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Depuis près de deux décennies, Mario Duchesne se bat pour préserver et assurer l’avenir de la vache Canadienne en développant une vision commune, un combat qui n’est pas de tout repos. La vache renaîtra-t-elle de ses cendres? Le salut pourrait provenir des avancées génomiques.
Si la vache Canadienne a dominé les élevages de bovins jusqu’au début des années 1800, elle a ensuite été de plus en plus menacée et elle doit sa survie à plusieurs passionnés. Parmi eux, on compte Mario Duchesne, qui travaille à l’Association de mise en valeur de la race bovine Canadienne (AVRBC) depuis près de 17 ans et qui a notamment été séduit par son incroyable résilience.
Arrivée en 1608 avec les premiers colons français, cette vache est le fruit de son adaptation, puisque seuls les animaux les plus forts ont su à la fois résister aux hivers québécois et aux conditions d’élevage éprouvantes, puis transmettre leurs gènes. « On lui donnait à manger la litière des chevaux, explique Mario Duchesne, dont le débit de paroles traduit une passion jamais assouvie pour l’animal. C’est intéressant de faire un parallèle avec les Québécois. Comme peuple, on se bat aussi pour préserver notre existence. Nous sommes encore là… et encore pertinents! Et elle aussi! »
Biologiste de formation, Mario Duchesne a fait plus ample connaissance avec l’unicité et les défis de l’animal au début des années 2000, lors d’un colloque sur l’avenir de l’agriculture de Charlevoix. À ce moment, l’idée a émergé parmi les participants de miser sur la vache Canadienne. La région ne comptait alors aucun élevage de ce type, mais M. Duchesne y voyait un potentiel. « Elle mange du fourrage et n’a pas besoin de maïs, qu’on ne cultive pratiquement pas dans la région », explique le Charlevoisien.
L’élevage et la production fromagère s’y sont déployés avec la Laiterie Charlevoix. Cela a donné lieu, en 2008, à la création de l’AVRBC, dont Mario Duchesne a été nommé directeur général. Au départ régionale, l’organisation s’est donné une mission provinciale en 2012. Il y avait beaucoup à faire, se souvient-il. « Certains éleveurs voulaient augmenter la productivité de la vache en la croisant; d’autres, la garder pure, explique-t-il. Il fallait développer une vision commune. Finalement, on a opté pour la garder pure, mais en s’assurant d’améliorer la sélection génétique. Le patrimoine, c’est important, mais on ne peut pas développer une production juste là-dessus. »
Pour faire des avancées en matière génétique, il s’est adjoint la complicité du chercheur Claude Robert, de l’Université Laval. Car, si elle ne fournit pas autant de lait que la Holstein, la vache Canadienne a su se démarquer par son lait. « Il a permis de produire certains des meilleurs fromages au Québec », rapporte Mario Duchesne.
Parmi eux se trouvait le 1608, de la Laiterie Charlevoix. Ironiquement, l’endroit a cessé d’utiliser le lait de Canadiennes pour produire ses fromages. Le troupeau de la région a été vendu à la Ferme Phylum, de Lévis, qui compte produire un nouveau fromage. D’autres projets d’élevage et de production sont également en cours dans Lanaudière et en Outaouais.
Quant à l’AVRBC, son rôle est appelé à évoluer vers un modèle s’apparentant à une table filière. « On va aller vers une mission de coordination avec les différents acteurs du secteur », précise celui qui agit désormais comme coordonnateur.
Quoiqu’il en soit, Mario Duchesne ne manque pas d’idées pour continuer d’assurer la survie de la race Canadienne. Il a entre autres en tête une solution inusitée pour pallier le peu d’éleveurs actuels : la création d’un fromage commun, avec un même cahier de charge… À suivre!
Le saviez-vous?
- La vache Canadienne se distingue par sa robe mordorée brune, fauve rousse et noire. Elle est aussi de plus petite taille que la Holstein.
- Elle est reconnue pour sa rusticité, sa frugalité, sa fertilité et sa facilité à mettre bas.
- Le lait est gras et protéiné, particulièrement approprié pour la production fromagère.
- On compte 1 200 vaches Canadiennes, dont 300 animaux pur sang. On compte moins d’une dizaine d’éleveurs sur une base commerciale, qui ont de plus de 10 vaches.
- Arrivée dans les tout premiers temps de la Nouvelle-France, la vache Canadienne a été très populaire jusque dans les années 1800.
- Elle a été graduellement menacée par l’introduction grandissante de races britanniques, avant d’être prise en main en 1883 par un noyau d’éleveurs.
- La menace est ensuite venue du développement de l’industrialisation. Dans les années 1970, on a cherché à en améliorer la productivité en la croisant avec la Suisse Brune et la Jersey.
Source : AVRBC
Une génétique plus diversifiée que la Holstein
En 2023, l’Université Laval a achevé une étude sur le profil génétique de la vache Canadienne sous l’égide du spécialiste de l’amélioration génétique Claude Robert, professeur au Département des sciences animales et chercheur au Centre de recherche en reproduction, développement et santé intergénérationnelle. « On a comparé les génétiques de vaches plus ou moins pures et la principale conclusion, c’est que c’est bel et bien un bagage génétique propre », dit M. Robert.
Mario Duchesne précise que la lignée dont elle est issue est même disparue. « Un chercheur français nous a présenté le fruit de ses recherches et il a démontré qu’on ne retrouve plus sa génétique initiale dans le nord de la France, d’où elle provient », rapporte-t-il.
L’autre grande conclusion de la recherche de l’Université Laval porte sur la diversité des gènes. « C’est très diversifié, pas mal plus que la Holstein par exemple, même si je sais que les éleveurs de Holstein n’aiment pas qu’on dise ça », affirme Claude Robert. « C’est une crainte qu’on entend souvent, que comme il reste peu d’individus, la génétique est dans un cul-de-sac, mais ce n’est vraiment pas le cas », assure Mario Duchesne.