Ma famille agricole 26 juillet 2024

Des pratiques inspirées d’ailleurs pour se démarquer ici

LÉVIS – Depuis le milieu du 18e siècle, les Gosselin se sont succédé sur un lopin de terre à l’ouest du chemin Vire-Crêpes, dans le secteur de Saint-Nicolas, à Lévis. Mais c’est grâce à la vision et à l’ingéniosité de Roland Gosselin, aujourd’hui âgé de 84 ans, que la ferme a pu prendre son élan dans les années 1970.

Roland Gosselin se cache à l’arrière du groupe pour la photo de famille. On a beau insister pour qu’il avance un peu et laisse la place aux plus grands à l’arrière, le doyen se dissimule dès qu’il le peut derrière sa fille Mireille. 

Il a pourtant joué un grand rôle dans cette entreprise qu’ont reprise Mireille et son conjoint Clément, en 1990. 

Septième de 12 enfants, Roland a pris la terre en charge lorsqu’il avait 22 ans. « C’est ma mère qui m’a poussé dans le dos », avoue-t-il devant le reste de la famille, surprise de son aveu. Alors que son père Albert avait quelques animaux, le jeune homme a décidé de se consacrer au maraîchage. 

Il a entrepris de cultiver les légumes de l’époque – carottes, patates, oignons, navets, etc. – qu’il vendait au marché à Québec, puis à un grossiste fournissant les épiceries. Il passait ensuite ses hivers en Floride, à North Miami, à travailler dans la construction. Sa femme, Lucille Aubin, et leurs deux filles l’accompagnaient. Il en a ramené une pratique populaire observée là-bas dans les champs de fraises et de tomates, mais encore absente ici : l’autocueillette.

Sarah Gosselin, enseignante au primaire, passe ses étés au kiosque pour aider sa famille.

Le succès de l’autocueillette

Au départ, ce type de vente à la ferme suscitait l’incrédulité. « L’agronome qui se promenait dans le coin se plaignait aux autres agriculteurs en disant : ‘‘Gosselin se fait tout briser ses champs de fraises [par les autocueilleurs].’’ Mais trois ou quatre ans plus tard, tout le monde en faisait », relate fièrement Roland.

Soixante ans plus tard, le chemin Vire-Crêpes vit au rythme de l’autocueillette : fraises, framboises, bleuets. Pour les Gosselin, ce succès leur a permis de concentrer leurs activités à la ferme, avec la vente de proximité.

Lorsqu’on se stationne au kiosque, on ne peut qu’être émerveillé par les immenses daturas qui bordent la maison familiale et leurs longues cloches parfumées suspendues aux tiges, tête vers le bas.

Lucille Aubin prépare les paquets de carottes cueillies le matin même.

Au tournant des années 2000, Mireille et Clément ont agrandi le kiosque et ont laissé tomber l’autocueillette de fraises au profit de la culture et de la vente de fleurs annuelles.

On voulait développer un autre champ d’activité, alors on a construit le complexe de serres.

Mireille Gosselin

Depuis 10 ans, cinq travailleurs étrangers les aident, et toute la famille participe d’une façon ou d’une autre. Lucille, la mère de Mireille, est toujours présente, travaillant à l’arrière de la boutique pour préparer des paquets de betteraves et de carottes. Les enfants de Mireille et Clément sont aussi dans les parages. Même Sarah, la plus jeune, enseignante au primaire, passe tous ses étés à la ferme.  « J’aime ça, venir ici. Je le vois comme une occasion de passer du temps avec ma famille », avance-t-elle.

Les huit Gosselin présents ont tous les yeux bleus. La petite Charlotte aussi, âgée d’un an, qui, tout sourire, enlève le chapeau de son arrière-grand-père Roland. 

À 59 ans, Mireille et Clément se donnent encore dix ans avant de passer le flambeau à leurs enfants ou de vendre l’entreprise. À l’instar de nombreuses fermes, la relève est un sujet complexe. Marc-André et Sarah seraient sans doute intéressés, mais leurs parents sont hésitants. « Une ferme maraîchère, ce n’est pas comme une ferme laitière. Il n’y a pas de quotas, alors financièrement, c’est plus stressant, et tu sais que tu ne veux pas mettre ton jeune dans la misère », explique Clément.

Et puis les propriétaires, qui forment une équipe à toute épreuve, savent qu’on n’est pas trop de deux pour gérer tout ça. « C’est un des plus beaux métiers du monde qu’on fait, mais c’est aussi un des plus durs », poursuit le producteur. En attendant de connaître le sort de l’entreprise, la ferme des Gosselin a de beaux jours devant elle.

Marc-André et son grand-père Roland Gosselin avec le moteur et la pompe attachés au système d’irrigation.

Marc-André et son grand-père Roland Gosselin avec le moteur et la pompe attachés au système d’irrigation.

Fait maison

Roland Gosselin a innové de plusieurs manières durant son règne. En plus de l’autocueillette, il est l’un des premiers à avoir testé la plasticulture dans ses champs de fraises. Pour l’installer, en 1978, il s’est inspiré d’une machine fabriquée en Californie, où il s’était rendu. « J’ai pris des photos et refait la machine ici », souligne-t-il. C’est aussi à lui que l’on doit le système d’irrigation souterrain. Deux lacs alimentent la ferme à l’aide d’un moteur que Roland a d’abord modifié pour pomper l’eau et la distribuer dans les champs. Clément et Mireille ont depuis changé le moteur et étendu le réseau souterrain.  « La municipalité a voulu acheter un des lacs, mais je n’ai pas voulu. L’eau est belle. On n’en manque jamais, ici », affirme Roland.  

Mireille et Clément Gosselin se félicitent d’avoir aménagé un complexe de serres pour cultiver des fleurs annuelles, qui représentent désormais la moitié des revenus de la ferme.

Le bon coup de l’entreprise

Se lancer dans la production et la vente de fleurs annuelles au tournant des années 2000 est une décision que les propriétaires ne regrettent pas. « Un oncle qui était à Sept-Îles et qui vendait des fleurs me disait tout le temps : ‘‘Clément, fais des fleurs; c’est plus payant!’’ Et j’ai fini par faire un complexe de serres », raconte le producteur. Vingt ans plus tard, les fleurs représentent la moitié des revenus de la ferme. Ayant déjà une clientèle qui fréquentait le kiosque pour les légumes, il a été facile de lui proposer de nouveaux produits qu’elle a tout de suite adoptés. « Ça nous assure aussi de ne pas mettre tous nos œufs dans le même panier », indique Mireille. Leur fille Stéphanie, qui travaille pour l’entreprise de semences Norseco, est aux premières loges pour connaître les tendances horticoles et leur propose chaque année des nouveautés.

Fiche technique
Nom de la ferme

Ferme Mireille et Clément Gosselin

Spécialités

Légumes et fleurs annuelles

Année de fondation

Milieu du 18e siècle

Noms des propriétaires

Mireille et Clément Gosselin

Nombre de générations

8

Superficie en culture

75 acres (30 hectares)

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