Économie 6 novembre 2024

Étonnés de ne pas se qualifier pour l’aide d’urgence de Québec

Comme bon nombre de confrères en difficultés financières, Alexandre Laroche, un producteur de lait de l’Estrie, et Steve Berthiaume, un producteur de fruits et de houblon de la Côte-Nord, ont levé la main lorsqu’ils se sont sentis étouffés par l’inflation et par de mauvaises années de récolte. Ils ont essayé de saisir la perche tendue par le ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, lors de l’annonce d’une aide d’urgence en mai 2023, mais à leur grande surprise, cette aide leur a été refusée.

En fonction du chiffre d’affaires de l’entreprise, ce programme géré par La Financière agricole du Québec offre une aide pouvant atteindre 75 000 $ sur trois ans et l’accès à une garantie de prêt de fonds de roulement jusqu’à 200 000 $, sans remboursement durant les trois premières années. Il est assorti d’une enveloppe de 55 M$. 

Steve Berthiaume attend le rapport d’un évaluateur indépendant qui, il espère, convaincra la Financière d’accorder l’aide d’urgence à son entreprise. Photo : Gracieuseté de Steve Berthiaume

Les frères Alexandre et Maxime Laroche sont propriétaires de l’une des plus importantes fermes laitières de l’Estrie, dont le chiffre d’affaires dépasse 1,5 M$. L’entreprise de Saint-Camille, qui produit 220 kg de matière grasse par jour, a cependant contracté des dettes – notamment en raison de la construction d’un nouveau complexe laitier en 2020 – dont les taux d’intérêt ont considérablement augmenté dans les dernières années. En 2023, après une saison catastrophique aux champs, les revenus générés par les cultures n’ont pas permis de rembourser le prêt contracté auprès de Financement agricole Canada pour acheter les intrants en début de saison. 

Trop efficaces en 2022 et pas assez en 2023

En déposant la demande à la Financière avec leurs états financiers de 2022 – car ceux de 2023 n’étaient pas encore disponibles –, les frères Laroche se sont qualifiés seulement pour la garantie de prêt de fonds de roulement, mais non pour la subvention. Avec les chiffres moins reluisants de 2023, ils ont également essuyé un refus.

Ils me sont revenus en disant : ‘‘Là, tu ne cadres plus parce qu’on ne voit plus de pérennité à l’entreprise.’’ Alors, on est passés de trop efficaces à pas de pérennité, mais calvince, on n’est pas en dernier recours. Si on n’arrive pas, on vendra une terre ou quelque chose, mais on ne fera pas faillite demain matin.

Alexandre Laroche

50 producteurs refusés

La Financière mentionne qu’en date du 30 septembre 2024, une cinquantaine producteurs se sont vu refuser l’accès au prêt de fonds de roulement en raison de leur incapacité à démontrer la pérennité de l’entreprise. 

Pour 710 fermes, l’organisme gouvernemental est en attente des documents susceptibles d’appuyer leur admissibilité à l’aide financière. Toutefois,
1 960 demandes ont été autorisées jusque-là, dont 1 250 recevront une subvention en plus de la garantie de prêt. 

« Les taux d’intérêt nous ont fait mal sur peut-être deux ou trois ans, affirme Alexandre Laroche, mais l’entreprise va se relever de ça. C’est ce que je trouve dommage. Ce prêt de fonds de roulement, s’il n’a pas été inventé pour ces années difficiles de taux d’intérêt en plus des mauvaises récoltes, il sert à quoi? »

La grêle de juillet 2022

Les ennuis ont commencé en juillet 2022 pour Steve Berthiaume et son père, Pierre, alors qu’un épisode de grêle a endommagé les cultures de la ferme en démarrage depuis 2019.
« C’est une année qui nous a coûté extrêmement cher. On ne s’est pas relevés de ça encore en 2024 », mentionne Steve, copropriétaire des Jardins de Carmanor. 

Depuis, les ententes de paiements avec les fournisseurs de l’époque et le renouvellement de prêts à des taux d’intérêt plus élevés, en 2022, soustraient mensuellement 2 000 $ aux liquidités de la jeune entreprise. La demande de prêt de fonds de roulement déposée à la Financière au printemps 2023 leur a toutefois été refusée bien que la recommandation d’établir un plan de redressement avec un médiateur ait été suivie, que des cultures aient été abandonnées et des serres vendues.
« On a présenté [le plan de redressement] à la Financière et c’est comme si on n’avait rien présenté. Ils n’ont même pas pris le temps de discuter à ce sujet. La porte était fermée, merci bonsoir, mentionne-t-il, encore remué. Au final, ça n’a servi à rien. »

L’un des points en litige entre les deux parties concerne la valeur marchande de la ferme. Les Berthiaume attendent d’ailleurs le rapport d’un évaluateur indépendant qui, ils espèrent, convaincra l’organisme gouvernemental de leur accorder l’aide financière. 

La Financière agricole du Québec n’a pas souhaité commenter de cas en particulier.