Environnement 11 septembre 2024

Des serriculteurs inquiets face à la tarification fédérale du carbone

Le débat sur le projet de loi C-234 visant à ajouter des exemptions à la taxe carbone fédérale pour les fermes utilisant du gaz naturel et du propane promet de refaire surface lors de la prochaine session parlementaire. Si ce projet de loi est adopté dans sa forme initiale, des producteurs en serre québécois craignent de voir la compétitivité de leur entreprise minée. Le cabinet du ministre Lamontagne ferme toutefois la porte à des exemptions sur la tarification carbone pour les producteurs en serre au Québec. 

Sylvain Terrault

Ailleurs qu’au Québec, les serriculteurs canadiens qui utilisent du gaz naturel et du propane pour chauffer leurs bâtiments ou faire pousser des végétaux sont exemptés à 80 % de la taxe carbone fédérale depuis 2019. Le projet de loi C-234, déposé à la Chambre des communes en février dernier par un député conservateur de l’Ontario, vise à bonifier cette exemption à 100 % pour les fermes qui utilisent du gaz naturel ou du propane pour sécher des grains ou pour chauffer des bâtiments. Étant donné que le Québec exploite un système indépendant de tarification du carbone, nommé système de plafonnement et d’échange de droits d’émission de gaz à effet de serre (SPEDE) depuis 2013, le projet de loi ne s’y applique pas. 

500 000 $ par année au SPEDE

Sylvain Terrault cultive 35 ha de transplants, de tomates, de laitues, de concombres biologiques et de poivrons biologiques en serre à travers le Québec. Le producteur verse 500 000 $ par année à Energir comme contribution au SPEDE et craint de voir tripler sa facture dans les six prochaines années pour atteindre 1,5 M$ annuellement. 

Conséquemment, le copropriétaire de Cultures Gen V devra augmenter ses prix sur les étals, ce qui minera sa compétitivité par rapport aux produits en serre ontariens, notamment.

Si l’Ontario, qui a dix fois plus de [superficies de] serres que nous autres au Québec, se retrouve demain matin à avoir [20 % de plus] d’exemption de taxes, que nous on paye à 100 %, j’ai un malaise parce qu’ils sont sur la même tablette que moi chez Metro et chez IGA.

Sylvain Terrault, producteur en serres

Julie Paillat, coordonnatrice nationale de l’industrie de la culture maraîchère en serre aux Producteurs de fruits et légumes du Canada, a estimé à 29 M$ par année le coût des 20 % de la taxe carbone payés en ce moment par les producteurs en serre canadiens. En dehors du Québec, le prix fédéral du carbone augmente annuellement de 15 $ la tonne équivalent CO2 ($/t éq. CO2). Il passera donc de 20 $ en 2019 à 170 $/t éq. CO2 en 2030.

Julie Paillat

Mme Paillat mentionne que le Québec est la seule région productrice de serres commerciales qui n’a pas d’exemption spécifique aux serres dans son système de tarification du carbone.

Le Québec tout de même concerné par le projet de loi C-234

Le député conservateur de Beauce, Richard Lehoux, mentionne que si la taxe carbone ne s’applique pas au Québec pour les aliments produits au Québec, elle affecte certainement les producteurs et consommateurs. « Le transporteur qui part du sud-ouest de l’Ontario et qui va livrer des fruits et légumes du côté du Québec, lui, son coût de transport, il l’a facturé quelque part. Quand on dit que ça ne s’applique pas au Québec, je m’excuse, mais on n’est pas autosuffisants dans tout au Québec, alors tout ce qu’on importe des autres provinces canadiennes, on est impactés directement », fait-il valoir. De plus, poursuit le député, la totalité du gaz naturel et du propane utilisés au Québec est importée de l’Ontario et de l’Ouest canadien. « Pour avoir parlé aux grands distributeurs de propane au Québec, la plupart l’achètent à Sarnia en Ontario et ils vont payer cette taxe [carbone] quand ils vont l’acheter, alors, c’est utopique de penser qu’ils ne refilent pas la facture », dit-il.



Pas d’exemption à Québec

Le cabinet du ministre de l’Agriculture, André Lamontagne, soutient que l’augmentation de la taxe carbone du fédéral n’a pas d’effet sur le prix du système québécois. « Contrairement à l’approche du Canada, le SPEDE ne prévoit pas d’exemption du coût sur le carbone pour l’usage de carburants sur les activités agricoles », mentionne-t-on. Les revenus générés par le SPEDE retournent aux entreprises agricoles sous forme d’aides pour accroître l’efficacité énergétique, réduire les besoins en énergie fossile, accélérer l’adoption des énergies renouvelables et soutenir la recherche et le développement. Le gouvernement a aussi soutenu les entreprises serricoles en offrant des rabais d’électricité dans le cadre de la Stratégie de croissance des serres 2020-2025.

Rappelons que le ministre de l’Environnement, Benoit Charrette, a annoncé, en juin, qu’un montant de 82 M$ du Fonds d’électrification et de changement climatique, communément appelé Fonds vert, sera retourné aux producteurs. Ces derniers y contribuent par l’entremise de la tarification carbone provinciale. 

Le producteur ornemental Hervé Barjol prédit que la somme de 82 M$ sera répartie dans différents programmes. « Moi, ce que je voudrais, c’est une aide plus directe », affirme-t-il.