Ma famille agricole 4 septembre 2024

Deux générations enracinées dans les vignes


SAINT-URBAIN-PREMIER – Contrairement à plusieurs familles agricoles, où la première génération transfère son legs à la suivante, c’est un peu l’inverse qui s’est produit chez les Cortellino. C’est la fille de Joseph, Sophie, qui a incité son père à démarrer avec elle un vignoble pour perpétuer leur passion commune pour le vin.

Originaire de la région des Pouilles, en Italie, Joseph Cortellino a toujours aimé produire son vin de table, comme le font de nombreuses familles italiennes, spécifie-t-il. C’est d’ailleurs pour planter quelques vignes qu’il a acheté une fermette à Saint-Urbain-Premier en 1987, où il s’est installé avec son épouse, Diane Durocher, et leurs cinq enfants.

Après les vendanges, Yannick Poissant passe une bonne partie de son temps dans le chai, aménagé au frais, dans le sous-sol de la maison du vignoble, pour le processus de vinification.

« Je voulais juste un bout de terre pas trop loin de mon travail pour me faire un petit jardin, mais le gars m’a dit qu’il n’y avait pas grand-chose de petit dans le coin et que je devais acheter la terre au complet », raconte celui qui était alors propriétaire d’une entreprise d’acier à Châteauguay. À l’époque, il demandait toujours à ses enfants de venir l’aider à éplucher le raisin et à l’assister dans la préparation du vin pour perpétuer la tradition. Il ne se doutait pas que sa fille Sophie développerait ainsi une passion qui l’amènerait à lui proposer, quelques années plus tard, de démarrer un vignoble sur la terre familiale. « Elle ne voulait pas que je prenne ma retraite. Elle m’a donc trouvé une autre job! » lance M. Cortellino.

En 2009, la famille est donc passée de 300 vignes cultivées pour le plaisir sur une infime partie de leur terre à 4 400 vignes de différents cépages sur 1,3 hectare.

C’était un gros changement, et on a tout planté à la pelle :  on n’était pas encore mécanisés. Des fois, on frappait une roche, ça résonnait pas à peu près.

Joseph Cortellino, vigneron

Aujourd’hui, le Vignoble Cortellino s’est mécanisé, modernisé et compte 4,5 d’hectares de vignes en culture. L’objectif est d’augmenter à 6 hectares et de passer de 16 000 à 22 000 vignes d’ici deux ans. « Avec un vignoble, il faut être patient, signale Sophie Cortellino, mais on continue à travailler et à investir pour pouvoir léguer une entreprise rentable à nos enfants », souligne-t-elle.

La fierté du vin rouge 

Lors du démarrage de l’entreprise, la famille s’est donné la mission de faire tomber les préjugés défavorables par rapport au vin rouge québécois. « Après plusieurs tests et sélections de cépages, ils estiment aujourd’hui être arrivés à des produits dont ils peuvent être fiers avec des cépages hybrides, dont le Marquette, le Petite Pearl et le Frontenac pour leurs vins rouges. « On arrive à un résultat équilibré et complexe, stable d’une année à l’autre », assure la vigneronne. Elle mentionne que leur production se distingue aussi par les spécificités du terroir, comme le sol et le climat, et par le savoir-faire qu’ils ont progressivement développé dans le travail de la vigne et la méthode de vinification.

La famille Cortellino s’attend à un millésime 2024 exceptionnel. Elle a même dû investir dans de nouvelles cuves pour transformer toute sa récolte. « La dernière fois qu’on a eu une aussi belle saison en quantité et en qualité, c’était en 2012 », souligne Sophie.

Ce processus s’échelonne sur au moins trois ans après la récolte, car le vin est vieilli au minimum un an et demi en barrique, et un an et demi en bouteille avant d’être vendu. C’est le conjoint de Sophie, Yannick Poissant – qui est « hyper méticuleux », signale cette dernière – qui s’est progressivement occupé de la vinification, accompagné par un œnologue. Sophie a la responsabilité de la gestion du vignoble, alors que ses parents donnent un coup de main aux champs, à l’accueil des clients ou encore… pour déguster le vin, ­plaisante M. Cortellino.

