Selon lui, l’essentiel est de saisir comment les vaches perçoivent le monde afin d’adapter nos comportements en conséquence. « Quand on connaît les comportements naturels des vaches, cela nous aide à les manipuler d’une façon plus harmonieuse », explique-t-il. L’idée n’est pas seulement de rendre l’interaction plus agréable, mais aussi d’améliorer la productivité et la sécurité dans les fermes. En effet, des animaux calmes et moins stressés sont plus productifs, en meilleure santé, et présentent moins de risques pour les travailleurs.

Le Dr Frédéric Tremblay rappelle qu’il faut éviter les cris et les sifflements lorsqu’on manipule les vaches.

Le concept de stockmanship

Le concept de stockmanship, bien connu dans le monde anglophone, résume cette approche. Ce concept, souvent traduit en français par « manipulation sans stress », repose sur la compréhension de la manière dont les animaux, comme les bovins, perçoivent leur environnement, réagissent aux stimuli et interagissent entre eux.

Par exemple, les bovins ont une vision périphérique très développée, mais une vision limitée juste derrière eux, ce qui rend inutile, voire contre-productif, de se placer directement dans leur dos pour les faire avancer. De plus, ils ne distinguent pas bien les couleurs, mais détectent très efficacement les mouvements. 

Les vaches sont également très sensibles aux sons. Elles entendent particulièrement bien les hautes fréquences, mais les bruits forts et soudains les stressent énormément.

On essaie d’éviter les cris ou les sifflements lorsqu’on manipule les vaches, car cela attire leur attention sur nous au lieu de l’endroit où on veut les diriger.

Dr Frédéric Tremblay, vétérinaire

En maîtrisant ces éléments, les éleveurs peuvent ­guider les animaux de façon plus naturelle, en évitant les comportements contre-productifs.

En stockmanship, on apprend plutôt à se positionner de manière à encourager l’animal à se déplacer naturellement, sans l’effrayer ni l’intimider. « Si on veut qu’une vache avance, mieux vaut se placer légèrement à côté d’elle », conseille le Dr Tremblay. Ce type de manipulation douce améliore la sécurité des travailleurs, réduit le risque de blessures chez les animaux et favorise le bien-être général du troupeau.

L’objectif est de rendre les interactions entre humains et animaux plus harmonieuses et efficaces. Un animal calme est non seulement plus facile à manipuler, mais aussi plus productif, en meilleure santé et moins ­susceptible de souffrir de blessures ou de maladies liées au stress.

Au cœur de cette méthode se trouve une profonde compréhension du comportement des animaux en milieu naturel, sans l’influence des humains. Cela permet de concevoir des stratégies d’interaction qui respectent leur nature, réduisant ainsi le stress et favorisant une meilleure productivité.

Temple Grandin, éthologue renommée pour ses travaux sur le comportement animal, a beaucoup contribué à faire comprendre que l’environnement physique joue un rôle essentiel dans le bien-être des animaux. Photo : Julie Desbiens

Minimiser le stress 

Le Dr Tremblay souligne que, contrairement à ce que l’on pourrait penser, il ne suffit pas d’avoir des barrières hautes et solides pour empêcher une vache de s’échapper. « Une barrière de six pieds de haut ne sera pas utile si la vache est paniquée et veut sauter. L’important est d’éviter de les mettre en situation de stress », précise-t-il. 

La réduction du stress chez les animaux de ferme apporte des bénéfices bien réels, tant pour les vaches que pour les éleveurs. Selon le vétérinaire, les animaux moins stressés sont plus productifs et présentent moins de problèmes de santé, notamment en matière de reproduction. « Un animal calme a de meilleurs résultats en termes de production et de santé, ce qui, à long terme, améliore aussi l’image de la profession agricole », explique-t-il.

Le bien-être animal est devenu un enjeu crucial dans le milieu agricole, notamment en raison de la pression grandissante du public pour des pratiques d’élevage plus respectueuses. « En comprenant mieux les vaches, on peut améliorer nos pratiques et montrer aux consommateurs que nous prenons soin des animaux », soutient le Dr Tremblay. 

L’importance de l’environnement physique

Pour aider à comprendre cet enjeu, on peut aussi se référer aux travaux de la scientifique Temple Grandin, éthologue renommée pour ses travaux sur le comportement animal. Elle a beaucoup contribué à faire comprendre que l’environnement physique joue un rôle essentiel dans le bien-être des animaux. Les éléments perturbateurs comme les bruits soudains, les drapeaux qui bougent ou les chaînes peuvent effrayer les vaches. Mme Grandin recommande également des planchers antidérapants et une bonne luminosité naturelle pour réduire le stress. Parler calmement aux bovins contribue aussi à réduire leur stress. Ces aménagements, basés sur une compréhension approfondie de la perception sensorielle des animaux, créent un environnement apaisant et améliorent leur bien-être. Une vache qui se sent en sécurité dans son environnement sera moins susceptible de réagir de façon imprévisible.

Mme Grandin a également développé des innovations spécifiques pour les installations d’élevage, telles que des rampes courbes qui facilitent le déplacement des bovins sans les effrayer et des brosses rotatives permettant aux animaux de se gratter, ce qui réduit leur stress. Elle insiste sur l’importance de créer des chemins clairs et rassurants, avec des courbes douces et des matériaux texturés, pour guider les animaux de manière naturelle et sécurisée.  

Une utilisation judicieuse des antibiotiques

En plus de sa conférence, lors du Colloque sur la santé des troupeaux laitiers, le 26 novembre, ­le Dr ­Tremblay animera un atelier sur l’utilisation des antibiotiques chez les bovins laitiers. Avec les nouvelles régulations encadrant l’utilisation des antibiotiques, en particulier ceux de classe 1, les éleveurs trouvent souvent ­difficile d’adapter leurs pratiques. « Il est possible de réduire l’usage des antibiotiques sans mettre en danger la santé des animaux », assure-t-il. 

Durant cet atelier, les participants seront invités à répondre à des questions spécifiques sur leurs pratiques et à comparer leurs réponses avec celles des autres. Cela permettra de créer un point de départ pour des discussions avec leur vétérinaire une fois de retour à la ferme. « Par exemple, si un éleveur utilise moins d’antibiotiques que la moyenne, cela peut ouvrir un dialogue sur des pratiques alternatives », conclut le Dr Tremblay.