Depuis que je suis travailleuse de rang, je consacre beaucoup de temps à déconstruire des idées préconçues au sujet des différents aspects du suivi psychosocial. Certaines croyances exprimées par les personnes que j’accompagne me font sourire, tandis que d’autres m’attristent un peu. Étant donné que plusieurs de ces idées préconçues sont fréquentes, j’ai eu envie de m’y attarder dans cette chronique.

D’abord, j’entends souvent les phrases suivantes : « Je ne veux pas prendre la place de quelqu’un d’autre », ou encore « Il y en a d’autres qui ont des besoins plus importants que les miens. » Pour nous, travailleuses de rang, chaque personne que l’on rencontre est importante et chaque besoin décelé mérite notre attention. Si vous occupez une place dans notre emploi du temps, c’est qu’il y a une bonne raison. La place que vous occupez n’est pas celle d’un autre, mais bien la vôtre. Vous méritez qu’on tienne compte de vos besoins, de vos interrogations ou de vos difficultés. Il est de notre mission de vous accompagner dans votre cheminement.

Au deuxième rang des croyances souvent entendues vient celle selon laquelle il faut attendre d’avoir les idées claires avant de contacter la travailleuse de rang pour exposer sa situation et demander de l’aide. À ce sujet, j’ai envie de vous faire savoir que l’essentiel de mon rôle réside dans le fait d’aider les gens à voir plus clair dans les multiples situations qu’ils rencontrent et à mettre de l’ordre dans leurs pensées. Croyez-moi, mon travail deviendrait beaucoup moins stimulant et utile si les personnes qui me consultent me contactaient pour m’expliquer en détail et de façon précise leurs émotions, leurs besoins et ce qu’elles veulent changer. J’ajouterais aussi que c’est irréaliste de penser qu’on devrait être capables d’y voir clair en tout temps lorsqu’on traverse une période difficile; on manque souvent de recul pour le faire. Également, il ne faut pas négliger l’effet libérateur de la parole, qui sert, comme je viens de l’illustrer, à structurer sa pensée, mais aussi à se délivrer des émotions enfouies qui minent la santé mentale. Parfois, les bénéfices associés au fait de consulter un professionnel de la santé mentale peuvent prendre un certain temps avant de se manifester. Il n’y a pas de durée « normale » aux suivis, et bien que cela puisse être exigeant pour certains, ne baissez pas les bras avant d’avoir atteint les changements que vous souhaitez. Croyez en vous et ayez confiance en la démarche!  

Pour continuer, plusieurs personnes me mentionnent à quel point cela doit être  « lourd » pour moi de les écouter me parler de leurs problèmes. Elles se demandent comment j’arrive à composer avec cela au quotidien. Si vous êtes de ces personnes, sachez que les travailleuses de rang sont formées en relation d’aide. Nous savons donc comment offrir du soutien à ceux et celles qui en ont besoin tout en maintenant une frontière entre notre vie personnelle et notre vie professionnelle. Nous mettons en place des moyens pour prendre soin de nous au quotidien, et particulièrement après des interventions complexes ou exigeantes (soutien entre les pairs, supervision clinique, etc.). De plus, le sentiment de pouvoir faire une différence dans la vie des personnes que nous accompagnons, tout comme la possibilité d’être aux premières loges lorsqu’elles vivent des réussites, est un élément beaucoup plus significatif que la  « lourdeur » des confidences que nous recevons dans le cadre de notre travail. 

En terminant, je souhaite prendre un instant pour vous remercier, chère communauté agricole, pour la confiance témoignée envers les travailleuses de rang. Je vous rappelle que leurs services sont gratuits et confidentiels.  

Besoin d’aide?

Si vous avez des idées suicidaires ou si vous êtes inquiet pour un de vos proches, contactez le 1 866 APPELLE (1 866 277-3553). Un intervenant en prévention du suicide est disponible pour vous 24 heures sur 24, sept jours sur sept.

Pour l’aide d’un travailleur de rang, contactez le 450 768-6995 ou par courriel [email protected].