Ce dernier adore également rencontrer les visiteurs pour leur parler de son pays natal, qui teinte d’ailleurs l’architecture du vignoble. « Quand on fait goûter notre vin rouge, les gens sont surpris. Ils nous demandent notre secret. Des fois, je fais des jokes. Je dis qu’on le fait venir directement d’Italie ! En fait, il y a pas mal d’ouvrage derrière tout ça », admet-il en se tournant vers sa fille.

La tour à vent d’une hauteur de dix mètres permet de protéger les vignes des gels de manière plus constante et profitable à long terme, estime la famille. Photo : Gracieuseté du Vignoble Cortellino

La tour à vent d’une hauteur de dix mètres permet de protéger les vignes des gels de manière plus constante et profitable à long terme, estime la famille. Photo : Gracieuseté du Vignoble Cortellino

Le bon coup de l’entreprise

Le Vignoble Cortellino est implanté dans le sud-ouest de la Montérégie, au cœur d’une région plus chaude, où le bourgeonnement des vignes est hâtif. L’un de ses plus gros défis est donc de sauver les bourgeons des gels printaniers, plus fréquents avec les changements climatiques. Au départ, la famille faisait des feux pendant la nuit, une méthode très épuisante. Elle a ensuite eu recours à un hélicoptère, qui permet de souffler l’air ambiant vers les vignes pour les réchauffer. Très onéreuse, cette méthode a été abandonnée depuis l’achat d’une tour à vent d’une hauteur de dix mètres, qui permet de protéger les vignes des gels de manière plus constante et profitable à long terme, estime la famille.  

Sophie Cortellino estime que le défi est grand pour les agricultrices qui fondent une famille en même temps qu’une entreprise.

Sophie Cortellino estime que le défi est grand pour les agricultrices qui fondent une famille en même temps qu’une entreprise.

3 conseils pour… bâtir une entreprise en même temps qu’une famille

Revoir ses objectifs

Sophie Cortellino estime que le défi est grand pour les agricultrices qui fondent une famille en même temps qu’une entreprise, et qui n’ont bien souvent pas accès aux congés de maternité. « Juste faire rouler l’entreprise ou encore agrandir, ça prend du temps. Alors, il faut retarder un peu tous nos projets avec des enfants en bas âge. Sinon, c’est trop. Il faut accepter que ce soit un peu plus long d’amener l’entreprise à maturité », dit-elle.

Apprendre à lâcher prise

Une entreprise agricole demande beaucoup d’efforts et de temps. « Parfois, on se sent coupable parce qu’on ne s’implique pas assez avec les enfants. D’autres fois, on regrette de ne pas être là pour gérer l’entreprise ou s’occuper des employés. Peu importe où on est, on se sent coupable. Je pense donc que d’apprendre le lâcher-prise, c’est important. D’ailleurs, je suis en apprentissage continu par rapport à ça », confie la vigneronne.

Trouver son « X »

Certaines choses qui paraissent tout à fait logiques sur papier ne le sont pas toujours sur le plan humain. Selon Sophie Cortellino, être sur son X, c’est d’avoir le courage de suivre ce que nous dit notre corps ou notre cœur, même si la logique nous dit de faire le contraire. « Ça peut être parfois un choix déchirant, mais ça fait en sorte que tu restes fière de tes choix », affirme-t-elle.

Fiche technique
Nom de la ferme

Vignoble Cortellino

Spécialités

Culture de la vigne et production de vin

Année de fondation

2009

Noms des propriétaires

Sophie Cortellino, Joseph Cortellino, Yannick Poissant et Diane Durocher

Nombre de générations

2

Superficie en culture

Près de 5 hectares  (16 000 vignes)

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