Chronique CQPF 21 août 2024

De l’ensilage au fromage

Dans un contexte de marché mondial, la sécurité des aliments fait l’objet d’une attention accrue de la part de tous les acteurs de la chaîne d’approvisionnement alimentaire (consommateurs, gouvernements  et producteurs). Ce qui amène à une prise de conscience des enjeux pour la santé humaine et animale. L’Organisation des Nations unies pour l’alimentation et l’agriculture estime que près de 25 % des denrées alimentaires mondiales seraient contaminées par des quantités significatives de mycotoxines, qui seraient présentes, entre autres, dans les fourrages destinés à produire de l’ensilage. Avec l’accroissement considérable de la dimension des fermes laitières et conséquemment des volumes d’ensilages récoltés dans chacune de ces fermes, on cherche, pas toujours avec succès, à contrôler, voire à éliminer, les phénomènes indésirables et à favoriser les bons phénomènes. D’où l’utilisation des additifs pour améliorer la valeur nutritionnelle de l’ensilage et ainsi réduire les phénomènes indésirables causés par l’activité des Clostridium, la respiration des plantes et la protéolyse. Ce qui empêche, du même coup, la multiplication des levures et des moisissures. 

En effet, les ensilages et le lait contiennent un grand nombre de micro-organismes et certaines souches de bactéries ou spores peuvent passer de l’alimentation de la vache au lait cru. Et les conséquences peuvent être désastreuses pour la qualité et la rentabilité des produits transformés. Selon une étude datant de 2008, ces pertes sont dues principalement à la croissance de Clostridium lors de la maturation des fromages (pâtes pressées cuites et pâtes pressées non cuites), entraînant un gonflement de ces derniers.

Les micro-organismes présents naturellement sur les cultures fraîches lors de l’ensilage jouent un rôle crucial dans la stabilité et la valeur de ces aliments. La quantité et la qualité des épiphytes dans l’ensilage peuvent être influencées par différents facteurs tels que la température, l’humidité, le rayonnement solaire, la maturité des plantes, la durée du flétrissement et la contamination du sol (cendres) lors de la récolte. Les conclusions d’une autre étude, en 2017, ont montré que plusieurs bactéries retrouvées dans le lait étaient également présentes dans les ensilages et le foin dans une proportion d’environ  50 à 80 % et d’environ 60 à 70 % pour les espèces fongiques. Ces espèces fongiques productrices de mycotoxines peuvent se développer sur les plantes en plein champ. Cependant, certaines pratiques, dont la gestion du chantier d’ensilage, peuvent contribuer à la diminution des moisissures comme le Penicillium.

À l’Institut de technologie agroalimentaire du Québec, nos conseillers à la formation continue côtoient autant les producteurs que les transformateurs, et sur le terrain, ils constatent que le sujet est toujours d’actualité. Encore cette année, des fromageries québécoises de renommée internationale ont rencontré des difficultés avec le Clostridium. Plus que jamais, la collaboration entre producteurs et transformateurs est nécessaire afin de demeurer compétitifs.


Sources bibliographiques :

  1. Carole Lafrenière, Pascal Drouin et Hani Antoun, 2008. Les ensilages butyriques et la production fromagère. Université du Québec en Abitibi-Témiscamingue
  2. Denis Roy, Gisèle LaPointe, Yvan Chouinard, Robert Berthiaume et Thibault Varin, 2017. Comment l’ensilage et le lait cru influencent la qualité des produits laitiers. Novalait.
  3. Germain Lefebvre, Carole Lafrenière et Brigitte Lapierre, 2015. La conservation des ensilages : Nouvelles réalités, nouveaux outils. Colloque sur les plantes fourragères : 1-16.
  4. Mérilie Gagnon, Alexandre J.K. Ouamba, Gisèle LaPointe, P. Yvan Chouinard and Denis Roy, 2020. Prevalence and abundance of lactic acid bacteria and raw milk associated with forage types in dairy cow feeding. Journal of Dairy Science. 103: 5931-5946.
  5. Mérilie Gagnon et Alexandre Jules Kennang Ouamba, 2018. Le voyage des bactéries de l’ensilage jusqu’au fromage. Le producteur de lait Québécois : 14-17