Page conseils 21 mai 2024

Un jugement important sur la prescription acquisitive en zone agricole

Il y a quelques années, nous avions écrit une chronique au sujet de la prescription acquisitive. Nous vous avions alors expliqué que la prescription est un moyen d’acquérir un droit de propriété sur une parcelle de terrain par l’effet de sa possession sur une période continue d’au moins 10 ans, sans détenir un titre de propriété sur celle-ci et donc au détriment du véritable propriétaire.

Pour bénéficier de la prescription acquisitive et devenir officiellement le propriétaire de ladite parcelle de terrain, nous vous indiquions que le possesseur de ce dernier devait déposer une demande introductive d’instance devant les tribunaux afin d’obtenir un jugement favorable reconnaissant son droit de propriété.

Le 26 mars dernier, la Cour supérieure a rendu un jugement d’importance sur la prescription acquisitive en zone agricole, par lequel elle conclut qu’un individu prétendant avoir prescrit par l’effet de la possession doit d’abord présenter une demande d’autorisation à la Commission de protection du territoire et des activités agricoles du Québec (CPTAQ) avant de pouvoir déposer sa demande à la Cour supérieure1

Dans cette affaire, deux propriétaires de terrains voisins soutenaient avoir chacun occupé de façon continue, paisible et de manière non équivoque, une portion du terrain de l’autre. Ils prétendaient ainsi avoir acquis un droit de propriété sur le terrain de l’autre par prescription. D’ailleurs, ils ne contestaient pas leurs prétentions respectives. Or, ils avaient soumis leur demande introductive d’instance à la Cour supérieure sans avoir préalablement obtenu une autorisation de la CPTAQ pour procéder au lotissement et à l’aliénation des ­terrains entre eux.

À la suite de son analyse, la Cour supérieure conclut que leur demande est prématurée puisque la prescription acquisitive constitue une aliénation en vertu de la Loi sur la protection du territoire et des activités agricoles (LPTAA). Ainsi, la CPTAQ doit autoriser le lotissement et l’aliénation avant que l’on puisse déposer une demande de déclaration du droit de propriété à la Cour supérieure. Au paragraphe 54 du jugement, elle ­s’exprime en ces termes :

« Conclure autrement ouvrirait une brèche importante dans la LPTAA, loi d’ordre public à caractère social. En effet, tout propriétaire pourrait, par sa simple volonté “animus” et par ses gestes “corpus”, aliéner ou morceler le territoire agricole de manière anarchique, ce qui affecterait la pérennité de la base territoriale de la pratique de l’agriculture au Québec. »

Au surplus, la Cour conclut aussi que la possession d’un terrain faite en contravention des dispositions de la LPTAA ne peut produire d’effet et est viciée. Ce faisant, des usages ou des agissements illégaux, exercés en contravention à la LPTAA, ne permettent pas à une personne de prétendre avoir acquis un droit sur le terrain. Il appert donc que, dans la décision à l’étude, il ne sera pas possible pour un des demandeurs de prétendre que l’utilisation résidentielle qu’il a faite du terrain, même d’une durée de plus de 10 ans, pourra fonder une demande en prescription acquisitive.

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La chronique juridique est une vulgarisation de l’état du droit en vigueur et ne constitue pas une opinion, un conseil ou un avis juridique. Nous vous invitons à consulter un avocat ou un notaire pour connaître les règles particulières applicables à une situation donnée. L’emploi du genre masculin est utilisé dans ce texte uniquement dans le but d’en alléger la forme et d’en faciliter la lecture.

  1. Boutin c. Commission de protection du territoire agricole du Québec, 2024 QCCS 1022

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