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GRANBY – Après avoir vendu des centaines de milliers de plants de vigne destinés à la production de raisins de table, partout au Québec depuis 15 ans, Caroline Fontaine pousse le concept à un autre niveau. Elle veut doubler sa production à près de 200 000 vignes tout en se lançant dans l’agrotourisme, c’est-à-dire de produire ses propres raisins de table afin de faire connaître à la population le goût d’une culture locale.
Lors du passage de La Terre à sa ferme de Granby, en Estrie, la fondatrice de Vignes chez soi était fébrile en regardant ses vignes bien chargées de grappes de raisins rouges, bleus et verts.
L’agricultrice n’est pas la première à produire du raisin de table pour le grand public. La différence, c’est le nombre de variétés qu’elle offre, soit une trentaine, dont quelques raretés pour collectionneurs. Questionnée sur les variétés les plus populaires, la productrice nomme la variété Somerset, à l’arrière-goût de fraise. « Et la fraise, tu la goûtes vraiment », assure-t-elle, avant d’effleurer Brianna, un raisin vert au goût d’ananas tropical, et son coup de cœur, le Siegerrebe, un raisin rouge au goût de litchi.
« Beaucoup de gens ne connaissent pas encore le raisin produit au Québec. Ce que je veux faire, c’est comme une vitrine, que les gens goûtent, que ça devienne éducatif. Car on ne peut pas comparer les raisins vendus en épicerie provenant du Chili ou de la Californie à ce qu’on fait ici. Eux, c’est du raisin plus gros, alors qu’ici, ce sont de petites billes qui ont beaucoup plus de saveur », explique Caroline Fontaine.
Un parcours de combattante
Quand elle a décidé qu’elle voulait se spécialiser dans la production de vignes de raisins de table en 2009, des gens du milieu agricole lui ont dit : « Des raisins de table, de quoi tu parles? »
Son oncle, Alain Breault, spécialisé dans la production de raisins de cuve, destinés à la production de vin, l’a encouragée tout en lui indiquant qu’elle serait la première et qu’elle devrait ainsi créer son propre marché.
Son objectif initial était de vendre uniquement les plants et non les raisins. « J’ai commencé avec 5 000 plants, que je vendais un à un dans les marchés publics, en faisant goûter les raisins que les plants donnaient. Je voulais me rendre un jour à 100 000 plants. Je voyais grand! » raconte l’agricultrice.
En 2017, elle a frappé dans le mille en proposant un trio de vignes de raisins de table de couleurs rouge, bleu et vert. Avec des présentoirs à son image et des emballages de produits originaux. Les médias ont parlé de son entreprise abondamment. Sa production a alors augmenté à 50 000 plants. « Il a fallu que j’engage de la main-d’œuvre, que j’aille emprunter pour la production. C’étaient de gros sous pour moi, car je vivais en appartement. J’avais confiance en mon projet et je me suis dit : ‘‘Advienne que pourra!’’ »
Les grandes enseignes, comme Canac et Patrick Morin, ont accueilli ses produits avec enthousiasme. Mais le personnel des succursales n’avait pas toujours le pouce vert, et Caroline arrivait parfois sur place avec la triste scène de ses plants tous morts de soif dans les présentoirs. « Quand je voyais ça, ça me créait beaucoup d’anxiété. Au début, j’avais beaucoup de pertes. On s’est cassé un peu les dents. Il a fallu s’adapter! »
En 2019, la bannière Canadian Tire décide de vendre ses produits dans tous ses magasins. Elle retourne chercher du financement et grimpe sa production à un peu plus de 90 000 plants. Quelques mois plus tard, l’inquiétude succède à l’euphorie. Un grand nombre de magasins annule ses commandes en raison de la pandémie.
Finalement, en 2023, elle accroît sa mise en marché avec une percée dans l’Ouest canadien. « La réception est super bonne. La majorité des clients là-bas ont recommandé cette année », se réjouit Mme Fontaine.
Aujourd’hui, sa serre produit près 100 000 plants et son chiffre d’affaires atteint les projections qu’elle espérait il y a six ans. « Mon entreprise se porte bien, mais tout n’est pas gagné. Les taux d’intérêt, on les sent aussi », nuance-t-elle.
Si c’était à refaire
L’innovation est l’une des priorités pour la femme d’affaires, qui se tient à l’affût des variétés de vignes développées par les universités américaines. Dans sa propriété de huit hectares, elle effectue aussi des essais de cépages afin de déceler les plus productifs et les moins maladifs pour le Québec. « Notre objectif, c’est que ceux qui plantent nos vignes récoltent du raisin et que ça marche. On fait beaucoup de service après-vente pour accompagner les gens, en leur envoyant un courriel au moment où ils doivent tailler leur vigne et comment le faire, etc. »
Après toutes ces années à diriger seule son entreprise dans une culture émergente, si elle avait la chance de revenir dans le passé, que ferait-elle? « Parfois, c’est lourd, le fardeau de te demander si tu prends la bonne décision pour ton entreprise. Je me suis bien entourée, mais si c’était à refaire, j’aurais dû me dire que ça ne donne rien de se stresser, et j’aurais dû me répéter : ‘‘Hey Caroline, prends ça chill!’’ »
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