Yannick Vallée, alias le Maître Poulier, est devenu, en quelques années, le seul éleveur commercial de Chantecler, contribuant à perpétrer la seule volaille ancestrale du Québec.

« Je me suis un peu emporté », avoue candidement Yannick Vallée, dit le Maître Poulier, qui vend 1 300 poussins Chantecler par an, lorsqu’on lui demande quelques chiffres sur son élevage… Pas mal pour un gars qui souhaitait, au départ, simplement répondre à ses besoins personnels en œufs et en poulet. 

Tout a commencé quand ce natif de Rimouski cherchait une volaille à deux fins pour assurer son autosuffisance. C’est au cours de ses recherches qu’il découvre la Chantecler. « Non seulement elle a deux fins, mais c’est notre poule patrimoniale, explique-t-il. En plus, leur poulailler n’a pas besoin d’être chauffé! C’est plus simple à bâtir et moins de coûts! » 

C’est, en effet, pour simplifier la vie des gens que le révérend frère Wilfrid, de la Trappe d’Oka, a développé, par croisement, à partir de 1908, la fameuse Chantecler, laquelle est protégée depuis plus de 20 ans par une loi de l’Assemblée nationale. En plus d’avoir une bonne quantité de chair, elle peut pondre en hiver et elle est dotée de petits barbillons et d’une petite crête, qui ne gèlent pas au froid. 

Pour élever ses poules, Yannick Vallée s’est installé à Saint-Calixte, dans Lanaudière, après avoir terminé ses études en génie, à Montréal. D’une production de subsistance en 2016, il a commencé à vendre des poussins aux particuliers en 2019. Il élève présentement 215 poules et ses clients font jusqu’à deux heures de route pour venir chercher leurs poussins. L’éleveur tire toutefois le plus gros de ses revenus de la vente d’œufs aux particuliers, mais également à des épiceries fines et à des restaurants. 

Il est, à l’heure actuelle, le seul éleveur commercial, ce qu’il déplore. « Il y avait Amélie Brien, qui vendait des poulets aux restaurants, mais elle a fermé », rapporte-t-il. L’éleveuse, qui a bénéficié d’un droit spécial de production, a effectivement fermé boutique, en 2018, pour cause d’infection parmi ses volailles. 

Pour ce qui est d’assurer le redéploiement des productions commerciales, les défis sont nombreux, selon Yannick Vallée. Si certains ajustements seront à faire, des pistes émergent.

Car la demande est là. En matière d’œufs, Yannick Vallée peut en témoigner : « Je ne suffis pas à la demande, explique-t-il. Je livre par exemple 60 douzaines d’œufs à l’épicerie fine Agneaux de Laval et tout part en 48 heures. » 

Comme producteur, il arrive cependant tout juste à faire ses frais. « Je voulais que ce soit un hobby qui ne me coûte rien. J’y parviendrai cette année », rapporte-t-il. Il vise à doubler sa production l’an prochain, en élevant 500 poules et en vendant 7 500 douzaines d’œufs.

En plus de s’occuper de la production et de la vente, celui qui travaille de jour comme ingénieur informatique a pris soin de produire des vidéos didactiques pour transmettre les rudiments de l’élevage des Chantecler. « Je voulais contribuer, à ma façon, à la préservation de la race », dit-il. 

Poule Chantecler de l’abbaye de Notre-Dame-du-Lac, en 1926.

Le saviez-vous ?!

• La poule Chantecler a été développée par croisement grâce aux bons soins du révérend frère Wilfrid, de la Trappe d’Oka. De 1908 à 2016, il croisa notamment des Leghorn blanches, des Cornish foncées et des Wyandotte blanches pour obtenir, après une vingtaine de générations, la fameuse poule Chantecler dont il rêvait. Le Frère Wilfrid a écrit de nombreux ouvrages sur le sujet, dont l’ouvrage de vulgarisation Pour avoir
de bonnes pondeuses
.

• Une association d’éleveurs a été mise sur pied en 2018, afin d’adopter des règlements d’élevage.

• Pesant entre 2,5 et 3,9 kilos, elle est dotée d’une viande goûteuse. Comme c’est une race rustique, sa chair est plus ferme que le poulet industriel. En gastronomie, on l’apparente aux poules d’appellations françaises comme la poule de Bresse. Il faut donc la cuire lentement ou à l’étouffée pour que sa chair soit tendre.

• La volaille Chantecler a notamment été servie au restaurant de l’hôtel Reine Élizabeth, à Montréal.

• Au milieu du 20e siècle, la spécialisation de l’industrie dans l’élevage – soit pour la ponte, soit pour la chair – a eu vite fait de remplacer cette race, qui ne représentait pas la spécification de haute performance de l’un ou de l’autre, mais la capacité moyenne des deux secteurs.

• La poule Chantecler, comme le bovin Canadien et le cheval Canadien, est reconnue par l’Assemblée nationale depuis 1999 par la Loi sur les races du patrimoine agricole du Québec comme l’une des trois races patrimoniales de la province.