Portraits 11 octobre 2024

La grande aventure de la transition bio

Les Cèdres L’année 2024 revêt un caractère spécial pour le producteur de grains Julien Cousineau, son frère Marc-André et leur père Adrien. Il s’agit de la première année où l’ensemble de leur production est certifié 100 % biologique.

Les trois agriculteurs des Cèdres, en Montérégie, cultivent du blé, du maïs, du soya et des pois sur une superficie de 700 hectares. Ils ont amorcé la transition vers la culture bio, de façon graduelle, à partir de 2019. 

La conjointe de Julien Cousineau, Dominique Chéron, est à l’origine de ce grand virage.

Ça fait longtemps que j’ai un parti pris pour le bio. Je pense qu’il faut prendre soin de la planète et de l’humain.

Dominique Chéron

Selon elle, cette transition représentait en outre un défi pour son partenaire de vie et d’affaires. « C’est un gros changement pour moi. Je n’étais pas convaincu au début, laisse tomber le principal intéressé. Mais à force de regarder les chiffres et d’analyser la faisabilité, j’ai décidé d’y aller. »

« Ça a été un peu rocambolesque la première année », ajoute Julien Cousineau dans un sourire. 

Mais cela n’a pas empêché son frère, Marc-André, de se lancer également dans l’aventure. Détail : Adrien Cousineau a vendu ses propriétés à ses fils en 2021. Les deux frères ont ainsi des superficies en commun et se partagent la machinerie, mais ils ont également chacun leur lot de terres. Ils sont donc tous deux à la barre de leur entreprise respective.

Plus de travail

Les Cousineau ont voulu bien faire les choses dès le départ et expliquent avoir acheté la machinerie nécessaire. « Ça prend un peu plus de tracteurs parce qu’il y a un peu plus de travail de sol à faire », fait notamment valoir Julien Cousineau. 

« La machinerie travaille deux fois plus, fait remarquer le paternel, Adrien, encore impliqué au quotidien dans le travail de la terre. Les tracteurs font deux fois plus d’heures qu’avant. Si ce n’est pas plus. C’est aussi une autre façon de travailler avec les fumiers et les engrais verts. Il faut y voir! » 

En culture bio, le printemps est une période particulièrement occupée, selon Julien. « C’est une visite au champ aux deux jours, dit-il. Et vas-y pas aux trois jours, parce que tu risques de manquer ton coup! »

Si les mauvaises herbes sont contrôlées au moyen d’un arrosage d’herbicide en culture conventionnelle, le retrait des plantes indésirables en culture biologique peut nécessiter jusqu’à six passages du peigne et du sarcleur dans certains champs, selon les observations de la famille. 

Le virage biologique a ainsi incité les Cousineau à adapter leurs pratiques à la vitesse grand V. « Ce n’est pas long, perdre le contrôle des mauvaises herbes », laisse tomber Julien Cousineau. 

Cette année, ça a adonné comme ça; je battais du blé d’automne et mon fils était dans un champ de soya, à côté, et il passait le sarcleur. Ça faisait un peu drôle de voir la batteuse et le sarcleur dans les champs en même temps.

Julien Cousineau

Convaincus

Même si la régie biologique entraîne davantage de travail, les Cousineau affirment ne pas regretter d’avoir emprunté cette direction. « On a investi beaucoup de temps et d’argent. Mais j’y crois. Et les enfants aussi », dit Julien Cousineau, 46 ans. 

Les deux fils de ce dernier, Antoine et Matis, respectivement âgés de 22 et 21 ans, travaillent à la ferme. L’aîné étudie en plus à l’Université Laval en agronomie. 

Aux yeux d’Adrien Cousineau, la rentabilité accrue de la culture biologique contribue à assurer une place à la troisième génération, qui verra à prendre la relève. Marc-André, 36 ans, a également deux fils, Branden et Calix. Ceux-ci sont toutefois encore jeunes pour le moment. 

La commercialisation des récoltes des Cousineau passe notamment par la Coop Agrobio, Aliments Breton, Nortera et Mosher. « Il y a plein de monde qui achète du bio », souligne Julien.

Selon lui, la culture bio règne par ailleurs sur près de la moitié des terres de la petite municipalité des Cèdres. La famille Cousineau ne fait donc pas cavalier seul.

D’une terre à l’autre

Natif de Pointe-Claire, Adrien Cousineau a répondu à l’appel de la terre, et plus particulièrement à celui des grandes cultures, à partir de 1979. C’est à cette époque que ce menuisier de profession a loué sa première terre aux Cèdres pour y cultiver du maïs, comme sideline

Lorsqu’Adrien était jeune, ses parents ont fait de la culture maraîchère durant un temps. Ainsi, explique l’aïeul de la famille, ses trois frères – également établis dans la région – et lui cherchaient une façon de « revenir à l’agriculture ». 

L’achat d’une première terre par Adrien Cousineau, en 1985, a par la suite marqué le début d’une série d’acquisitions de terrains, dont certains avec ses fils à partir de 1996. Le centre de grains de la ferme a suivi la même progression au fil du temps. Il compte aujourd’hui huit silos et une capacité d’entreposage de 5 200 tonnes. 

Adrien a mis de côté son métier de menuisier en 1990 pour se consacrer à temps plein à celui de producteur agricole. Mais ses compétences en construction ont été mises à profit pour la réalisation de plusieurs travaux sur les bâtiments agricoles et les silos.

Les travaux de nivelage et de drainage sont également effectués par les Cousineau, dont la machinerie est pourvue de systèmes GPS et d’autres équipements technologiques. 

Le centre de grains de la ferme compte aujourd’hui huit silos et une capacité d’entreposage de 5 200 tonnes. 

Les différentes pratiques de développement durable mises de l’avant par la famille de producteurs de grains lui ont valu de recevoir la reconnaissance Ferme AgrEAUenvironnementale en 2024. La ferme a en outre participé à l’événement Portes ouvertes Mangeons local de l’Union des producteurs agricoles. 

La conjointe d’Adrien Cousineau et mère de la fratrie, Carole Pilon, donne également un coup de main, avec un de ses frères. « On est une bonne équipe », conclut Julien.