Acériculture 1 octobre 2024

Les secrets d’un sirop savoureux : un soupçon de science et d’art

Quel est le secret pour rivaliser avec les sirops primés au concours La Grande Sève de la Commanderie de l’Érable?

À la question à 2 000 $ le baril, Stéphane Guay rétorque que tous les acériculteurs sont en mesure de produire un sirop savoureux même avec les équipements les plus rustiques, à condition de connaître ce qu’ils ont comme sève. 

« En début de saison, en milieu de saison et en fin de saison, ce n’est pas la même façon d’évaporer. Chaque jour, comme on n’a pas la même sève, la recette pour bouillir ne peut pas être exactement celle de la veille », confie l’acériculteur, biologiste et créateur du site Web Érable & Chalumeaux.

Tout d’abord, le biologiste et populaire vulgarisateur souligne que la première responsabilité de l’acériculteur est d’écarter les agents extérieurs. « C’est une chose d’améliorer la saveur, mais c’est autre chose de ne pas la détériorer. Si tu as laissé de l’alcool tout l’hiver dans ta tubulure, ça va ­goûter le plastique. »

Stéphane Guay rappelle également le principe de base de la production du sirop, qui demande que la sève soit concentrée 40 fois. « Le détergent que tu utilises pour nettoyer tes équipements, si tu le ne rinces pas bien, il se concentre lui aussi et c’est certain que tu vas le retrouver dans ton sirop. »

Les bonnes saveurs du sirop d’érable
Érable

Fruité

Floral

Épicé

Confiserie (caramel)

Il rappelle aussi l’importance de ne pas laisser une sève trop longtemps dans un bassin.

Ça finit par fermenter et développer une saveur de vinaigre et de levure. Les gens n’aiment pas ça. Il faut concentrer le plus rapidement possible et laver nos réservoirs à chaque fin de journée.

Stéphane Guay

Dans la conférence qu’il présente avec sa partenaire et conjointe Édith Bonneau, Faire du meilleur sirop d’érable : un mélange de science et d’art, Stéphane Guay souligne que la part de la science dans la fabrication du sirop relève justement de ce que l’on sait sur les micro-organismes qui peuvent altérer le goût du sirop si on ne les élimine pas. 

« Mais après, quand on s’en va à la cuisson, il y a une portion qui n’est pas scientifique; c’est la personne qui doit goûter pour savoir s’il a assez de “cuit” ou pas. Là, on est rendu dans l’art. » Temps de cuisson, intensité de la chaleur, période de la saison où la sève est récoltée sont tous des éléments qui doivent être pris en considération par l’acériculteur.

Érable et confiserie

Année après année, les sirops gagnants du concours La Grande Sève ont comme attribut commun l’érable et le caramel. Par la suite, les attributs complémentaires les plus communs et appréciés des consommateurs sont floral, fruité, vanille et épicé. 

« Dans les concours, les sirops qui goûtent l’érable et la confiserie sont ceux qui montent le plus au classement. Si tu as juste la confiserie cependant, ce n’est pas suffisant. Ça te prend toujours au minimum la saveur d’érable. Les gagnants ont une prédominance d’érable avec saveur secondaire en confiserie, mais jamais le contraire », explique ­Stéphane Guay.

Pour faire un sirop savoureux, il faut s’adapter avec la composition de la sève qui évolue au fil des semaines.

En début de saison, elle n’a pas ce qu’il faut pour développer un goût d’érable prononcé, mais on peut aller chercher une saveur de confiserie et de caramel. Pour ça, il faut que le temps de séjour dans l’évaporateur soit au moins d’une heure.

Stéphane Guay

C’est en milieu de saison que le goût de l’érable se développe le mieux, mais encore faut-il que le maître sucrier déploie tout son savoir-faire. « Là, c’est un temps de transit d’au moins 45 minutes dans l’évaporateur, mais c’est là que l’expérience entre en jeu. Trop de cuisson va finir par masquer la saveur d’érable au détriment du caramel. Et en contrepartie, si je ne cuis pas assez, le goût de l’érable ne sera pas assez présent. Il faut s’adapter en fonction du niveau de glucose et fructose déjà présents dans le concentré. »

« En début de saison, [la sève] n’a pas ce qu’il faut pour développer un goût d’érable prononcé, mais on peut aller chercher une saveur de confiserie et de caramel. Pour ça, il faut que le temps de séjour dans l’évaporateur soit au moins d’une heure », conseille Stéphane Guay.

En début et en fin de saison, on retrouve un goût de végétaux qui provient de l’arbre, soit le bois lui-même ou les bourgeons qui commencent à éclore. « Il faut vivre avec ça, mais il y a moyen de le camoufler en accentuant le goût du caramel. Une saveur caramélisée peut rendre plus agréable un sirop ayant un léger défaut. Ça, tu vas l’obtenir avec un temps de transit dans l’évaporateur d’une heure, en réduisant l’intensité du feu pour ne pas brûler ton glucose dans la sève. Si tu cuis trop, ça va goûter la tire éponge brûlée. Un défaut dans un sirop, ça peut passer, mais deux, ça devient trop », poursuit le biologiste. Les saveurs de vanille et de miel, elles, seront obtenues en diminuant le niveau de sève dans les pannes afin d’avoir un temps de transit très court, inférieur à 45 minutes. 

« Moi, je fais toujours une distinction entre un sirop de qualité et un sirop savoureux. Le premier est celui que les PPAQ [Producteurs et productrices acéricoles du Québec] recherchent et qui est payé au maximum de son prix, tandis que le second, c’est celui que les gens préfèrent. De mon point de vue, plus on va se coller sur ce que le consommateur aime, plus notre industrie va bien aller », conclut Stéphane Guay.