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La fin du marché de la pitoune fait mal aux propriétaires de forêts privées, qui doivent composer avec une diminution de 20 % de leurs revenus et des pertes de 15 à 25 % sur les essences de pin, pruche et mélèze. Mais en Beauce, un regroupement de producteurs s’apprête à changer la dynamique de toute la filière forestière.
«Quand on abattait une épinette ou un sapin, on récupérait à peu près 100 % de l’arbre à faible coût, avec des équipements modestes », raconte Éric Cliche, directeur général de l’Association des propriétaires de boisés privés de la Beauce (APBB). « On fait maintenant plus de billes par tranches de 8 ou 12 pieds [2,4 m-3,6 m], ce qui entraîne la perte du dernier 25 % de l’arbre. Ça exige aussi des équipements plus performants, qui représentent un investissement important pour les petites exploitations », relate M. Cliche, signalant qu’avec la venue des bûcheuses, le pourcentage de travaux mécanisés est passé de 30 % à 85 % depuis 2017. « Seulement 15 % des producteurs réalisent maintenant eux-mêmes leurs travaux. Autour des années 2010, la Beauce comptait 4 000 à 5 000 producteurs actifs annuellement. Ce nombre se situe aujourd’hui autour de 1 000 », déplore-t-il.
Bois sans preneur crève-cœur
La baisse des revenus n’est cependant pas l’unique raison de cette démobilisation des producteurs. « Quand on coupe un arbre qui a mis 60 ans à pousser et qu’on envoie la crème [bille de bois] à l’industrie du sciage, souvent à un prix qui ne valorise pas l’arbre complètement, on est face à deux options : faire un chantier de coupe mécanisée pour ramasser un motton, ou laisser les arbres debout et ne rien faire », expose-t-il, rappelant que le bois qui reste au sol prend des années à se décomposer.
Face à ce constat, l’APBB a entrepris une vaste réflexion visant à trouver de nouvelles perspectives pour les bois sans preneur, avec l’objectif d’améliorer le revenu net pour les producteurs forestiers. Dans le cadre de cette démarche, le groupe GECA Environnement a été mandaté pour réaliser une étude de préfaisabilité visant à évaluer le potentiel d’une unité de fabrication de bioénergie et de biochar en Chaudière-Appalaches. « Nous avons étudié plus de 250 technologies à travers le monde, et le biochar a été retenu comme solution pour rémunérer les producteurs, et aussi amener des crédits carbone », explique M. Cliche.
Du potentiel à revendre
L’étude a permis d’identifier les volumes, les essences et leur géolocalisation, afin de déterminer le site de l’usine et de réduire le transport de la matière première. La structure initiale prévoit la mise en service d’un premier réacteur pour la transformation de 100 000 tonnes vertes en 20 000 tonnes de biochars destinés aux marchés de la métallurgie, de l’agriculture et du carbone. « Ce rapport confirme que nous avons le potentiel forestier et manufacturier nécessaire à l’implantation de nouvelles technologies pour fabriquer un produit dédié à la bioénergie ou à d’autres secteurs », souligne pour sa part Paul Busque, conseiller régional au développement forestier de Chaudière-Appalaches. Il ajoute qu’avec quelque 26 000 propriétaires privés qui représentent 90 % de l’exploitation forestière, ce secteur est le deuxième en importance dans la région. « Pour le bois sans preneur, c’est une super belle solution pour la forêt privée », renchérit la présidente de GECA Environnement, Suzanne Allaire.
Estimée au coût d’environ 35 millions, l’usine financée en partenariat public-privé démarrerait ses opérations en 2027.
Les cibles 2030 dans la mire
Pour M. Busque, l’initiative s’inscrit dans le contexte de la transition énergétique 2.0 du gouvernement du Québec. « Dans le cadre de ces orientations1, différents programmes visent à promouvoir le développement de technologies en lien avec l’utilisation de biomasse, afin notamment d’aider les entreprises consommatrices d’énergie à atteindre leurs cibles de développement durable 2030 », fait valoir le conseiller, qui voit en ce concept d’économie circulaire le moteur d’une transition énergétique propulsée par des écosystèmes régionaux. « Ces technologies viendront optimiser la valorisation de nos forêts, diminuer les pertes et participer à la lutte contre les GES », conclut-il.
Dans le même ordre d’idées, l’APBB sera l’hôte du prochain colloque de la Fédération des producteurs forestiers du Québec, les 6 et 7 juin prochains. Sous la thématique « Producteurs forestiers bioénergétiques », l’événement présentera les débouchés du secteur et fera le point sur les démarches pour l’implantation d’une nouvelle usine en Chaudière-Appalaches.