Ma famille agricole 11 octobre 2024

Une passion contagieuse pour les fraises

LAVALTRIE – Leur père aimait bien dire que ses filles sont nées non pas dans des choux, mais plutôt dans des feuilles de tabac. Cependant, c’est dans les champs de fraises que les deux sœurs Auclair se sont fait un nom. Aujourd’hui, l’appellation « Les Filles Auclair » est synonyme de qualité. 

À l’instar de plusieurs agriculteurs de Lanaudière, Marcel Auclair se consacrait à la production de tabac dans les années 1970 et 1980. Pas par goût, mais par nécessité. Il conservait néanmoins un de ses champs pour sa grande passion : la culture des fraises.  

« Il disait qu’il faisait pousser du tabac pour l’argent et qu’il cultivait des fraises par amour », raconte sa fille Nathalie, dans le petit bureau jouxtant l’entrepôt de la fraisière qu’elle exploite avec sa sœur aînée, Ginette, à Lavaltrie. 

Au bout de la table, cette dernière hoche la tête avec approbation. Elle renchérit, sourire aux lèvres : « Au printemps, il trépignait d’impatience en attendant le début de la saison. Même à la fin de sa vie, il en parlait encore à tout le monde, n’importe quand. Même à des étrangers dans la salle d’attente de l’hôpital! »

Avec clairvoyance, Marcel Auclair a pris la décision, en 1987, de tout miser sur sa passion. Adieu, le tabac. Vive les fraises! 

« Il a vendu son quota et sa machinerie en disant qu’il préférait abandonner le tabac avant que le tabac ne l’abandonne », se souvient Nathalie Auclair. « À l’époque, personne ne croyait à la fin du tabac. Les gens se disaient que le monde n’arrêterait jamais de fumer. »

Rapidement, la réputation des fruits de Marcel Auclair s’est répandue dans tout Lanaudière. « Il était à l’affût de toutes les innovations. Quand il s’est mis à mettre des bâches sur ses rangs, beaucoup de monde se posait des questions », relate la plus jeune sœur. « Quand il se faisait demander ensuite comment il pouvait récolter des fraises avant tout le monde, il ne répondait jamais. »

Marcel Auclair a produit du tabac pendant une vingtaine d’années avant de s’adonner à sa passion pour la culture de la fraise. Photo : Gracieuseté de la famille Auclair

Et filles 

Cette passion pour les fraises s’est transmise naturellement aux deux sœurs. « Je suis allée travailler en usine pendant une année. Mais je suis revenue ici, car le travail dans les champs me manquait », confie Ginette Auclair.

De manière naturelle, les deux femmes ont commencé à planter leurs propres fraisiers tout en continuant à travailler pour leur père. 

« Au début, ce n’était qu’une vingtaine de rangs sur un bout de terrain qu’il nous prêtait », se souvient la cadette. « Mais au fil du temps, il nous en donnait de plus en plus. Quand des clients venaient, ils leur répondaient : « Ce sont mes filles qui s’occupent de ça. » »

C’est leur mère, Marie-Berthe Goyette, qui a fait comprendre à leur père qu’elles représentaient la relève. « Nous ne voulions pas le tasser. Mais notre mère le prévenait : « Tu vas les perdre, tes filles! » » raconte Nathalie Auclair. « C’est ainsi que la ferme a pris le nom d’Auclair et Filles. Ma tante était très fière de voir « et Filles » sur la pancarte! »

Notre père disait qu’il préférait abandonner le tabac avant que le tabac ne l’abandonne.

Nathalie Auclair

En 2004, à la retraite de leur père, les deux sœurs ont adopté le nom des Filles Auclair. « Il n’a cependant jamais arrêté. À son tour, il cultivait une vingtaine de rangs sur un bout de terrain », mentionne la plus jeune des sœurs. 

Les fruits des sœurs Auclair sont reconnus pour leur goût, leur couleur et leur texture.

Un nom réputé

Sans faire de publicité, la qualité des fruits des Filles Auclair est devenue une valeur établie dans les fruiteries et dans les chaînes d’alimentation. Les deux femmes sont les premières à s’en étonner.

« L’autre jour, une femme nous a dit qu’elle devait absolument venir acheter nos fraises parce qu’elle recevait de la visite de la Colombie-Britannique », raconte Nathalie Auclair, encore sur le coup de la surprise.

« Nous ne faisons rien de spécial », poursuit-elle, tout en reconnaissant qu’elles ont appris à se montrer intraitables sur le goût, la couleur et la texture de leurs fraises. Au moindre défaut, les fruits sont immédiatement déclassés en seconde catégorie. « Et on appelle l’agronome chaque fois qu’on voit quelque chose d’anormal dans les champs. »

C’est une question de minutie, conclut Ginette Auclair. « Si on fait de beaux fruits, c’est peut-être juste parce que nous sommes des filles. »  

Fait maison

Les deux sœurs Auclair l’admettent d’emblée : leurs besoins en machinerie sont comblés par de l’équipement simple qu’elles utilisent depuis des années. L’exemple le plus probant, c’est sans doute le vieux planteur de fraisiers hérité de l’époque de la culture du tabac. Le travailleur, assis dans la remorque, place un à un les plants entre deux pinces entraînées par une roue. Une simple perche tendue à l’horizontale, avec un poids suspendu au bout d’une corde, permet au chauffeur du tracteur de maintenir la distance entre les rangs. « C’est un tracteur International Harvester que mon père partait à la manivelle. Il a maintenant un démarreur », souligne Nathalie Auclair en riant.

Un vieux planteur hérité de l’époque de la culture du tabac a  été converti pour la plantation des fraisiers.

Le bon coup de l’entreprise

La plantation de variétés automnales, il y a une dizaine d’années, a permis d’allonger la saison des récoltes de manière considérable. « Nous sommes passés d’une production de cinq semaines à une production de cinq mois », explique Nathalie Auclair. « Plusieurs producteurs arrêtent à la fête du Travail, mais nous continuons jusqu’à l’Action de grâce. Et encore, il faut expliquer aux clients que nous ne pouvons pas continuer jusqu’à Noël. »

Les fraises d’automne permettent aux sœurs Auclair de se prémunir contre les mauvaises récoltes, de plus en plus fréquentes en raison des changements climatiques. « L’an dernier, un épisode de grêle en juin a complètement détruit notre récolte de fraises d’été. Les feuilles étaient percées et il y avait des trous dans les fraises », se souvient Ginette Auclair. « Sans les fraises d’automne, notre année aurait été perdue. » 

Avec la plantation de variétés automnales, il y a une dizaine d’années, la ferme a fait passer sa production de cinq semaines à cinq mois.
Fiche technique
Nom de la ferme :

Les Filles Auclair

Spécialités :

Fraises et framboises

Année de fondation :

1968

Noms des propriétaires :

Ginette et Nathalie Auclair

Nombre de générations :

2

Superficie en culture :

11,1 hectares

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