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Les vendanges s’annoncent généreuses cette année sur l’ensemble du territoire québécois. Les vignes sont chargées de raisins, peut-être trop même, puisque le ralentissement économique a créé des surplus d’inventaire chez certains vignerons, qui ne sauront quoi faire de tout le fruit de leurs vignes.
Un bon baromètre de cette situation est sans doute Fabien Gagné, des Vignobles Saint-Rémi, en Montérégie. Ne cherchez pas ses bouteilles de vin; il n’en produit pas. Sa spécialité est de cultiver uniquement du raisin de qualité qu’il produit à forfait pour d’autres vignobles. Avec neuf hectares de vignes, il est l’un des plus gros viticulteurs du Québec. Il remarque que ses clients ne se bousculent plus.
Le viticulteur est toutefois loin de paniquer. « Ça semble évident que c’est une conjoncture économique. C’est temporaire. On va être comme ça un an ou deux et ça va revenir », assure-t-il.
Le vigneron Matthieu Beauchemin, qui est président du Conseil des vins du Québec, fait état d’une récolte au-dessus de la moyenne pour l’ensemble de ses membres, et ce, en raison notamment d’un hiver plutôt clément et de l’absence générale de gel printanier. « Il y a plus de raisins à vendre, et ceux qui avaient tendance à en acheter n’en ont plus besoin. Il y aura un ajustement de prix des raisins », dit-il, rappelant aussi que les vignerons québécois ont doublé leurs superficies de vignes, au cours des cinq dernières années, atteignant 1 000 hectares.
Trop de raisins?
Nicolas Pomerleau, copropriétaire du vignoble Coteau Saint-Paul, anticipe une récolte de 40 % plus élevée que celle de l’an dernier. Par contre, celle-ci avait été mauvaise. Les vendanges de 2024 devraient donc être d’environ 10 % plus généreuses que la moyenne chez lui. Les discussions sur des groupes de vignerons le laissent entrevoir des surplus de raisins qui pourraient se gaspiller dans certains vignobles.
À l’île d’Orléans, Louis Denault, copropriétaire du Vignoble Sainte-Pétronille, reconnaît qu’il y a beaucoup de raisins de cuve sur le marché. Il fait toutefois remarquer que les choix de cépages ont aussi une incidence. « Ce qui est à vendre, c’est toujours la même sorte, du Frontenac. C’est bizarre, tu ne vois pas de Chardonnay ou du Pinot à vendre. À un moment donné, il faudra arrêter de planter des cépages avec beaucoup de sucre et d’acidité que le client ne demande pas nécessairement », dit le vigneron sous régie biologique, qui réussit bien avec certains cépages de type Vitis vinifera.
Un bon millésime en vue
Bonne nouvelle, il n’y a pas que les rendements qui sont élevés cette année; la qualité aussi. « Le taux de sucre et la maturité des fruits sont excellents. Avec les belles températures de fin de saison que nous avons, l’acidité est plus basse et l’équilibre est très intéressant », précise Matthieu Beauchemin, président du Conseil des vins du Québec. Cela le laisse croire qu’un surplus de production de ce raisin de qualité pourrait être très apprécié, surtout qu’il n’est jamais impossible de connaître une mauvaise récolte, l’an prochain.
À Saint-Paul-d’Abbotsford, en Montérégie, le vigneron Nicolas Pomerleau collecte les données avec précisions et il anticipe aussi une très grande qualité de raisin. « Ici, on va certainement finir dans le top 3 des meilleures accumulations de degrés-jour. Au niveau de la pluie, oui, on a eu de gros coups d’eau, mais pas tant de journées de pluie, donc une meilleure qualité phytosanitaire de la vendange. Combiné avec la chaleur, on va avoir du raisin présentant d’excellentes propriétés organoleptiques, avec de l’aromatique plein les papilles. 2024 sera un très bon millésime! » prévoit-il.
Des bouteilles à conserver
Ces nombreuses journées de septembre affichant des mercures entre 25 et 26 °C sont reçues comme un miracle par le vigneron Louis Denault, ce qui offrira un mûrissement final dans les règles de l’art à cette récolte généreuse. « 2024, ça pourrait être des bouteilles à conserver », laisse-t-il entendre.
Les ventes se corsent pour certains vignerons
De janvier à la fin août 2024, les vins québécois ont enregistré une croissance de 8,6 % des ventes à la Société des alcools du Québec (SAQ) comparativement à une croissance de 2,2 % pour les vins étrangers. « Ça va bien! Les mousseux et les rosés du Québec se sont particulièrement démarqués », dit Linda Bouchard, aux relations de presse de la SAQ.
Sauf que les ventes de vin en épiceries et en restaurants ont diminué, mentionnent plusieurs intervenants, et certains vignerons sont aux prises avec des stocks qui grossissent et des liquidités qui maigrissent.
Certains jeunes vignobles et ceux qui ont opté pour la stratégie d’investir significativement à la suite des années d’or de 2020 et 2021 se retrouvent avec des liquidités particulièrement sous tension présentement. Sans que ce soit généralisé, le président de l’association des vignerons constate que « l’étau se resserre » par endroits. Quelques-uns pensent vendre ou retardent leur projet d’expansion, indique-t-il.
Le jeune vigneron Nicolas Pomerleau note une réelle tendance des épiceries à diminuer leurs stocks de vin québécois. À sa grande surprise, deux ont laissé tomber ses produits. « Ça ne m’était jamais arrivé avant! » lance-t-il. Malgré tout, ses ventes sont légèrement en hausse. « Je continue, je fonce, je suis très proactif avec les épiceries, les restos, la SAQ et je finis par tout vendre parce que je me démarque par la qualité, mais c’est plus dur », dit celui qui a par ailleurs diminué ses prix sur ses produits haut de gamme pour les rendre plus accessibles.