Plantes fourragères 5 juillet 2024

Quand les « mauvaises herbes » peuvent devenir nos amies

Il faut travailler avec ce que l’on a : c’est ce à quoi se résume la pensée de l’agronome Vincent Chrétien, qui a présenté les réalités bien différentes de deux fermes à l’occasion de la tournée des plantes fourragères organisées par le Centre de référence en agriculture et agroalimentaire du Québec et le ministère de l’Agriculture, des Pêcheries et de l’Alimentation du Québec en Abitibi-Ouest, le 6 juin dernier. 

À la Ferme Micar, qui produit des fourrages pour un troupeau de vaches-veaux de 210 têtes, on n’utilise ni insecticide, ni herbicide. Le fumier est utilisé pour fertiliser la terre. L’agronome croit donc que les plantes qui pourraient ailleurs être considérées comme des mauvaises herbes — alpiste roseau, chiendent, vesce jargeau —, sont ici des « amies ». 

« On commence à niveler les terres, mais la plupart des terres ne sont pas drainées encore. Donc l’alpiste roseau est notre ami, explique-t-il. Il est capable de prendre l’humidité du sol lorsqu’on a des problématiques, par exemple, d’implantation ou de sécheresse, comme ­l’année passée. Ces plantes-là sont déjà là. Le chiendent est très bénéfique au niveau de nos gros troupeaux de vaches à bœuf. »

C’est une plante qui est haute en énergie. Fauchée de bonne heure, ça fait aussi une bonne protéine. Nos plantes fourragères sont là quand même, mais ce surplus ­d’alpiste roseau et de chiendent va amener plus de rendement.

Vincent Chrétien, agronome

Le propriétaire de la ferme, Mickaël Roy, est par ailleurs satisfait de l’implantation du millet japonais. « On a semé du millet japonais et 60 % de mil et 40 % de lotier, et ça s’est quand même bien implanté, soutient celui qui voit un gain en volume et en rendement. L’ancien ­propriétaire ne semait que du trèfle rouge avec du mil. En balles rondes, les vaches n’aiment pas ça, elles laissent pratiquement tout le trèfle dans les mangeoires. Et on avait beaucoup de problèmes de ballonnement, tandis qu’avec du lotier, on n’en a pas du tout. »

L’agronome Vincent Chrétien tient un quadra d’un champ, constitué d’un mélange de 60 % de mil et 40 % de lotier à la Ferme Micar, à Sainte-Germaine-Boulé.

Vincent Chrétien ajoute qu’il faut aussi travailler avec les équipements qui sont disponibles à la ferme. À la Ferme Micar, où il y a peu d’équipements spécialisés, le millet japonais était un choix judicieux comparativement, par exemple, au maïs, que l’on peut cultiver dans une ferme où 95 % des terres sont drainées, 75 % sont nivelées et où l’on applique de la chaux corrective tous les ans, comme à la Ferme des Pics, à Palmarolle. Ce travail du sol, notamment la correction du pH, permet d’y cultiver un mélange de 75 % de luzerne et de 25 % de mil. Pour l’agronome, les fermes laitières ont aussi plus de marge de manœuvre sur le plan financier.

« Oui, une ferme laitière a plus les moyens qu’une ferme bovine. Par contre, avec les hausses de prix de machinerie, de taux d’intérêt, de fuel, de la main-d’œuvre, les producteurs de bœufs commencent à y penser de plus en plus. Les gars sont de plus en plus conscientisés par leurs coûts de production, nuance Vincent Chrétien. On veut valoriser les équipements qu’ils ont à la ferme. C’est là qu’il faut penser à des plantes comme le millet japonais, qui, à la première année d’implantation, va donner un gros volume, et les années subséquentes, c’est la plante en-dessous, le mil, le trèfle, le lotier, qui va s’implanter. »