Ma famille agricole 15 novembre 2024

La petite ferme recomposée des Cyr

LA CORNE – La Ferme Cyr est dans le paysage abitibien depuis 1935, mais avec la reprise des actifs par les représentants de la quatrième génération de Cyr établis à La Corne, en Abitibi, la ferme laitière prend de nouvelles couleurs bien automnales grâce à la production maraîchère. 

Cet automne, près d’un millier de personnes sont venues marcher dans les champs ponctués de teintes orangées de la Ferme Cyr. C’est que depuis l’arrivée de Marie-Ève Goulet-Tessier, cette petite ferme laitière s’adonne à la production maraîchère et ouvre ses portes chaque automne pour l’autocueillette de citrouilles. 

« Je suis rentrée [dans la ferme] pas à pas. Au début, je venais le soir [dans l’étable] parce que David était ici. Oui, j’aime les vaches, mais c’est surtout le jardin qui m’a attirée », explique celle qui a mis sa carrière en administration sur pause pour étudier en gestion d’entreprise agricole et qui termine maintenant une attestation d’études collégiales en production maraîchère biologique.  

Son conjoint, David Cyr, a bien essayé autre chose pendant ses études en gestion et technologies d’entreprise agricole à Joliette, mais la passion l’a vite rattrapé. « J’ai essayé d’aller travailler à l’extérieur dans une station-service quand j’étais au cégep, mais ça ne m’intéressait pas. Quand j’ai appliqué ailleurs, c’était pour tirer des vaches. J’avais deux jobs : j’étais dans une porcherie ou une meunerie le jour et je tirais des vaches chez des producteurs le soir », se ­remémore-t-il, ajoutant que ce saut dans le sud de la province a aussi moussé son intérêt pour le maïs de consommation humaine, une culture qu’une poignée de précurseurs tentent d’apprivoiser en Abitibi-Témiscamingue.

De la place pour les passions de chacun

Mais même si Marie-Ève a un penchant pour la production maraîchère, son arrivée à la ferme n’a pas rimé avec la mise de côté de la production laitière. Au contraire, comme lors du retour de David après les études, la ferme a pu bénéficier d’un prêt de quota laitier de 10 kilos supplémentaires, ce qui l’a amenée à quelques gouttes des 40 kilos. Et c’est assez pour le moment, fait remarquer David, qui mentionne avoir dû agrandir l’étable pour y accueillir une dizaine de vaches en lactation supplémentaires.

Il insiste d’ailleurs sur l’importance d’inclure la relève dans les décisions d’affaires dès maintenant. « On ne veut pas trop en faire parce qu’on a de la relève qui s’en vient. Fred a 16 ans et il s’en va sur 17 », dit-il, en référence à Frédéric Gagnon, qu’il considère comme son propre fils même s’il est né de la précédente union de son ex-conjointe.

On pourrait se construire une étable neuve, mais on veut lui laisser sa chance. Pour le moment, ça me satisfait. Et on développe le petit côté légumes. 

David Cyr

Le principal intéressé est d’ailleurs reconnaissant d’avoir pu grandir à la ferme, même après la séparation de David et de sa mère. Et s’il a un parti pris pour la production laitière — il laisse d’ailleurs à David et Marie-Ève le luxe de se lever plus tard le dimanche matin, un moment « sacré » pour le couple — il dit beaucoup apprécier le travail diversifié qui vient avec l’agriculture. 

« C’est un peu comme la petite famille. On a notre petite équipe et c’est l’fun. On s’entend tous bien, et quand il en manque un, on voit la différence. Je vais aider Marie avec le maraîcher de temps en temps, mais je suis vraiment plus avec les vaches, en tracteur ou des choses comme ça. J’aime faire des choses différentes tout le temps », laisse tomber celui qui aimerait étudier la mécanique agricole. 

Ça fait longtemps que ça run, et je vais essayer de développer ça avec mon père pour le futur.

Frédéric Gagnon

Et qui sait, peut-être que si les projets de transformation laitière se concrétisent, comme de faire de la crème glacée, Billy, Louana et Maya, les trois autres enfants du clan, qui donnent déjà un coup de main à leurs parents tant à l’étable qu’au jardin, se laisseront-ils tenter? Ils prévoient profiter de l’hiver plus tranquille à la ferme pour en discuter en famille sur les pistes de ski…  

Frédéric Gagnon, qui considère David Cyr comme son propre père, veut suivre un cours en mécanique agricole avant de revenir prendre la relève de la ferme.

Fait maison

On mange un éléphant une bouchée à la fois. Tel pourrait être le credo de la famille Cyr. Chaque génération a, depuis 1935, apporté sa pierre à l’édifice de la ferme en agrandissant l’étable, tantôt pour augmenter la production, tantôt pour que le travail y soit plus efficace. Après un premier chantier lors de la reprise de la ferme en 2019, tout le monde a mis la main à la pâte, l’année dernière, pour réaliser un agrandissement qui a permis de séparer les vaches en lactation des taures gestantes et non gestantes, maintenant hébergées dans une rallonge du bâtiment en stabulation libre. « On a tout fait de A à Z – l’excavation, le ciment, monter la structure, faire les trusts, tous les poteaux, les barrières – pour que ça nous coûte moins cher. C’était de la peau, mais une bâtisse de même, ça nous aurait coûté 60 000-80 000 $, et on a réussi à aller la chercher à 30 000-35 000 $ », illustre fièrement David Cyr, qui précise que son père a été d’une aide précieuse.

David Cyr désigne l’agrandissement qui a été apporté au bâtiment en 2023 afin que les infrastructures soient adaptées pour accueillir le prêt de quota de 10 kilos obtenu par Marie-Ève à la fin de ses études.

Le bon coup de l’entreprise

Si c’est Marie-Ève qui tient les rênes du jardin de la Ferme Cyr 1935, David n’est pas en reste. C’est l’un des premiers à avoir osé cultiver le maïs à consommation humaine en Abitibi, il y a une dizaine d’années! Puis, il y a quatre ans, Marie-Ève a décidé d’essayer la citrouille, une culture qui bat son plein alors que la majeure partie des travaux aux champs sont terminés, ce qui permet au couple d’organiser une activité d’autocueillette qui ravit les familles des environs. « La première année, elle a battu mes chiffres », lâche David en riant, précisant que les curieux qui se déplaçaient ainsi à la ferme ont commencé à demander d’autres légumes, ce qui a mené à l’installation d’un kiosque libre-service pour écouler les surplus du jardin familial. D’autres cultures ont ainsi été ajoutées, comme les tomates, les concombres et les poivrons. « L’avantage des légumes, c’est que comparé au lait, tu n’as pas de gros investissements à faire. Si je décide d’ajouter une planche, je vais travailler un peu plus fort, mais je n’ai pas à acheter tant d’équipement », souligne Marie-Ève, qui ajoute qu’elle fait des tests avec d’autres produits d’appel comme les fraises, tant d’été que d’automne. 

Il y a quatre ans que Marie-Ève Goulet-Tessier s’est lancée dans l’aventure de la citrouille, une culture qui bat son plein alors que la majeure partie des travaux aux champs sont terminés.
Fiche technique
Nom de la ferme :

Ferme Cyr 1935

Spécialités :

Productions laitière et maraîchère

Année de fondation :

1935

Nombre de générations :

4

Noms des propriétaires :

David Cyr et Marie-Ève Goulet-Tessier

Superficie en cultures :

650 acres (263 hectares)

Cheptel :

80 têtes dont 40 vaches en lactation

Avez-vous une famille à suggérer?
[email protected] | 1 877 679-7809


Ce portrait de famille est présenté par