Maraîchers 20 septembre 2024

La recette gagnante d’un passionné du bébé gingembre

LA PRÉSENTATION – La culture du gingembre, un peu mystérieuse pour plusieurs, est devenue la spécialité et la passion de Gaétan Pion, depuis 10 ans. Sur la petite parcelle de sa terre ancestrale, à La Présentation, en Montérégie, les premiers plants de gingembre – qu’il récoltait lors du passage de La Terre, le 16 septembre – lui offrent une qualité à la hauteur de ses attentes.

Même les racines secondaires sont goûteuses, assure le producteur. Crédit: Martin Ménard/TCN

« C’est ma culture coup de cœur. C’est différent du gingembre qu’on achète en épicerie. Ici, c’est du bébé gingembre. Quand on le récolte, il n’est pas à maturité. Il va avoir un goût particulier, plus frais, et une enveloppe blanche qui se mange au lieu de l’enveloppe brune que tu dois enlever », décrit M. Pion, un technicien agricole qui a travaillé en horticulture pendant 32 ans à l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec (ITAQ), campus de Saint-Hyacinthe. 

Il n’est pas seul à aimer ce bébé gingembre, car il écoule rapidement toute sa production. « Quand je fais ma récolte, je l’indique le samedi matin sur Facebook et à 9 h des voitures arrivent dans la cour, raconte le producteur. J’ai un cercle de bons amis, de bons cuisiniers, des épicuriens. Une fois qu’ils ont utilisé le bébé gingembre, ils ne peuvent plus s’en passer! »

Au début de sa saison, Gaétan Pion sélectionne les racines de gingembre qui comportent le plus « d’yeux » (au bout de son doigt sur la photo), ce qui lui permet de les subdiviser et de les multiplier.

L’une de ses meilleures clientes est d’ailleurs sa conjointe, Sandra Mougeot. Cette dernière utilise le gingembre dans la recette de l’une de ses vingt variétés de savons commercialisés sous le nom de Chandra Savonnerie artisanale.

Sandra Mougeot produit à temps partiel des savons artisanaux, dont l’un au gingembre, très vivifiant, dit-elle. Crédit: Martin Ménard/TCN

J’ai commencé à en faire depuis l’an dernier au gingembre et j’adore ça! J’en mets une petite dose, mais c’est assez pour apporter une belle odeur épicée. C’est vivifiant. Ça réchauffe les matins d’automne ou d’hiver », dit celle qui est

Sandra Mougeot, technicienne agricole à l’Institut de recherche et de développement en agroenvironnement et conjointe de Gaétan Pion
Elle fabrique aussi un savon très local à partir des fraises d’agriculteurs de la région. Crédit : Chandra Savonnerie artisanale

Une technique qui fonctionne 

En 10 ans, Gaétan Pion a connu des succès et des échecs avec sa culture de gingembre. Il a peaufiné sa régie de culture pour obtenir aujourd’hui une stabilité dans ses rendements, qui avoisinent les 2,5 kilos de bébé gingembre au mètre carré. 

L’une des clés consiste à acheter les bons tubercules qu’il mettra plus tard en terre. De janvier à mars, il passe quelques journées à se lever à 5 h du matin pour aller visiter des grossistes à Montréal qui vendent du gingembre biologique du Pérou. « Si tu prends du gingembre de la Chine non bio, il est souvent traité, et ça pousse moins », compare-t-il.

Le gingembre du Pérou nécessite toutefois d’être sélectif. « C’est important d’ouvrir les boîtes et de bien les choisir, car le gingembre, c’est un rhizome. Plus ils ont d’yeux, plus tu peux les diviser et plus tu as de futurs plants. C’est vendu au poids, donc le nombre d’yeux fait la différence sur tes coûts. » Il ne faut pas beaucoup de rhizomes en mauvaise condition pour amputer les rendements. « Il y a une année où j’allais à Montréal, mais la qualité ne me satisfaisait pas. Ça ne valait pas la peine d’en acheter, et je n’ai rien planté du tout! »

Un peu de nettoyage s’impose à la récolte. Les tiges sont coupées et les racines sont lavées, pour être ensuite congelées. 

L’autre truc pour que le gingembre cohabite avec la météo du Québec : des toiles. « J’utilise des toiles pour le protéger du froid au printemps et à la fin de l’été. Mais je mets aussi une toile anti-UV pour les protéger du soleil en été. Car le gingembre a besoin de chaleur, mais il est sensible aux coups de soleil et grosses chaleurs », explique celui qui se spécialisait justement dans les cultures sous abris lors de sa carrière à l’ITAQ. 

Maintenant à la retraite, il caresse le rêve d’accroître sa production de gingembre, ce qui impliquerait notamment un approvisionnement fiable et à moindre coût en rhizomes. « Le gingembre, les gens aiment ça. Ce n’est pas une culture difficile, et quand tu marches à travers tes plants lorsque le soleil se lève, hum, le feuillage sent tellement bon, confie le producteur. En faire un hectare ou plus, j’y pense. C’est un de mes rêves! »

Le gingembre de serre, facile à vendre en extra

Plusieurs petits maraîchers sous régie biologique, comme la Ferme des 3 Samson, cultivent du gingembre en serre. « Le gingembre d’ici gagne à être connu. Les gens qui le découvrent, ça fait souvent un gros wow! et ils s’en font des provisions. Chez nous, la demande est là et c’est un produit qui est facile à vendre en extra. C’est un peu comme l’ail », dit Sylviane Tardif, copropriétaire de cette ferme située à Farnham, en Estrie. Pour obtenir du rendement, elle amorce sa culture de gingembre dans une chambre de croissance chauffée à 30 °C au mois de mars avant de la transférer dans une serre au mois de mai. Cette stratégie donne un départ canon à ses plants et lui assure de bons rendements. Une culture à grande échelle du gingembre lui semble plus improbable en raison de la conservation du produit, qui doit être congelé.