Santé animale 15 novembre 2024

Les mycotoxines, un ennemi silencieux

Les mycotoxines, des toxines produites par des champignons microscopiques, représentent un danger souvent invisible, mais sérieux, pour les animaux d’élevage, en particulier dans l’alimentation. Présentes dans les cultures comme le maïs, entre autres, elles sont capables de compromettre la production, la reproduction et l’immunité des animaux, ce qui rend leur gestion essentielle dans les fermes laitières et autres exploitations agricoles.

Le Dr Younès Chorfi, vétérinaire et chercheur, ainsi que Jean-Philippe Laroche, agronome et expert en production laitière chez Lactanet, qui abordent ce problème en profondeur dans leur conférence au Colloque sur la santé des troupeaux laitiers, nous présentent des solutions pratiques dans le souci de sensibiliser les éleveurs aux meilleures pratiques de prévention.

Jean-Philippe Laroche, agronome et expert en production laitière chez Lactanet, rappelle que la prévention commence dans le champ.

Des toxines à l’origine de nombreux problèmes de santé

« Les mycotoxines peuvent se développer sur les cultures sur pied ou pendant l’ensilage », explique le Dr Chorfi. Ces toxines, issues principalement de la fusariose dans le maïs, sont problématiques, car elles affectent directement la santé des animaux. Bien que les bovins soient souvent moins affectés en raison de leur capacité à dégrader certaines mycotoxines dans leur rumen, cette protection est loin d’être garantie. « La vomitoxine, par exemple, peut réduire l’appétit des animaux, diminuer leur production laitière et affaiblir leur système immunitaire », précise le Dr Chorfi. Il cite également la zéaralénone, une toxine aux effets œstrogéniques pouvant causer des chaleurs irrégulières chez les femelles gestantes et d’autres effets délétères sur la reproduction.

Les effets des mycotoxines ne s’arrêtent pas à la réduction de la production et de la reproduction. En affaiblissant le système immunitaire des animaux, elles les rendent vulnérables aux infections secondaires, comme les mammites ou les problèmes digestifs et respiratoires, surtout chez les jeunes animaux.

Un animal contaminé est plus susceptible de développer d’autres maladies, compromettant ainsi non seulement sa santé, mais aussi la biosécurité globale de l’élevage.

Dr. Younès Chorfi, vétérinaire et chercheur

Prévention : une approche intégrée de la ferme au champ

Le Dr Chorfi insiste sur l’importance des stratégies de prévention, essentielles pour éviter la prolifération des mycotoxines. Jean-Philippe Laroche, agronome chez Lactanet, abonde dans le même sens, rappelant que la prévention commence dans le champ. « La prévention est la meilleure stratégie pour lutter contre les mycotoxines », déclare-t-il. Cela implique d’adopter de bonnes pratiques culturales pour briser le cycle de développement de ces champignons pathogènes. « Pour que la fusariose se développe, il faut trois conditions : une plante sensible, un pathogène et un environnement favorable. En jouant sur l’un de ces éléments, on peut réduire les risques », explique M. Laroche.

Parmi les stratégies recommandées, il évoque le choix d’hybrides de maïs moins sensibles aux moisissures et la réduction des résidus de cultures contaminés dans le sol. Il souligne également l’importance d’éliminer l’oxygène des silos pour limiter la croissance des moisissures, puisque celles-ci prospèrent en présence d’oxygène. « Un problème récurrent de mycotoxines peut être une opportunité pour améliorer la régie des cultures », dit-il. Revoir toute la chaîne de production, du semis jusqu’à l’ensilage, permet souvent de mieux maîtriser ces toxines.

Les mycotoxines sont issues principalement de la fusariose dans le maïs. Photo : Archives/TCN

La détection des mycotoxines 

Pour aider les producteurs à détecter la présence de mycotoxines, le Dr Chorfi recommande divers tests d’analyse. « Les méthodes d’analyse permettent de repérer les mycotoxines invisibles, mais leur coût et leur précision varient », dit-il. Ainsi, il existe des tests rapides et abordables, mais moins précis, pour des évaluations fréquentes, ainsi que des analyses plus coûteuses pour un diagnostic approfondi. Il est crucial que les producteurs investissent dans ces tests, car une détection précoce permet d’adopter des solutions avant que les toxines n’atteignent un seuil critique pour la santé des animaux. « Comprendre les types de mycotoxines présentes et leurs concentrations est une étape indispensable pour adopter des mesures préventives adaptées », ajoute le Dr Chorfi.

« Un animal contaminé est plus susceptible de développer d’autres maladies, compromettant ainsi non seulement sa santé, mais aussi la biosécurité globale de l’élevage », rappelle le Dr Chorfi.

Solutions et innovations

Parmi les solutions proposées pour minimiser les impacts des mycotoxines, le Dr Chorfi évoque l’usage d’additifs anti-mycotoxines, qui sont parfois ajoutés dans l’alimentation animale. Ces additifs peuvent lier ou dégrader certaines toxines avant qu’elles n’atteignent le système digestif des animaux. Cependant, il rappelle que ces produits ne sont pas une solution miracle et qu’ils doivent être combinés avec des pratiques agricoles rigoureuses pour assurer leur efficacité.

Jean-Philippe Laroche rappelle également qu’il est possible d’atténuer l’impact négatif des mycotoxines grâce à l’alimentation. Par exemple, améliorer la santé du rumen augmente la population de protozoaires, des microorganismes ayant la capacité de dégrader ­certaines mycotoxines.

Une approche proactive pour une biosécurité renforcée

Le Dr Chorfi souligne l’importance d’une gestion proactive des mycotoxines pour protéger la santé des troupeaux et renforcer la biosécurité. « Une fois que les toxines ont affaibli le système immunitaire des animaux, la porte est ouverte à une multitude d’infections secondaires qui peuvent rapidement se propager dans l’élevage », dit-il. En sensibilisant les éleveurs aux risques associés aux mycotoxines et en leur fournissant les outils pour les prévenir, les deux spécialistes visent à encourager une approche globale de la biosécurité.