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Le contexte économique plombe la rentabilité de plusieurs fermes maraîchères de proximité, mais différentes décisions de gestion aident certaines d’entre elles à tirer leur épingle du jeu malgré tout. C’est le cas de deux fermes en affaires depuis plus de 20 ans, qui ont accepté de dévoiler à La Terre quelques-unes de leurs astuces.
Des vedettes vendues à perte
« J’entendais les gens au marché dire que les légumes bio, c’est cher. J’ai dit : “Ah ouin, moi aussi, j’en ai de la tomate à 5 $ le kilo.” Je me suis mis une couple de lost leader dans les légumes où j’avais beaucoup de rendement. Et j’ai vendu beaucoup de volumes. Mes pertes ont été pratiquement nulles, et mes ventes totales dans le marché public ont augmenté de 27 % cette année », indique Robin Fortin, propriétaire de La Ferme de la berceuse, à Wickham, dans le Centre-du-Québec.
Celui qui vend ses légumes sous forme d’abonnements, mais aussi dans son kiosque à la ferme, au marché public, en épicerie et en milieu institutionnel, préconise la diversification de la mise en marché. « Il y en a toujours une [mise en marché] qui boite. Si tu restes pris avec ton stock, tu es cuit. Alors dans ce temps-là, j’augmente l’offre dans les autres. Ce n’est pas compliqué, les fermiers qui réussissent sont ceux qui comprennent la structure et qui mettent la main à la pâte. Parce qu’une ferme, ça reste une business, avec de la compétition », résume le maraîcher de 63 ans.
Plusieurs autres facteurs vont influencer les profits, ajoute-t-il.
Sylviane Tardif, copropriétaire de la Ferme des 3 Samson, à Farnham, en Estrie, ne détient pas la solution pour être riche avec une ferme maraîchère de proximité, mais l’efficacité opérationnelle et l’importance du travail d’équipe l’ont aidée à être rentable. « On n’a pas de travailleur étranger. Nos employés, c’est un noyau de gens qui sont ici depuis 5-10-20 ans. De ce que j’entends, ils sont avec nous parce qu’ils aiment travailler ici. Oui, ils sont des passionnés, mais je leur offre aussi de la flexibilité sur les horaires, et c’est important qu’on ait une synergie ensemble, qu’on soit contents de venir travailler, d’avoir du fun », explique-t-elle.
Pour développer le plaisir au travail des employés, chacun est responsable de la livraison des légumes pour un point de chute. Cela lui permet de créer un lien particulier avec la clientèle.
La tablée du midi
« Aussi, chaque midi, on partage le repas, mentionne la productrice. Nous avons une grande table à la ferme, où, à tour de rôle, une personne prépare la bouffe pour toutes les autres. Quand ce sont les employés, on paie 30 minutes de leur temps pour faire la préparation et on fournit des légumes et de la viande. Ensuite, nous arrêtons tous une heure. Nous philosophons, nous discutons. Ça crée quelque chose de majeur à la ferme. »
L’autre élément crucial à la rétention des employés et à la rentabilité même de la ferme : la gestion des tâches. « Si tu as juste des tâches laborieuses, comme désherber pendant des heures des carottes, après deux ou trois jours, paf! ton employé est parti. L’efficacité des travaux, je crois que certains l’ont oublié dans des petites fermes. Ici, nous avons organisé les jardins en conséquence de mécaniser le travail le plus possible. Aujourd’hui, la plupart du désherbage et du transplantage sont mécanisés. La récolte est manuelle, car tout le monde aime ça », souligne-t-elle.
Pour la mise en marché, la ferme s’est toujours entêtée à conserver le concept des abonnements de paniers, qui lui offre une prévisibilité dans sa vente de légumes, contrairement aux cartes prépayées, qui donnent plus de latitude aux consommateurs, mais qui peuvent occasionner plus de pertes, dit Sylviane Tardif. « Avec la formule [de mini-marché des cartes prépayées], si tu pars à un point de chute avec 60 laitues et que tu reviens avec 40, tu fais quoi avec tes pertes? Je ne suis pas en train de dire que les cartes prépayées ne fonctionnent pas, mais si tu proposes des paniers bien montés, avec des choses que les gens veulent comme des fraises et du maïs, ça te fait une logistique plus simple avec moins de manipulations, moins de gestion des paiements et moins de pertes de temps. » Les pertes de temps et le trop grand nombre d’employés peuvent rapidement affecter la rentabilité d’une petite ferme, constate-t-elle.
L’intelligence artificielle pour aider les fermes de proximité
Que ce soit pour améliorer la qualité de vie des propriétaires des fermes maraîchères de proximité ou pour les rendre plus compétitives face au marché très capitaliste des légumes, il faut accroître l’utilisation de l’intelligence artificielle (IA), croit Robin Fortin, propriétaire de La Ferme de la berceuse. « L’intelligence artificielle, c’est fou où ça s’en va. Il faut adopter ça rapido », estime-t-il.
Il donne l’exemple de la gestion de ses abonnés aux paniers de légumes. Présentement, l’allocation des légumes se fait à la main, mais il convoite un système où les algorithmes de l’IA feraient le travail. « Je rentre mes 300 abonnés dans le système, j’indique que j’en ai tant qui ont payé 25 $ pour leur panier, tant d’autres à 45 $ pour des paniers plus gros, etc., que dans tel point de chute, les gens veulent plus de tomates que dans tel autre. Je lui donne mon plan de récolte avec mes volumes disponibles et le système me fait des propositions sur ce que je devrais envoyer pour chaque point de livraison afin de minimiser les pertes et d’être le plus efficace », décrit l’agriculteur. Ce souhait lui permettrait d’ailleurs de remplacer l’impression de bons de commande pour plutôt indiquer cette information sur un écran visible par toute son équipe.
« Je vais te dire quelque chose, si je réussissais à vendre tout ce que je récolte, je serais riche », exprime-t-il sans cachette. À tout le moins, un tel système misant sur l’intelligence artificielle pourrait lui faire sauver plus de deux heures par semaine.
Il mise déjà, pour ses superficies en serre ou sous couvert partiel, sur un système d’irrigation contrôlé par l’IA. « On ne s’occupe plus d’arroser. On ne fait que de la surveillance. »
L’automatisation des procédés par l’IA se révèle névralgique pour le futur des fermes maraîchères, car les vétérans comme lui, qui travaillent même les fins de semaine, seront moins nombreux à l’avenir, anticipe-t-il. « La relève ne mettra pas autant de temps que moi. Ça prend des solutions d’automatisation et de mécanisation, et que ce soit viable économiquement », dit celui qui a commencé comme maraîcher il y a 26 ans.
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