Ma famille agricole 13 septembre 2024

Pour sauver les abeilles de leur fin du monde


PORT-CARTIER – Unissant leur passion pour l’histoire des Vikings à celle de l’élevage des abeilles et de la fabrication du miel, Geneviève Desrochers et Sébastien Jean ont fondé la Ferme Ragnarüches. Leur objectif? Contribuer à sauver les abeilles de leur ragnarök, un mot qui, dans la mythologie nordique, réfère à la fin du monde.

Sébastien Jean et Geneviève Desrochers ont fondé la Ferme Ragnarüches en 2020, à Port-Cartier. Avec le miel de leurs abeilles, dont les ruches sont disséminées à 90 km à la ronde, ils fabriquent du miel de fleurs sauvages boréales, ainsi que du miel de bleuet, un produit qui reflète bien le terroir de la Côte-Nord, où les bleuets sont partout.

Quand est venu le temps de choisir le nom de leur entreprise, ils ont inventé un mot, en jumelant le mot ragnarök, qui réfère à la fin du monde dans la mythologie nordique, avec le mot ruches. « C’est aussi un clin d’œil au fait que les Vikings ont visité et même habité la Côte-Nord, bien avant que Jacques Cartier n’arrive ici. Un jour, on aimerait créer un centre d’interprétation où on raconterait cette histoire méconnue », dit Sébastien Jean, qui est également technicien en transformation minière chez ArcelorMittal.

« Pour l’instant, j’ai conçu plusieurs documents pour sensibiliser les gens à la sauvegarde des abeilles. Il y a tellement de faussetés qui se disent! Plus de 90 % des gens ne savent pas reconnaître une abeille », dit Geneviève Desrochers, qui travaille également au Musée régional de la Côte-Nord.

Dans le but de réaliser ce projet de ferme, l’apicultrice a suivi un programme d’études en exploitation de verger nordique, tandis que son conjoint a étudié en exploitation d’entreprise apicole. 

Pour l’instant, le seul miel monofloral produit par la Ferme Ragnarüches est le miel de bleuet.

Une ancienne caserne de pompiers

Après avoir cherché longtemps une terre et un bâtiment pour installer leur miellerie, ils ont fini par acheter l’ancienne caserne de pompiers de Port-Cartier, qui est devenue leur quartier général. C’est là que l’extraction, la mise en pots et la vente du miel s’effectuent. 

« Notre miel est à peine filtré, seulement pour enlever les plus gros morceaux de cire. Il contient encore des traces de cire et de pollen, et n’est ni pasteurisé, ni chauffé non plus, ce qui préserve les saveurs. On est très fiers de la qualité du produit qu’on offre », dit Geneviève Desrochers.

Dans la cuverie, du vin de bleuet repose dans les fermenteurs. « Une certaine quantité sera vieillie en fût de chêne américain. On a aussi fait des tests d’hydromel, et d’autres avec du mezcal, auquel on a rajouté du miel. On essaie toutes sortes de choses », dit Sébastien Jean, qui espère obtenir son permis de fabrication d’alcool à l’automne.

Sébastien Jean considère avoir beaucoup de chance d’avoir trouvé le terrain où il cultive ses ronces arctiques, puisqu’il y a peu de terres défrichées sur la Côte-Nord.

On veut contribuer à protéger les abeilles de leur ragnarök, de leur fin du monde.

Sébastien Jean

Petits fruits

Les apiculteurs, qui prêtent leurs ruches à différents producteurs agricoles et producteurs de bleuets de la région pour favoriser la pollinisation, se sont également lancés en production de petits fruits. Depuis trois ans, ils ont implanté 4 500 plants de ronce arctique sur leur terre, dans le cadre d’un projet expérimental visant à développer une régie de culture pour ce petit fruit, habituellement récolté à l’état sauvage sur la Côte-Nord. Durant quelques années, des tests de paillis, de fertilisation et d’irrigation seront réalisés.

« Éventuellement, on aimerait réussir à faire un miel monofloral de ronce arctique, ainsi que des produits alcoolisés à base de ce fruit », dit le producteur.

Parmi les fleurs butinées par leurs abeilles se trouvent l’épilobe, l’épervière des prés, l’immortelle et le cerisier de Pennsylvanie, qui donnent son goût unique au miel de la Côte-Nord. Pour l’instant, le seul miel monofloral produit par la Ferme Ragnarüches est le miel de bleuet.

« Au début, on pensait que les abeilles butineraient le thé du Labrador, mais finalement, les tests scientifiques ont démontré que non. Les abeilles n’aiment pas du tout cette plante, et préfèrent se laisser mourir de faim plutôt que d’y toucher », raconte Geneviève Desrochers.   

Fait maison

S’approvisionner en eau douce est un réel enjeu sur la Côte-Nord. Sur la terre qu’ils ont achetée en bord de mer, Sébastien Jean et Geneviève Desrochers ont conçu leur propre système de ravitaillement d’eau. « Il y a une mare d’eau au fond du terrain. Pour y tirer de l’eau, on a installé un système de tuyaux, alimenté par une pompe que je branche sur ma voiture électrique, puisqu’autrement, on n’a pas d’électricité. L’eau se stocke dans un réservoir, placé en hauteur, et ensuite, juste par gravité, je peux l’utiliser pour irriguer le champ », explique Sébastien Jean. 

Le couple a conçu son propre système d’approvisionnement d’eau destiné à l’irrigation des cultures.

Le bon coup de l’entreprise

Trouver le bâtiment où ils allaient installer la miellerie, puis le terrain pour implanter leur verger nordique, est réellement ce qui a permis à l’entreprise de prendre son envol, expliquait Sébastien Jean. « Ce n’est pas facile de trouver des terres sur la Côte-Nord, et même du côté des bâtiments, il n’y a pas grand-chose à vendre. On a beaucoup cherché. Pour la miellerie, on voulait quelque chose au bord de la route, et c’était très difficile à trouver. Finalement, on s’est rendu compte qu’au lieu de louer un bâtiment, si on achetait l’ancienne caserne de pompiers, on aurait assez de place pour centraliser nos activités. En plus, les commerces adjacents sont nos locataires. Ils nous paient un loyer, tout en attirant de la clientèle. » M. Jean considère avoir beaucoup de chance également d’avoir trouvé le terrain où il cultive ses ronces arctiques, puisqu’il y a peu de terres défrichées sur la Côte-Nord. 

Une ruche située près d’une talle d’épilobe, cette fleur mauve mellifère typique de la Côte-Nord.
Fiche technique
Nom de la ferme :

Ferme Ragnarüches

Spécialité :

Miel

Année de fondation :

2020

Noms des propriétaires :

Geneviève Desrochers et Sébastien Jean

Nombre de générations :

1

Superficie en culture :

200 mètres carrés

Cheptel :

45 ruches

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